Depuis le milieu des années 1970, on considère que la rémunération des dirigeants doit être incitative. C'est ce que stipule la théorie de l'agence de Jensen et Meckling (1976): lorsque les actionnaires ne possèdent pas toute l'information nécessaire pour contrôler les dirigeants, la structure de la rémunération permet l'alignement des intérêts des deux parties.
La rémunération fixe n'étant pas incitative, du point de vue des actionnaires particulièrement, la rémunération des dirigeants est basée depuis les années 1980 sur les stock-options. Actionnaires et dirigeants ont ainsi un destin commun: maximiser la valeur de l'action de l'entreprise. Cette rémunération n'est pourtant pas exonérée de chocs exogènes: cela aurait pu accroître la volatilité des actifs financiers en liant la rémunération à une performance de court terme; par ailleurs, les dirigeants auraient finalement une part de leur rémunération liée aux mouvements des marchés financiers, parfois indépendants de la bonne performance de l'entreprise.
Alors que la capitalisation boursière des six plus grandes places financières atteint le PIB mondial, on comprend le niveau de rémunération des dirigeants. Mais de telles rémunérations sont-elles justifiées?
La réponse des économistes est double. D'un côté, la rémunération ne révèle que la structure des marchés: les dirigeants d'entreprises ont souvent des compétences extraordinaires telles qu'elles sont jugées par le marché alors que peu d'entreprises ont les moyens financiers de les attirer . Ce marché n'est pas éloigné dans son fonctionnement du marché des sportifs de haut niveau qui font face à la demande de quelques grands clubs.
De l'autre côté, la gouvernance d'entreprise peut expliquer la rémunération des dirigeants. L'actionnariat est souvent diffus et les administrateurs ont souvent partie liée avec le dirigeant (non seulement ils ont un pouvoir de révocation et de nomination mais le dirigeant lui-même peut, via le comité de nomination, influencer la composition du conseil d'administration). Les administrateurs ont par ailleurs une rémunération fixe est peu liée à la performance de l'entreprise...
Que peut-on faire face à une telle situation? Intervenir directement dans la gouvernance des entreprises par une mesure réglementaire en limitant le pouvoir du dirigeant sur le comité de rémunération et le comité de nomination des administrateurs; en liant exclusivement la rémunération des administrateurs à la performance de l'entreprise (soit-elle financière ou réelle); donner à l'assemblée des actionnaires un droit de veto sur la nomination des dirigeants.
Tout cela ne résout pas les tensions que cela pose sur la cohésion sociale, ce que les médias semblent souligner sur la rémunération des dirigeants avec le cas récent de Maurice Lévy. Je suis toutefois formellement opposé à la mise en place d'un salaire maximum comme c'est le cas aux Pays-Bas: la libre-entreprise est un principe constitutionnel qu'il faut respecter. Je pense en revanche qu'une taxation proportionnelle supérieure à 50% à partir d'une rémunération de 1 million d'euros par an et à condition de gommer les effets d'aubaine est un bon moyen de lier le fonctionnement libre de l'entreprise et la lutte contre les inégalités.
Pour en savoir plus, voir l'opus du CEPREMAP: "Comment faut-il payer les patrons?" de Frédéric Palomino, 2011.
2 commentaires:
La liberté d'entreprendre garantie par la constitution (quelle jurisprudence?) n'empêche pas les entreprises d'obéir aux lois: il existe bien un salaire minimum, qui empêche de payer un salarié en deça d'un seuil et ce n'est pas contraire au principe de libre-entreprise. Taxer les hauts salaires est une mesure de redistribution et de financement de l'Etat mais ne répond pas à la demande de justice exprimée par les citoyens. Arrêtons de penser que des salaires si élevés récompensent des talents exceptionnels! Les Pays-Bas l'ont fait: pourquoi pas la France? Il n'est pas contradictoire de taxer les hauts revenus et de limiter les hautes rémunérations!
Cher ami, c'est au programme d'Hollande de réglementer les rémunérations dans un éventail de 1 à 20 pour les entreprises au capital public.
Cela revient à réglementer les salaires comme le font certaines fédérations sportives, notamment aux Etats-Unis. Je n'y suis pas opposé, les salaires actuels sont largement déconnectés de l'efficacité des dirigeants.
Je suis opposé à des règles rigides et je cherche des solutions qui facilitent la redistribution, d'où ma préférence pour la taxation.
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