La récente fête de
l'Humanité a été l'occasion pour le Gouvernement de mesurer l'écart grandissant
entre les attentes des militants et sympathisants du Front de gauche et du
Parti Communiste et les premières mesures qu'il a annoncées. Critiqué pour la
forte participation des ministres à l'université d"été du Medef afin de
rassurer le patronat sur ses objectifs économiques, fiscaux et sociaux
(imposition à 75 % des revenus supérieurs à 1 M€, soutien à la filière
nucléaire, lancement d'une consultation entre syndicats et patronat sur la
flexibilité du travail), le Gouvernement n'était représenté que par sa
sympathique -mais peu expérimentée- porte-parole. Le principal grief du Front
de Gauche concernait principalement le Traité sur la stabilité, la coordination
et la Gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG) qui devrait être
adopté par voie parlementaire dans quelques semaines grâce à la majorité dont
dispose le Parti socialiste à l'Assemblée nationale et au Sénat. A cette
ratification parlementaire, les militants et sympathisants du Front de Gauche
opposent la ratification par voie référendaire comme pour le Traité établissant
une Constitution pour l'Europe, convaincus qu'il s'agit de l'unique procédure
susceptible d'exprimer réellement la volonté du peuple et qu'elle conduirait à
son rejet comme en 2005. Une manifestation est prévue le 30 septembre 2012
prochain pour exiger un tel référendum conformément à l'article 53 de la
Constitution.
L'austérité
généralisée contribue à aggraver la crise économique
La principale
critique adressée à l'encontre du TSCG est qu'il contraindrait les
Gouvernements des pays européens signataires à mener des politiques d'austérité
parce qu'il impose des limitations strictes de déficit et de dette publique. Si
une stratégie économique de désendettement peut, à certaines conditions,
contribuer au redressement économique d'un Etat, lequel retrouverait des marges
de manoeuvre budgétaire et lui éviterait d'être soumis au diktat des marchés
financiers qui exigent des taux d'intérêt toujours plus élevés comme pour
l'Italie ou l'Espagne, une telle généralisation des politiques d'austérité en
Europe conduit paradoxalement à réduire
la croissance de tous les Etats d'Europe et donc à rendre encore plus difficile
le désendettement des Etats et le retour à l'équilibre des finances publiques.
C'est cette stratégie générale de désendettement, en situation de crise économique,
qui doit être combattue pour ses effets pro-cycliques: elle aggrave en fait la
dette des Etats et amplifie la crise économique. Reste qu'il ne semble pas que
l'objectif du TSCG soit l'austérité généralisée.
Le TSCG peut
avoir des effets contra-cycliques et ne conduit pas mécaniquement à l'austérité
Si le TSCG prévoit
bien une limitation du déficit structurel à 0,5 % du PIB et de la dette à 60 %
du PIB, cela ne signifie pas en réalité que le TSCG contraigne les Etats à une
politique d'austérité pro-cyclique amplifiant les difficultés économiques
actuelles. En effet, alors que le précédent pacte de stabilité et de croissance
(PSC) limitait les déficits à 3 % du PIB, la nouvelle référence à une norme
structurelle -et non plus conjoncturelle- du déficit laisse penser qu'il sera
possible de dépasser les 3 % de déficit en situation de crise. En effet,
il se peut très bien qu'un pays connaisse un déficit structurel de 0,5 % et un
déficit conjoncturel bien supérieur à ce seuil et bien au-delà des anciens 3 %
du PSC, et ce en raison de la vigueur de la crise. Le TSCG n'impose donc pas
par lui-même une politique d'austérité en temps de crise. Alors que l'objectif
du Gouvernement Ayrault de réduction du déficit public -conjoncturel- à 3 % du
PIB en 2013 est critiquée en cette période de ralentissement de l'activité
économique (prévision de croissance de 0,5 % à 0,8 % en 2013), l'adoption de la
nouvelle norme de 0,5 % de déficit structurel que prévoit le TSCG pourraît
même paraître plus laxiste que l'objectif défini de 3 % puisqu'un pays pourra
très bien respecter la norme structurelle
(0,5 % du PIB) en dépassant les 3 % conjoncturel, ce seuil issu du PSC
devenant caduc après ratification du TSCG. Ainsi le Gouvernement Ayrault
propose-t-il un objectif qui semble plus strict que ce qu'imposerait le TSCG si
celui-ci était ratifié.
La nouveauté du
TSCG concerne principalement les périodes de croissance
C'est surtout en
période de croissance que le TSCG impose des efforts nouveaux aux Etats: en
effet, dans une telle situation, le déficit structurel devra aussi être contenu
à 0,5 % du PIB, ce qui implique mécaniquement un excédent conjoncturel. Le
principal effet du TSCG sera donc surtout d'imposer un excédent budgétaire en
période de croissance, ce que n jamais réalisé la France, y compris pendant la
période 1997- 2002, dernière période de croissance forte. Mais il ne s'agit
pas d'empêcher tout déficit et toute
politique de relance en situation de crise puisque la référence à une norme de
déficit structurel (0,5 %) autorise des déficits conjoncturels beaucoup plus
importants. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au TSCG son caractère
pro-cyclique: il semblerait plutôt qu'il s'agisse cette fois d'un mécanisme
véritablement contra-cyclique et donc économiquement pertinent, prévoyant la
réduction des déficits en période de croissance mais aussi la possibilité de
relances en situation de crise.
Auparavant, le PSC limitait trop drastiquement le déficit conjoncturel en situation
de crise (3 %) sans prévoir de retour à
l'équilibre ou à l'excédent en période de croissance et semblait donc réellement
pro-cyclique.
Si l'on ajoute que
les déficits structurels peuvent atteindre 1 % du PIB si la dette de l'Etat est
durablement inférieure à 60 % du PIB, le
TSCG semble moins rigide que le précédent pacte. Par ailleurs, des mesures
temporaires et des circonstances exceptionnelles pourront être prises en compte
pour ne pas respecter la lettre du TSCG décidément plus souple qu'il n'y
paraît.
Le TSCG ne
changera pas la construction européenne
Nous avions indiqué
dans un précédent article que le TSCG ne changerait pas la donne en matière
européenne, ce qui pouvait expliquer qu'on ne s'y oppose pas.
En effet, la
gouvernance européenne n'en ressort pas fondamentalement renforcée, pas plus
que la construction européenne, et le citoyen européen n'apparaît toujours pas
en mesure d'influer directement sur le processus décisionnel européen. Toutefois,
le TSCG aura pour effet d'accroître la supervision de la Commission européenne
, gardienne des Traités, dans le respect des normes définies et obligera un
Etat à retourner à l'équilibre -voire à l'excédent- en période de croissance
économique. En période de crise, il semble que le TSCG soit moins contraignant
que ne l'était le PSC.
Le TSCG doit-il
être une cause de rupture à gauche?
Dans ces conditions,
on peut s'interroger sur l'opposition acharnée du Front de Gauche devant un tel
Traité. Certes, la ratification par référendum d'un traité est une possibilité
offerte par la Constitution et il est dommage que les citoyens européens ne
soient que très rarement appelés à s'exprimer directement sur un projet
européen. Toutefois, on ne peut pas considérer que la ratification
parlementaire constitue un déni de démocratie puisque la France reste une
démocratie représentative, dans laquelle la quasi-totalité des lois et des
traités sont approuvés par voie parlementaire. L'offensive du Front de Gauche
pour un référendum a donc une visée symbolique: il s'agit d'appeler à davantage
de démocratie directe (pourquoi ne pas alors appeler à une mise en oeuvre
effective et simplifiée du droit d'initiative populaire prévue à l'article 11
de la Constitution depuis le 23 juillet 2008) et surtout à se différencier d'un
Gouvernement qu'il juge trop modéré et conserver des marges de manœuvre électorales. Cependant, la contestation du TSCG peut produire l'effet inverse
de celui recherché: en effet, plus souple que son prédécesseur, son rejet par
référendum -lequel n'a rien d'acquis- nous replacerait dans le cadre stricte du
PSC dont les effets sont plus strictes et pro-cycliques et donc économiquement moins pertinents; Quant à appeler à la mise en oeuvre du référendum d'initiative
populaire, un tel mot d'ordre paraît trop technique pour être mobilisateur
alors que la critique permanente de l'Europe reste beaucoup plus simple et
politiquement plus rentable.
Stakhanov
aleks.stakhanov@gmail.com
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