Créée en 2000, l'enquête PISA menée tous les trois ans par l'OCDE consiste à évaluer les systèmes éducatifs de 65 pays. Nos élèves de 15 ans étaient alors classés 21ème en compréhension de l'écrit, 22ème en mathématiques et 27ème en sciences, loin derrière la Corée du Sud ou la Finlande. La France devrait perdre cette année quelques places, notamment en mathématiques.
De mon point de vue, il y a deux effets qui doivent être soulignés. D'abord, la France se situe dans la moyenne de l'enquête avec des scores similaires à l'Allemagne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni par exemple. Notre système éducatif est à la hauteur de l'importance que nous accordons à l'éducation. Le classement est moins gênant que le fait de perdre des places à chaque évaluation, ce qui montre l'incapacité des gouvernements successifs - qui ont tous tenté de faire remonter la France dans ce classement - à changer rapidement la photographie du paysage éducatif.
Ce qui m'embête énormément dans le système français, c'est la dynamique d'inégalités qu'il perpétue. Dans le système éducatif français, les inégalités de la maternelle sont entretenues jusqu'à la sortie du système universitaire et se retrouvent sur le marché du travail. Le quatrième de couverture du livre Les héritiers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron résumé à elle-seule la situation: "si l'école aime à proclamer sa fonction d'instrument démocratique de la mobilité sociale, elle a aussi pour fonction de légitimer - et donc, dans une certaine mesure, de perpétuer - les inégalités de chances devant la culture en transmuant par les critères de jugement qu'elle emploie, les privilèges socialement conditionnés en mérites ou en "dons" personnels". Cette situation est insupportable : si l'école ne permet pas de corriger les inégalités de départ, elle n'a aucune autre fonction que de légitimer la supériorité des classes économiquement dominantes. Peut-on imaginer un système de santé qui aurait pour objectif d'accroître les inégalités entre malades et bien portants? De la même manière, l'école doit être la première voie pour assurer une certaine mobilité sociale. Or, nous avons en France beaucoup de mal à retenir les élèves - un élève sur huit quitte l'école sans diplômes et un autre élève sur huit obtient un diplôme inférieur au BAC - et encore plus de mal à encadrer les décrocheurs (qui sont majoritairement des enfants de familles à faibles revenus).
Pourtant, on connaît bien les solutions et elles sont largement faisables, bien qu'encadrées par des rigidités administratives et conservatrices. Il faut séparer les élèves selon le niveau pour mieux soutenir les décrocheurs et
mieux impliquer les parents et communiquer avec eux (y compris quand ils ne viennent pas aux réunions) car une grande part de la défiance envers le système vient des parents eux-mêmes. Il y a d'autres questions qui doivent être expérimentées: la séparation des genres à certains âges, le recrutement favorisé de maîtres d'écoles au regard de la proportion énorme de maîtresses, le travail en commun avec des associations d'aides aux plus défavorisés...Il y a tellement à faire et l'environnement éducatif est si différent d'une région à l'autre qu'il faut veiller à ce que les solutions soient différentes d'une région ou d'un établissement à l'autre.