La semaine dernière, lors d’un débat local sur la stratégie de la gauche pour les élections 2012 qui révélait de nombreux points de convergence entre les différents participants, un intervenant a indiqué, sans remords, que la création d’emplois publics ne constituait pas une solution pérenne à la résorption du chômage, notamment des jeunes, parce que, disait-il, les fonctionnaires ne créent pas de richesse. Surpris de cette assertion digne du MEDEF, j’interrogeai l’orateur qui m’expliqua que, s’il croyait au service public et en ses valeurs, la fonction publique constituait un prélèvement sur la richesse privée et que le recours à l’emploi public devait être manié avec précaution.
S’il est évident qu’un Etat ne doit pas embaucher des fonctionnaires sans tâches précises à leur confier, il est faux de dire que les fonctionnaires ne créent pas de richesse : au contraire, la valeur ajoutée créée par les agents publics reste sous-évaluée.
La fonction publique est une condition de l’activité économique
Il s’agit d’une évidence qui ne perd rien à être réaffirmée : sans un Etat garant des libertés et de la justice, il ne peut y avoir aucune activité économique. En effet, l’Etat garantit le respect de la loi donc des contrats passés entre les entités économiques. Pour cela, police et justice sont nécessaires. Par ailleurs, le développement des infrastructures favorise la croissance économique parce qu’elles permettent les échanges et favorisent l’implantation d’entreprises. Enfin, une population instruite et éduquée offre une main d’oeuvre hautement qualifiée aux entreprises qui peuvent ainsi produire et innover.
En participant au processus de production de biens et de services, les fonctionnaires créent des richesses
Les fonctionnaires ne font pas que participer, de façon indirecte, à la création de richesse. Ils produisent eux-mêmes de la richesse, laquelle est comptabilisée dans le produit intérieur brut d’une nation (PIB).
La richesse produite correspond à la valeur ajoutée créée. Un bien ou un service dispose de valeur dès lors qu’il a une utilité. L’activité des fonctionnaires s’inscrit bien dans cette définition puisque le service rendu dispose bien d’une utilité sociale : soit il s’agit d’un service public de caractère régalien (police, justice), auquel cas il est la condition de toute activité économique; soit il s’agit de la fourniture d’une prestation (éducation, aide sociale) auquel cas le service est valorisable puisqu’il a une utilité pour celui qui en bénéficie.
La richesse créée par la fonction publique est sous-évaluée
De façon générale, la richesse créée par le secteur public est largement sous-évaluée. En effet, aucun prix de marché n’est associé au service ou à la prestation rendue par le secteur public, si bien que la valeur créée est comptabilisée à son coût de production (traitements, frais généraux) : celui-ci est toujours inférieur, pour un même service ou une même prestation, à celui d’une entreprise privée qui y ajoute le profit attendu. Penser que les fonctionnaires ne créent pas de richesse revient à dire qu’une collectivité publique ne produirait aucune valeur parce qu’elle fournit une prestation à un coût moindre que le secteur privé. Cela est absurde.
Prenons l’exemple de l’éducation. Entièrement nationalisée, gratuite et payée par l’impôt, beaucoup pensent à tort qu’elle est une charge utile mais qu’elle ne constitue pas une richesse. Supposons ensuite que ce même service d’éducation soit fournie par une (ou plusieurs) entreprise (s) privée (s) : celle-ci, en réalisant des profits, créerait bien de la valeur ajoutée et donc de richesse. Ainsi le service fourni par une entreprise privée à un prix élevé (parce qu’il intègre le profit) produirait de la valeur tandis que le même service, fourni par la collectivité à titre gratuit, n’en créerait pas ? La prestation fournie est pourtant la même.
On pourrait prendre un autre exemple issu secteur de la santé : un hôpital public ne créerait pas de valeur alors qu’une clinique privée en produirait, alors même que les services rendus sont identiques (assurer la santé des individus) ?
La création de valeur et de richesse ne dépend pas du secteur de production (public ou privé) mais uniquement du travail nécessaire à la réalisation du bien ou du service. Le fonctionnaire est un salarié comme un autre qui créé de la valeur comme tout autre travailleur.
Les dépenses de fonctionnaire sont réinjectées dans l’économie
Il convient aussi de rappeler que, même si le secteur public a un coût et que ses missions et son périmètre d’intervention peuvent être redéfinis, les dépenses du secteur public ne sont jamais perdues parce qu’elles contribuent à l’activité économique générale. Les traitements des fonctionnaires sont dépensés en logements, en bien courants et en loisirs qui assurent la rentabilité du secteur privé tandis que les dépenses de fonctionnement et d’investissement des collectivités publiques viennent grossir le carnet de commandes des entreprises privées. Ainsi les dépenses publiques constituent-elles moins une ponction sur l’économie qu’un vaste circuit d’échanges et de redistribution des revenus entre agents économiques.
Tout travailleur participe donc, qu’il relève du secteur public ou du secteur privé, au processus de production de richesse d’une nation parce que le travail, et lui seul, constitue la seule source de création de valeur. Ainsi la question d’une rémunération plus juste du travail, c’est-à-dire plus élevée, doit-elle être au cœur du débat économique et social.
14 commentaires:
Oui, mais pourquoi ils finissent à 16h les fonctionnaires ?
parce que 35H c'est déjà trop
Je vous remercie pour vos remarques pertinentes!
Effectivement, 35 H c'est trop pour des journées qui en compte 24h. Et si certains fonctionnaires terminent à 16 H, c'est peut-être qu'ils ont commencé à 6 H...
Non les fonctionnaires sont des paresseux qui se plaignent en plus que la retraite arrive trop tard. Franchement ayons moins de fonctionnaires et plus d'entrepreneurs! voilà le vrai mot d'ordre!
Comment expliquer simplement ce qui paraît difficile à faire comprendre? C'est ce pédagogique que ce texte remarquable de concision atteint, n'en déplaise aux auteurs de remarques qui n'ont peut-être pas pu bénéficiel de l'enseignement universitaire ouvert à toutes et à toutes.
Je profite de l'occasion pour remercier toutes celles et ceux qui soignent 30 malades, toutes celles et ceux qui s'occupent de 30 élèves, toutes celles et ceux qui poursuivent les délinquants en tout genre au péril de leur vie, toutes celles et ceux qui les sanctionent; bref ceux et celles qui font vivre notre République et pour qui l'Intérêt Général est un honneur.
Qu'il y ait besoin d'entrepreneurs dans notre pays, j'en conviens. De là à dire que les fonctionnaires sont paresseux, c'est caricatural et surtout inexact.
Que dirais-tu si je disais que de nombreux entrepreneurs sont des incompétents et des paresseux? La preuve: le nombre de faillites de PME chaque année.
perso, moi je travaille pour la fonction publique, j'ai commencé à 8h30 ce matin, j'ai fini à 20h00, et je suis d'astreinte pendant toute la semaine...
Ceux qui disent que les fonctionnaires sont des fainéants sont ceux qui ont trop regardé "bienvenu chez les chti" ou se sont trop laissé influencés par les blagues de bureau...et qui oublient que les "paresseux" sont (entre autre) garants de l'application de la réglementation sur le territoire et par là même, pour la partie qui me concerne, garants de leur sécurité sanitaire.
Sur ceux, entreprenez, capitalisez, délocalisez (rapide raccourci à peu prés à l'image des raccourcis précédents), polluez allégrement les pays en voie de développement...tant que chez eux il n'y a pas encore assez de fonctionnaires pour faire appliquer une réglementation à l'image de elle de la France.
Merci de cette dernière réponse. Je suis fonctionnaire et je compte pas mes heures, du lundi au vendredi de 8h00 à 19h00, et je compte le travail à domicile.
Il y a peut-être dans certain endroits un problème d'organisation, mais ce n'est pas propre à la fonction publique.
Le seul avantage s'est la garantie de l'emploi, mais les fonctionnaires ne sont pas des faignants
Pour reprendre l'exemple "hôpitaux publics vs cliniques privées", il serait pas mal de noter que les prestations proposées par le privé sont loin d'être les mêmes que celles proposées par le public.
Le privé se permet, car sans mission de service public, de refuser de faire certaines interventions médicales du fait de leur faible, ou nulle, rentabilité. Si les hôpitaux sont déficitaires aujourd'hui, c'est que leur objectif n'est justement par priorisé par la seule rentabilité et soyons en heureux pour notre petite santé.
Il devient urgent d'en prendre conscience!
Le privé a de moindres coûts parce qu'ils réduisent leur assiette de prestation aux actes médicaux les plus rentables...et maintenant ils pourraient prendre les internes du public dégoûtés par la reterritorialisation des soins, ce qui serait une bêtise absolue!
La fonction publique a une utilité, mais je n'aime absolument pas le fait de mettre toutes les fonctions publiques dans le même tas.
Les indispensables, et ceux qui sont en plus sous évalué, ce sont les profs! et la justice aussi.
Après, je reconnais que certains fonctionnaire (totalement inamovible ou presque) mérite un coup de pied au derrière, surtout ceux associé à la rue de grenelle, qui mériterai de se faire rosser par les profs, en particulier les fonctionnaires saboteurs de la DGESCO.
A cause de 300 ou 400 emmerdeurs j'en foutiste, c'est les quelques centaines d'autre qui souffrent d'une mauvaise image :/
Stakhanov, la part des fonctionnaires dans la VA c'est combien?
Le problème n'est pas le fonctionnaire ou sa fonction dans la société mais son statut. Dans un pays où l'on prône à travail égal salaire égal, le statut du fonctionnaire est inique. Et c'est ce statut qui plombe la fonction publique et qui empêche d'embaucher plus de fonctionnaires pour un meilleur service. Dasn une république de l'égalité, il ne peut y avoir des salariés avec des privilèges dits de droits supérieurs et des salariés de seconde zone...
j'aiiiiiiiiiiiiime
bon continuation
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