La
proposition de campagne du candidat du parti socialiste de taxer les hauts
revenus à 75% a suscité de nombreuses réactions jusque dans les tribunes des
stades. Pour un débat serein, il serait nécessaire de rappeler quelques
éléments éclairant cette mesure afin de dépasser la seule question de l'avenir
de la Ligue 1 sans évidemment nier l’impact que cela pourrait avoir sur le
niveau du championnat.
Pour
rappel, le barème d'imposition est actuellement le suivant.
Barème impôt 2012
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TRANCHE DE REVENUS 2011
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TAUX D’IMPOSITION 2012
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Revenus jusqu'à 5 963
euros:
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0 %
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De 5963 à 11 896 euros:
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5,5 %
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De 11 896 à 26 420
euros:
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14 %
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De 26 420 à 70 830
euros:
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30 %
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Plus de 70 830 euros:
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41 %
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Ce
barème est progressif par tranche de revenus. Condorcet définit l'impôt progressif dès la
fin du XVIIIème siècle comme « l'impôt qui augmente plus que
proportionnellement que la valeur imposée ». Il légitime un tel impôt par
le fait qu'il serait insoutenable de taxer les revenus « dans lesquels on
comprend tous les moyens de subsister », c'est donc sur « l'excédent
seul qu'il doit être placé».
De
plus, et là est l'originalité de Condorcet, pour lui les riches sont également
les premiers à profiter des dépenses publiques. La construction des routes au
XVIIIème siècle favorisa largement les affaires privées et les déplacements des
plus riches comme aujourd'hui, le financement public des aéroports et des ports
de commerce permet d’alimenter les profits des détenteurs de capital. Ces
dépenses effectuées en vérité au nom de l'intérêt général mais dont il résulte
des jouissances particulières pour les plus aisés rend l'impôt progressif
conforme à la justice.
Si
les écrits de Condorcet sont déjà anciens, l'idée de progressivité de l'impôt
ne finira à s'imposer en France qu'avec les réformes Caillaux de 1914 et 1917
dans le contexte de la première guerre mondiale. Au départ dans l'optique de
lever des fonds supplémentaires pour l'effort de guerre, l'impôt progressif s'avère également un outil efficace de lutte contre les inégalités.
Les
travaux récents de Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez ont à ce
sujet démontré que l'impôt sur le revenu dans l'état actuel des choses était
faiblement progressif. Pour eux le système fiscal français est régressif
lorsque l’on considère les taux moyens d’imposition des ménages. Si cette étude
n'est pas exempte de critique, une réforme de l'impôt sur le revenu est
souhaitable afin de gagner en lisibilité mais également dans le but de rendre
plus juste cet impôt.
Face
à la nécessité de rééquilibrer les finances publiques, les solutions miracles
ne sont pas légions. Il faut soit augmenter les recettes publiques, soit
diminuer les dépenses publiques. Si comme je le pense contraindre les dépenses
publiques n'est pas souhaitable à court terme, alors l'Etat doit trouver de
nouvelles ressources, là où la taxation doit être le moins distorsive possible.
Où trouver ces ressources supplémentaires?
Il
est possible, comme le Président actuel l'a décidé de faire peser cette charge
à l'ensemble des français, en taxant plus nos consommations finales à travers
l'augmentation de la TVA de 19,6% à 21,2% à partir du 1er octobre 2012. Cette
mesure a l'avantage pour l'Etat de faire rentrer près de 10 milliards d'euros
de recettes supplémentaires par an. Cette taxe a le mérite de pouvoir
facilement lever des fonds et d’être transparente. En revanche, elle pèse plus
sur la consommation des bas revenus qui ont une propension à consommer plus
forte...Elle fera augmenter le taux moyen d’imposition sur les bas revenus.
François
Hollande, de son côté, veut faire peser une partie de la charge de la dette sur
les plus hauts revenus avec un taux marginal à 75% au seuil d’un million
d’euros par an. 10 000 français seraient concernés par cette nouvelle tranche
d'imposition.
Si
comme Christophe Jallet (joueur du PSG monté au créneau dans les médias contre
cette proposition) votre revenu mensuel s'élève à 100 000 euros, alors votre
taux moyen d'imposition sur le revenu passerait de 27,7% à 33,3%. En volume,
l'augmentation d'impôt pour un contribuable ayant un revenu brut annuel de 1
200 000 euros, s’élèverait à environ 65 000 euros supplémentaires suite à
l'augmentation du taux marginal d'imposition.
Quel impact sur les inégalités?
Les
inégalités de revenu se sont réduites tout au long du XXème siècle. Les 10% des
plus haut revenu en 1900 représentent près de 45% du revenu total contre 34%
aujourd'hui. A la sortie de la seconde guerre mondiale, l'écart inter-décile
entre les 10% les plus aisés et les 10 % les plus pauvres, est de 1 à 9. En
2000, cet écart est de 3,2.
Loin
des inégalités du XIXème siècle, nous observons depuis 10 ans la fin du recul
des inégalités économiques. Camille Landais considère d'ailleurs que nous avons
retrouvé le rythme de croissance des inégalités de la fin du XIXème siècle.
L'écart inter-décile s'est remis à croître. Les inégalités tendent à
s'accroître par le haut de la distribution des revenus.
Entre 2004 à 2008, les 0,01% les plus riches ont vu leur revenu annuel s’accroître
de 180 000 euros. Sur la même période, la France a vu le nombre de
personnes franchir le seuil de pauvreté augmenter pour la première fois depuis
longtemps, passant la barre des 8 millions de pauvres. Tendre vers une
fiscalité plus redistributive semble nécessaire aujourd'hui pour endiguer la
dynamique des inégalités.
Que faut-il en conclure ?
Ainsi,
un tel barème sur l'impôt permettrait de limiter les inégalités résultant des
très hauts revenus. Cependant pour réduire le spectre des inégalités, il
faudrait que cette augmentation de l'impôt des 0,02% des plus riches
s'accompagne d'une diminution ou d’une stabilisation du taux d'imposition des
99,98% restant. Le contexte actuel ne semble pas propice à une telle décision.
Au
niveau moral, il présente l'avantage de ne pas faire supporter aux personnes
ayant les revenus les plus fragiles le poids de la dette publique. L'enjeu est
également de limiter l'ampleur des revenus les plus indécents au regard de ceux
du reste de la population. A titre d’exemple, les patrons du CAC 40 ont une
rémunération annuelle moyenne de 2 millions d'euros soit environ 150 SMIC. Aucun
talent particulier ne semble justifier de tels écarts. Une juste répartition
des revenus est un facteur de cohésion sociale à ne pas négliger. Le PS propose
ainsi d’encadrer de 1 à 20 la carte des salaires dans les entreprises publiques
comme le souhaitait JP Morgan.
Enfin,
face à ce nouveau barème, il faut s'attendre à des réactions comportementales
complexes à anticiper. En
théorie, les individus concernés
pourraient en effet décider de quitter le pays, ou encore d'ajuster leur temps
de travail afin de ne pas être imposés plus, ce qui diminue en retour les
recettes fiscales totales. En réalité, la fuite devant l’impôt serait encore
limitée et l’incitation au travail ne joue que sur les bas revenus.
Si François Hollande est élu, il n’est donc pas sûr que les
joueurs du PSG jouent mieux pour avoir des primes de résultats comblant la
diminution de leur revenu suite à l’augmentation des impôts. Cela pourrait même faire l'objet d'un prochain post.
1 commentaire:
très intéressant. assez factuel
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