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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Procrastination : nous avons l’antidote

mercredi 6 juillet 2011







 "Si j'ai vu si loin, c'est que j'étais monté sur des épaules de géants" Newton.


Le géant sadique

Il s'agit de Dan Ariely, économiste comportementaliste aux expériences aussi ingénieuses que controversées. Dans l’une de celles auxquelles ses élèves ont été soumis, il a donné à trois classes trois devoirs identiques à rendre avant la fin du semestre. Rien de bien original me direz-vous...sauf que les trois classes n'avaient pas les mêmes règles du jeu. La classe 1 avait une liberté totale quant à la date de rendu des trois devoirs; la classe 2 n’en avait pas du tout : les élèves devaient rendre chacun des trois devoirs à trois dates précises; et la classe 3 avait une semi-liberté : les élèves devaient rendre chacun des trois devoirs à une date précise aussi mais qu'ils pré-déterminent au préalable.

Au bout du semestre, la classe ayant le mieux performé était la classe 1. Celle qui a le moins bien performé est la classe 2. La classe 3 a performé largement mieux que la classe 2. Munis d’un outil pour s’autocontrôler, les élèves, même sans suivi quelconque réussissent à surmonter leur désir de procrastiner et se fixent des délais de rendu plus stratégiques.

Le géant venu du Nord

Une expérience menée à l’université de Copenhague au Danemark se penche sur la distraction des employés au travail. L'expérience consiste à demander à un nombre de participants de compter le nombre de passes de ballon que se font des personnes. La moitié des participants est soumis à une distraction : ils doivent regarder une vidéo comique avant de compter le nombre de passes. L’autre moitié des participants peut ou non regarder la vidéo comique ou se contenter d'entendre le reste du groupe jubiler devant les sketchs sans regarder. Alors que l’on pourrait s’attendre à ce que le groupe distrait ait sous-performé, c'est l'opposé qui se passe. Le groupe interdit de vidéo comique commet systématiquement plus d’erreurs que l’autre groupe.

A ce stade, vous pourriez conclure que les gens heureux (ou qui sont libres de faire ce qu'ils veulent du moins) sont plus performants. Cela s'applique à la lutte contre la procrastination: comprendre l'importance de la distraction et de la jouissance immédiate qu'elle apporte, c'est comprendre la lutte contre l'art de remettre tout à demain.

Le géant gourmand

Souvent pour décrire ce qu’est la procrastination, on a recours à cette expérience hilarante. L’attitude des enfants face aux friandises est révélatrice de la réaction d’un adulte face à une source de distraction mais elle fournit surtout une définition plus fine de la procrastination: c’est le fait d’opter pour une rémunération de court-terme potentiellement plus faible mais immédiate aux dépens d’une rémunération de long-terme potentiellement plus importante mais lointaine. Notons par ailleurs que ces enfants sont très représentatifs de la population américaine, incapable d’épargner et en proie à un symptôme dépensier.

Dans une expérience menée par Baumeister, Bratslavsky, Muraven, et Tice en 1998, les participants, encore à jeun, sont mis en face de cookies au chocolat et de radis. On demande à la moitié du panel de manger les radis et à l'autre moitié de manger les cookies. Ensuite, les deux groupes doivent résoudre un puzzle insolvable, détail dont on ne les informe évidemment pas. Ceux qui ont mangé des radis tiennent 9 minutes, deux fois moins que ceux qui ont mangé des cookies.

Cette expérience fait écho à l’étude de Copenhague, les cookies étant l’équivalent de la vidéo drôle. Privés d’une distraction apparente, les participants sont moins productifs laissant penser qu’un employé dont l’accès à Facebook ou autre serait interdit pendant les heures de travail sera également moins productif.

Sur les épaules des géants

Interdire ou s’interdire toute forme de distraction est donc contre-productif. Baumeister et Bratslavsky appellent cela l’épuisement de l’égo. Les deux psychologues considèrent que la concentration est un muscle qu’on ne peut étirer indéfiniment. Voilà l’antidote à notre poison quotidien de remettre tout au lendemain.

Si on en revient à l'expérience d'Ariely, la solution idéale se trouve dans la classe 3: une semi-liberté. Dans la vie de bureau de tous les jours, cela signifierait l’avènement d’un nouveau genre de pause café. La pause Facebook au bureau s'avère donc positive pour l'organisation du travail. Elle doit cependant être de durée limitée (deux fois quinze minutes par jour). La pause doit être une récompense - et non une opportunité manquée qui nous obsède - et elle peut être productive. De l'impact positif de la machine à café où les collègues échangent - on parlera de liens faibles - à la nécessité pour chacun de développer ses projets personnels, la pause est le meilleur remède à la procrastination.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

merci Halim, très bon article.

David

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