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La règle d’or des finances publiques: une idée trop simple pour être efficace

mardi 23 août 2011

Alors que la crise financière se poursuit avec désormais des interrogations sur la soutenabilité des dettes publiques nationales comme l’attestent la crise grecque et la dégradation de la note financière des Etats-Unis par Standard and Poor’s, le Gouvernement français propose l’instauration d’une « règle d’or » des finances publiques. Il s’agit d’inscrire dans la constitution, norme juridique supérieure en droit français, l’impossibilité de s’endetter. Une telle mesure aurait pour vertu, en limitant le déficit et l’endettement des Etats, de rassurer les marchés financiers et de garantir un endettement soutenable à moyen et long terme. Autant le dire de façon directe, le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques adopté en dernière lecture le 13 juillet 2011 donnera bonne conscience au Gouvernement et à ceux qui le voteront mais ne servira absolument à rien.
 
 
Un projet de loi qui se trompe sur la nature de la crise financière et économique
 
 
Le projet de loi, qui doit encore être approuvé par référendum ou par le Parlement réuni en Congrès, constitue une erreur d’analyse sur la nature de la crise actuelle. Si en effet, la bonne gestion des deniers publics et un déficit soutenable sont des objectifs pertinents, l’Exécutif fait de l’endettement des Etats la cause première de l’actuelle crise financière et économique mondiale. Pourtant, la crise de 2008 est née sur les marchés financiers et vient de l’incapacité des acteurs financiers à analyser le risque de produits toujours plus complexes. Si l’endettement des Etats était déjà élevé en 2008 (66 % pour la France par exemple), le fort accroissement de la dette depuis deux ans (82,3 % du PIB soit 1 600 milliards d’euros) vient principalement des plans de relance et de sauvetage des institutions financières et surtout du fort ralentissement économique consécutif à la crise financière : les recettes de l’Etat se sont ainsi fortement contractées puisque de 286 milliards d’euros en 2008, elles ont diminué de 33 milliards d’euros en 2009 (253 milliards d’euros de recettes) pour remonter à 266 milliards d’euros, somme inférieure à l’exercice 2008. L’endettement des Etats depuis 2008 a plutôt joué un rôle stabilisant puisqu’il a contribué à limiter la récession et à relancer l’activité.
 
 
L’endettement des Etats est la conséquence de choix politiques délibérés
 
 
L’endettement des Etats est le résultat de dépenses publiques supérieures aux recettes. Sur ce point, on peut dire que le Président Sarkozy a délibérément pris le parti d’augmenter la dette, lui qui a réduit les impôts, notamment en faveur des plus riches avec le bouclier fiscal - créé par Dominique de Villepin mais renforcé sous sa présidence - et qui a multiplié les cadeaux en faveur de sa clientèle politique – avec une honteuse TVA à 5,5 % dans la restauration sans contrepartie. Le fait que celui-même qui a augmenté l’endettement public de la France dans des proportions considérables soit le promoteur d’une règle d’or visant à limiter le déficit et l’endettement apparaît tragiquement ironique. Il faut dire que l’endettement de l’Etat est un choix délibéré : il s’agit en fait de supprimer services publics et politiques sociales en le justifiant par le niveau excessif de l’endettement. Tout est fait pour creuser les déficits par la diminution des impôts afin remettre en cause l’Etat- providence et réduire le périmètre des services publics.
 

Une règle d’or qui réduira encore les pouvoirs du Parlement
 
 
Souvent cités en exemple pour justifier la règle d’or proposée en France, l’Allemagne et le Royaume-Uni n’ont pas non plus des comptes publics équilibrés. Au Royaume-Uni, il est possible de s’endetter pour investir, le niveau des déficits étant défini sur un cycle économique. En Allemagne également, il est possible de s’endetter pour investir en cas de circonstances exceptionnelles. Toutefois, la révision constitutionnelle du 12 juin 2009 limite à partir de 2016 l’endettement à 0,35 % du PIB, si bien qu’une partie seulement des investissements pourra être financée par l’emprunt. Définie ainsi, une telle règle d’or apparaît contestable au regard des pouvoirs traditionnels des Parlements qui se sont imposés en Europe face à l’Exécutif par leur capacité à voter l’impôt et le budget de l’Etat. Définir une règle d’or revient alors à réduire encore les prérogatives des Parlements et il est paradoxal de voir l’Assemblée nationale et le Sénat voter pour une loi constitutionnelle qui restreindra encore un peu plus leurs prérogatives au profit de l’Exécutif.
 
 
Le projet de loi constitutionnelle n’est pas de nature à éviter tout déficit
 
 
Quand bien même le Gouvernement souhaiterait instaurer une règle, de valeur constitutionnelle, pour lutter contre les déficits, le projet de loi constitutionnelle voté le 13 juillet 2011 ne le garantirait pas. Celui-ci créé en effet, dans son article 1er, des lois-cadres d’équilibre des finances publiques fixant pour trois ans au moins le cadre d’évolution des finances publiques dont l’objectif est l’équilibre. Le dispositif a le mérite de la souplesse puisqu’il offre la possibilité de rechercher l’équilibre sur la durée d’un cycle économique et non pas sur un seul exercice budgétaire.
 
 
Le problème reste que, si les données macroéconomiques indiquées dans ces lois-cadres ne sont pas sincères -ou bien erronées, les lois de finances, qui devront respecter les dispositions des lois cadres, ne le seront pas non plus et ne permettront aucunement d’assurer l’équilibre entre recettes et dépenses. L’existence de « lois de programmation des finances publiques », qui fixent pour trois ans l’évolution des déficits et de la dette, atteste qu’il ne suffit pas de voter une loi pour atteindre ses objectifs en matière de déficit et d’endettement puisqu’elles n’ont jamais été respectées.
 
 
Le Conseil constitutionnel, chargé par l’article 10 de vérifier de la conformité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale aux nouvelles lois-cadres,  ne pourra sanctionner ni la non- sincérité des lois de finances ni le fait qu’elles se fondent sur des prévisions macroéconomiques erronées ou dépassées : il ne pourra que statuer sur la conformité des lois de finances aux lois-cadres mais non sur le fond à savoir les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes inscrites dans les lois cadres. Son contrôle sera donc purement formel et si le Gouvernement, appuyé sur une majorité docile, veut retenir dans les lois-cadres des projections économiques irréalistes, il en conserve la possibilité.

Un projet de loi purement formel
 
 
Le projet de loi constitutionnelle pèche surtout par son caractère formel. Dans la logique des promoteurs de la règle d’or, tout semble dépendre de la loi de finances initiale et des équilibres qu’elle définit mais non pas de l’exécution du budget. Or en matière de finances publiques, il existe un décalage entre la loi de finances initiale, c’est-à-dire les prévisions de dépenses et de recettes, et ce qui a été réellement réalisé et que retrace la loi de règlement. C’est l’écart constant entre les prévisions indiquées dans la loi de finances initiale et les résultats inscrits dans la loi de règlement qu’il conviendrait d’analyser : il est souvent dû à des hypothèses macroéconomiques beaucoup trop optimistes et à une gestion inefficiente de l’argent public. Soyons clair, le projet de loi constitutionnelle n’y changera rien.
 

La loi organique relative aux lois de finances de 2005 visait à rehausser le rôle de la loi de règlement pour donner au Parlement un plus grand pouvoir de contrôle sur l’exécution des lois de finances. Six ans après son entrée en vigueur, on peut constater que le Parlement n’a pas utilisé son pouvoir de contrôle sur le Gouvernement, le débat parlementaire relatif à la loi de règlement restant avant tout confidentiel.

Un principe de sincérité des lois de finances qu’il convient de renforcer
 
 
La question de la sincérité des projections macroéconomiques dans les lois de finances reste une question centrale Les lois de finances sont en effet construites autour d’hypothèses de croissance. Si la croissance est inférieure aux estimations, le déficit sera plus important que prévu en raison des moindres recettes fiscales, alors qu’une croissance supérieure aux prévisions permet de dégager des marges de manœuvre.

Une solution permettant de renforcer la sincérité des lois de finances consisterait à obliger l’Exécutif à retenir des hypothèses macroéconomiques définies par un organisme indépendant. Ainsi auraient-elles plus de chances d’être sincères. Le Parlement pourrait également être associé à la définition des hypothèses macroéconomiques et même à la rédaction du projet de lois de finances, laquelle reste une prérogative de l’Exécutif. Une telle solution aurait pour mérite de renforcer considérablement les pouvoirs du Parlement. Des mécanismes d’alerte dans l’exécution des lois de finances pourraient aussi être définis et contraindre les pouvoirs publics à prendre des mesures de redressement en cas de dépassement des objectifs.

La règle d’or voulue par le Président Sarkozy ne permettra pas de lutter contre les déficits publics et apparaît surtout comme un outil de communication à destination des marchés financiers et des électeurs à qui l’on veut faire croire qu’une simple loi, fut-elle constitutionnelle, modifierait la façon dont l’argent public est géré. Surtout, elle dispense la classe politique de toute réflexion sur l’intérêt économique de la dette et de son utilité pour financer des dépenses d’intérêt général et d’investissement. En outre, elle contribue à affaiblir un Parlement qui semble toujours peu enclin à exercer les prérogatives qu’il tient de la constitution.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Les riche ne lâcheront que ce qu'il faut pour que le système ne s'écroule pas, dans le seul but de faire de nouveau des bénéfice au plus vite.
ce n'est pas une aide que nous propose les riches mais un placement, pour eux et uniquement eux.

arcaki a dit…

Si on vous suit, le blocage à la règle d'or appelle un renforcement du Parlement? Mais les pays à régimes parlementaires font-ils mieux?

stan a dit…

Les marchés vont trop loin. Vous devriez insister là-dessus!

Anonyme a dit…

Excellent article. Merci d'apporter une vision modérée, institutionnelle et peu naïve de la chose.

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