logo

"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


blog médias Tribunes Donation etc.

Le fabuleux mois d'août des agences de notation

mercredi 31 août 2011
 


Les agences de notation ont leur part de responsabilité dans le déclenchement et l’entretien des crises financières. La crédibilité des notes qu’elles attribuent est souvent remise en cause puisqu’elles sont payées par les entreprises ou les Etats qu’elles doivent évaluer. La dégradation d’une note peut ensuite entraîner une faillite financière ou un défaut, déclenchant ainsi de brusques mouvements de capitaux, précipitant la chute de la valeur des actifs. Les notes qu’elles attribuent ont souvent manqué d’une bonne évaluation des risques macroéconomiques : ainsi, les agences de notation avaient maintenu des notes élevées à des organismes multipliant les risques financiers en détenant des actifs pourris comme les subprimes. En attribuant une bonne note à des détenteurs ou à des émetteurs d’actifs pourris, les agences de notation entretiennent finalement les crises financières en laissant l’essence des crises se répandre dans l’économie avant qu’une étincelle ne vienne allumer l’incendie.

La décision récente de Standard et Poor de dégrader la note américaine vient redonner du crédit aux agences de notation. L’agence ne sanctionne pas ici la capacité de paiement des Etats-Unis mais sa volonté d’honorer les dettes contractées. Elle incite surtout les Etats-Unis à trouver des remèdes aux déséquilibres économiques qu’ils entretiennent.

Les Etats-Unis ont bénéficié de la crise européenne

En 2008 et 2009, lorsque les pays industrialisés mettent en place de gigantesques plans de relance, les Etats-Unis se savaient relativement protégés de toute remise en cause de leur capacité de paiement. A Washington et dans la presse économique américaine, on considère que les attaques sur les marchés ne concerneraient d’abord que les Etats européens car la politique économique européenne n’est pas crédible sui generis et l’euro est une monnaie jugée moins crédible que le dollar qui constitue la « monnaie monde ».

Les difficultés de l’Europe à organiser son propre sauvetage lors de la crise grecque de 2010 confirment leur intuition. Si un ou plusieurs Etats des Etats-Unis fait faillite, le budget fédéral et la centralisation de la décision à Washington leur permettraient de trouver des moyens de refinancement rapides, évitant tout soupçon de risque de défaut. Aux Etats-Unis, on considère alors que l’Europe servira de bouclier le temps de la crise : personne n’attaquera le dollar tant que l’Europe n’aura pas éclaté ou n’aura pas fait évoluer sa construction politique vers des Etats-Unis d’Europe. C’était sans compter sur la dégradation du climat politique américain.

Le blocage politique à l’origine de la dégradation

La décision récente de Standard & Poor d’abaisser la notation de la dette américaine marquera l’histoire économique plus pour la sanction apportée à la vie politique américaine qu’à la santé économique du pays. Et pour cause, la décision, annoncée volontairement après la clôture des marchés financiers, n’a pas eu d’impact sur les ratios prudentiels des banques, ni sur les capacités de refinancement de la dette américaine. Cassons immédiatement l’interprétation faite par certains commentateurs: la dette américaine n’est pas un actif pourri et les Etats-Unis sont loin du défaut. L’agence de notation a sanctionné deux dimensions de l’accord américain sur le plafond de dette : d’une part, le montant du plafond, jugé irréaliste au regard de l’évolution de la dette américaine et d’autre part, la manière dont l’accord a été trouvé au prix d’un blocage politique parfois qualifié de « guerre civile » par la presse anglo-saxonne.

L’opposition farouche entre républicains et démocrates concernait par ailleurs moins le plafond de la dette à proprement parler qu’une opposition idéologique sur la fiscalité. D’un côté, les républicains ne veulent ni augmenter les impôts, ni les dépenses publiques et mettent en avant l’idée d’un état minimal. De l’autre côté, les démocrates veulent faire contribuer les super-riches et sont en faveur d’un état social pouvant soutenir la croissance économique. Standard & Poor le dit clairement dans son rapport : la vie politique américaine est devenue plus instable qu’auparavant et la politique économique qui en découle devient donc moins prévisible et moins sure.

La dégradation américaine marque la différence entre la capacité et la volonté de financement de la dette. La capacité des Etats-Unis à rembourser la dette n’a actuellement aucune raison d’être mise en cause: les Etats-Unis s’endettent dans leur monnaie, ils trouvent toujours preneurs de leurs bons du trésor et le cas échéant la Fed n’hésite pas à émettre de la monnaie pour racheter les bons du trésor américain. Ce qui est aujourd’hui en cause, c’est plutôt la volonté des Etats-Unis de rembourser leur dette publique. De plus en plus de républicains, notamment ceux issus du Tea Party, n’auraient aucuns scrupules à faire défaut. La dette américaine impose des coûts de refinancement importants pour des dépenses publiques passées et présentes auxquelles le Tea Party est idéologiquement opposé. Alors que les Etats-Unis ont bâti sur des siècles une diplomatie du « dollar » par des accords commerciaux et militaires, le climat politique actuel laisse présager un nouveau blocage politique lors du prochain accord sur le plafond de la dette publique. Quand la vie politique met les intérêts particuliers devant l’intérêt général, les investisseurs perdent confiance dans le système.

Rétablir la confiance

Le principe d’une agence privée attribuant une note à la politique économique d’un Etat est aberrant du point de vue du respect de la souveraineté nationale et du respect de la démocratie. Il est stupide du point de vue économique puisqu’un Etat peut rembourser sa dette immédiatement en augmentant les impôts ou en émettant de la monnaie. Il convient cependant de saluer l’alerte envoyée par Standard & Poor à l’Etat américain qui nous rappelle que le problème et le remède de toutes les crises économiques est la confiance dans la stabilité du système économique. Si la crise des subprimes n’a pas eu encore la dramatique tournure politico-économique de la crise des années 1930, c’est justement parce que les gouvernements ont tout fait pour soutenir la confiance des investisseurs et des consommateurs à court terme. Si les gouvernements ont pu gagner du temps, et alors que la crise entre dans sa cinquième année, nous entrons désormais dans le temps des solutions politiques qui rétabliront la confiance de long terme: aux Etats-Unis, une politique fiscale crédible et une refonte profonde du système de sécurité sociale ; en Europe, un éclatement de la zone euro ou une intégration budgétaire suffisamment importante pour stabiliser les économies les plus fragiles.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire