L'enseignement de sciences économiques et sociales subit des attaques régulières de la part des milieux patronaux. Deux articles récents mettent en question cette discipline scolaire, et accusent plus particulièrement ceux qui l'enseignent de colporter une mauvaise image de l'entreprise auprès de la jeunesse.
Frédéric Lemaître,président d'une "société de gestion de base de données sensibles", dans une tribune publiée le 28 novembre 2011 sur le site d'actualité Atlantico, dénonce le fait que l'enseignement de l'économie au lycée ait une orientation dite "social" plutôt que "commercial" donnant ainsi une fausse image du monde de l'entreprise. Il propose ensuite rapidement d'initier les élèves et leurs professeurs à la Bourse.
Le deuxième article est encore plus problématique, car il montre la méconnaissance de certains députés des programmes scolaires. Cette note publiée sur une page internet des Echos, rédigée par Jean-Michel Fourgous (député des Yvelines) et Olivier Dassault (député de l'Oise) et co-signée par une dizaine de députés UMP (notamment les réacs Hervé Novelli, Lionnel Luca, Christian Vanneste...) développe l'idée que si les français ont un faible niveau en économie, c'est en partie à cause de l'école où l'économie serait abordée seulement en sciences économiques et sociales sous l'angle des problèmes de société (chômage, exclusion, mobilité sociale, etc.) donnant aux jeunes une vision pessimiste de l'entreprise et plus généralement du travail.
Les deux articles ont comme point commun d'être caricaturaux et reprennent un certain nombre de poncifs habituels contre l'enseignement de SES. Il s'agit clairement d'une attaque idéologique, du même niveau que les attaquent des organisations religieuses contre l'enseignement de la théorie des genres dans les programmes de science en première. Les deux textes sont pleins de représentation sur ce qu'est l'enseignement de sciences économiques et sociales en développant une argumentation assez éloignée de la réalité de notre discipline.
Petit rappel rapide sur l'enseignement de l'économie au lycée
Les sciences économiques et sociales correspondent à la discipline scolaire qui enseigne l'économie et la sociologie au lycée. Nous enseignons donc les savoirs produits par ces deux disciplines savantes.
Ainsi l'objectif de l'enseignement de SES dans une filière générale et surtout dans une école républicaine et laïque est de diffuser des savoirs dont la légitimité est assurée par leur validité dans leurs champs de référence.
Ces deux articles posent cependant différentes questions auxquelles je ne m'attarderai pas à répondre ici tant elles apparaissent absurdes:
- les contenus enseignés en économie doivent-ils chercher à donner une bonne image de telle ou telle organisation ou doivent-ils s'appuyer sur des faits avérés et des théories valides?
- les programmes scolaires doivent-ils être dictés par des organisations patronales, syndicales, ou religieuses ou bien doivent-ils être le fruit d'une transposition didactique, s'appuyant sur les savoirs issus des différentes disciplines de référence ?
- Est-il nécessaire d'avoir travailler en entreprise ou d'être détenteur d'actions pour enseigner l'économie au lycée? On pourrait alors se demander si le professeur d'histoire devrait avoir passé un mois dans les tranchées pour enseigner la Première Guerre mondiale?
Le niveau de ces deux articles ne méritent pas que l'on s'y attarde plus, ainsi pour ceux qui souhaiteraient avoir un point de vue plus objectif sur les contenus enseignés, je les invite à lire directement les programmes officiels ainsi qu'une note que nous avions rédigée avec Simon Porcher pour Terra Nova qui insistait déjà bien sur l'idée que les contenus enseignés doivent être préservés des groupes de pression quels qu'ils soient.
2 commentaires:
Pour qui serait intéressé par l'historique de ces attaques contre les SES, je me permets de vous transmettre l'adresse de ce texte (qui s'arrête en 2009 mais ça donne une bonne idée)
http://mondesensibleetsciencessociales.e-monsite.com/pages/documents-divers/conception-des-ses-controverses/dix-ans-de-malentendus-et-de-contre-verites.html
Pour prolonger les analyses de mes deux collègues, je dirai que les SES n'ont cessé d'évoluer depuis leur création dans les années soixante. En revanche, les critiques, elles, sont toujours les mêmes depuis cette époque. C'est dire leur pertinence ! Notre discipline lutte contre les représentations sociales... nos détracteurs auraient tout intérêt à venir nous voir !
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