Invité sur France 2 hier soir, Nicolas Sarkozy a annoncé une mesure phare de sa candidature à l'élection présidentielle: la suppression de la prime pour l'emploi (PPE). La prime pour l'emploi est un impôt négatif instauré en 2001 par le gouvernement Jospin. Le dispositif s'inspire du système américain de revalorisation du travail: en échange de la reprise d'activité d'une personne dont le foyer fiscal est à bas revenus, une prime d'incitation au travail est versé annuellement. Le dispositif permet de distribuer environ 450 euros par mois par crédit d'impôts annuel à 7 millions de bénéficiaires pour un coût de 2 à 3 milliards d'euros selon les années.
Le dispositif est très critiqué et mérite de disparaître. D'abord parce qu'il coexiste depuis quelques années avec un le revenu de solidarité active (RSA) qui suit une logique de dotation universelle autant que d'incitation à l'insertion dans l'emploi. Ainsi, la reprise d'un emploi permet de cumuler un salaire et le RSA sous la condition d'une amputation de 38% par tranche de 100 euros du socle du RSA. Le RSA représente donc une subvention à l'emploi jusqu'au SMIC. La complexité du système est qu'un foyer peut à la fois bénéficier du RSA "complément d'activité" et de la PPE, celle-ci étant diminué des gains du RSA. Le système manquait de lisibilité.
Ensuite parce que contrairement au RSA, la PPE est versée une fois par an, perdant donc, de son capital incitation. Pour une personne au RSA, cela implique de travailler un an souvent à mi-temps sans gains immédiats (puisque les revenus supplémentaires du travail sont contrebalancés par la perte des allocations) avant de recevoir la PPE l'année suivante suite à la déclaration fiscale.
Enfin, parce que l'incitation à reprendre un travail est restée faible en gain absolu. Un célibataire sans enfant qui passe du RSA à un emploi à mi-temps rémunéré au SMIC horaire reçoit 32 euros par mois au titre de la PPE. Autant dire que ça ne permet pas de boucler les fins de mois et que l'utilité est moindre car les bas revenus préfèrent probablement 32 euros immédiatement que 384 euros d'un coup.
Qui gagnerait à la suppression de la PPE?
La PPE coûte 2,5 milliards d'euros, l'alignement de la fiscalité des dividendes sur celles des revenus du travail rapportera 1,5 milliard. L'enveloppe de 4 milliards devrait profiter aux personnes travaillant et gagnant moins de 1400 euros nets par mois, soit 30% des salariés français donc 7,2 millions de personnes. Cela représente un chèque annuel moyen de 555 euros à chacun des salariés en dessous de 1400 euros nets par mois. La mesure toucherait un public plus large que la PPE et avantagerait les travailleurs à temps plein à bas salaires au lieu des personnes dont l'entrée dans l'activité devait être encouragée.
Toutefois, le périmètre des personnes concernées n'est pas le même. Un couple dont chaque conjoint gagne le SMIC bénéficie pleinement de la mesure Sarkozy alors qu'il ne bénéficiait pas de la PPE ni du RSA. A l'inverse, des bénéficiaires de la PPE verront leur pouvoir d'achat diminuer et préféreront l'inactivité à un tiers de SMIC...On perd l'objectif du retour sur le marché de l'emploi.
Un problème de calcul
Le problème est que l'annonce du Président concerne les charges sociales sur les bas salaires. Or une partie de celles-ci est déjà nulle pour une grande partie des salaires de 1 à 1,6 SMIC! Une subvention aux travailleurs à bas salaires qui coûtent chaque année 30 milliards d'euros, soit 1,5% du PIB. Une mesure par ailleurs complexe et donc les impacts sur l'emploi sont difficiles à évaluer... On estime généralement qu'un million d'emplois a été créé ou sauvegardé.
Le Président évoque la suppression des cotisations payées par les salariés, moins de 100 euros prélevés sur leurs salaires, soit "1000 euros par an" annoncés par le Président. Comme nous avons vu plus haut, la suppression de la PPE et l'alignement de la fiscalité des dividendes rapporteraient 4 milliards, soit un potentiel de financement de 555 euros par salariés. Garantir 1000 euros par an en plus à chaque salarié coûterait donc 8 milliards d'euros par an.
Bouclage de la mesure et coût à long terme
A supposer que les 1000 euros soient intégralement dépensés, il rapporterait - selon leur soumission à une tranche d'impôt variable et en incluant la TVA - environ 200 euros par an à l'Etat, soit 1,4 milliard d'euros, soit une dépense de 6,6 milliards (8 moins 1,4 milliard d'euros).
Le coût à long terme est en revanche dangereux pour deux raisons. D'abord, toute la distribution des salaires va être écrasée autour de 1 à 1,2 SMIC puisque salariés et employeurs seront incités par des doubles allègements de charges et d'impôts à payer et à gagner peu. Ensuite, le coût à long terme pour les finances publiques risque d'être massif et incontrôlable. Alors que la PPE est liée à l'activité économique du pays (en période de croissance et de réduction du chômage, le dispositif coûte moins cher), le dispositif "Sarkozy" d'exonération d'impôts des plus bas salaires risque de mettre à feu et à sang les finances publiques du pays en privant Bercy d'une partie de la CSG, son meilleur instrument fiscal. En période de reprise économique et de baisse du chômage, le coût sera le même, environ 8 milliards par an que la croissance soit au rendez-vous ou non!
3 commentaires:
Bonjour,
Le site de débat en ligne Newsring.fr organise actuellement un débat centré sur la question :
" Faut-il contraindre les bénéficiaires du RSA aux travaux d'intérêt général ? "
Je pense qu'il serait intéressant que vous veniez contribuer et faire entendre votre point de vue.
http://www.newsring.fr/societe/420-faut-il-contraindre-les-beneficiaires-du-rsa-aux-travaux-dinteret-general/reperes
Bon débat !
Le Président parlait de la suppression des charges salariales qui restent payés jusqu'à 1,6 SMIC contrairement aux charges patronales. Il n'est pas possible de supprimer la CSG et la CRDS sur un seul groupe de salariés. Pourquoi ne pas simplement augmenter les salaires?
c'était vraiment intéressant au moins on a découvert qlq chose
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