Vendredi 12 octobre, le comité Nobel réuni à Oslo a remis le prix Nobel de
la Paix à l'Union Européenne. Alors que l'Union européenne semble en panne
depuis de nombreuses années et que
s'éloigne le rêve d'une Union sans cesse plus étroite des peuples
européens, ce prix vient rappeler que, malgré les difficultés économiques
persistantes et les reproches légitimes qui peuvent être adressées envers
l'institution européenne, celle-ci n'est pas exempte de réussite.
En honorant l'UE de son prix Nobel,
le Comité a voulu récompenser l'Union pour sa promotion de la paix, de la
réconciliation, de la démocratie et des droits de l'homme en Europe. Sur ce
plan, le succès est incontestable puisqu'aucun membre de l'UE n'a été en
situation de guerre avec ses partenaires. Après deux guerres mondiales
sanglantes, l'objectif de la construction européenne a donc été atteint: nul
n'envisage plus désormais de recourir à la force, la guerre est devenue
inimaginable et la situation de paix entre membres est devenue la norme alors
qu'elle était l'exception avant la Seconde guerre
mondiale.
N'en déplaise aux eurosceptiques, en raison même de la
paix, les bénéfices de l'UE seront toujours bien supérieures aux déceptions que
ses politiques peuvent susciter. Rappelons d'une part que toutes les politiques
de l'UE sont toujours approuvées par les Etats au sein du Conseil, si bien que
les critiques devraient plutôt concerner les Etats que l'Union elle-même.
D'autre part, l'importance de l'économie apparaît somme toute très relative au
regard du bien commun que constitue la paix entre les peuples. Ainsi
l'opposition aux dernières mesures économiques prises par l'Union, notamment le
TSCG, ne suffit pas à discréditer l'Union et son bilan. L'économie est bien peu
de choses si on la compare aux sujets d'importance tels que la guerre et la
paix.
Reste que l'on pourrait aussi regretter la timidité du
Comité Nobel, qui récompense l'action de l'UE sur le plan interne, en faveur de
ses états-membres, mais occulte ses efforts en tant qu'acteur international de
promotion de la paix. Il est vrai que les pays européens se sont déconsidérés
lors de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie avec les conséquences dramatiques que
l'on connaît. Mais l'objectif d'une politique étrangère et de sécurité commune
n'avait pas encore été adopté en 1991 (Traité de Maastricht en 1992) et
l'impuissance de l'UE s'explique encore une fois par les divisions des Etats et
la persistance de vieux réflexes diplomatiques fondés sur des intérêts
nationaux. Surtout, des actions ont été conduites dans l'ensemble du monde,
tant sur le plan civil que militaire, en Afrique, dans les Balkans, au
Moyen-Orient ou dans le Caucase et elles contribuent aux efforts de l'Union en
faveur de la paix: le comité aurait dû le rappeler.
D'aucuns parmi les eurosceptiques ont exprimé leur
stupéfaction à l'annonce du verdict du comité Nobel. L'UE ne serait pas un
producteur de paix mais au contraire le principal facteur de "guerre
sociale" en Europe en raison des plans d'austérité qui se succèdent dans
les pays d'Europe, de l'augmentation du chômage et des tensions sociales qu'ils
provoquent. Le fait qu'une telle prise de position vienne de personnalités
politiques aussi contestables que Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan suffit
je crois à la déconsidérer. Rapprocher les politiques de l'UE à des actions de
guerre constitue une manipulation intellectuelle. La contestation sociale des
politiques européennes est légitime mais une telle analogie me rappelle la
référence abusive à l'image de la prise d'otage à la moindre grève ou
manifestation: elle est absurde. Enfin, s'il existe bien une entité qu'il faut
dénoncer dans la crise actuelle, c'est moins l'Union européenne, dont l'action
est publique et qui est à ce titre l'objet de critiques dans nos démocraties,
que les marchés financiers, lesquels n'ont pour le compte toujours pas de
numéro de téléphone.
aleks.stakhanov@gmail.com
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