L'attribution récente du "Nobel" d'économie à deux microéconomistes, spécialisés en théorie des jeux et dans le design des marchés, a entraîné plusieurs réactions des commentateurs, qui en pleine crise économique mondiale, voyaient le prestigieux prix être remis à un macroéconomiste.
Les récents lauréats du prix Nobel d'économie, Alvin Roth et Lloyd Shapley, ont été récompensés pour leurs travaux sur la théorie des jeux coopératifs, c'est-à-dire des jeux dans lesquels les acteurs peuvent se concerter et s'engager à coopérer avant de définir une stratégie permettant d'augmenter leur bien-être. Les théoriciens des jeux estiment pouvoir identifier des combinaisons de stratégies permettant aux individus d'atteindre une situation optimale. Trop théorique nous dira-t-on. Quasiment inutile diront d'autres, le marché permettant la rencontre de l'offre et de la demande, la théorie des jeux n'est intéressante à étudier que quand les acteurs ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Et pourtant, une telle réflexion est capable de changer profondément le monde dans lequel nous vivons.
Les travaux d'Alvin Roth et Lloyd Shapley ont été en partie consacrés à la possibilité de maximiser les stratégies des agents sur des marchés où il n'y a pas de prix apparent. Le "marché" du mariage est un exemple souvent cité mais il est existe également des coûts apparents à plusieurs marchés, basés sur les listes d'attente comme les dons d'organes ou les affectations en université. Tous ces marchés n'ont pas de système de prix et leur fonctionnement est largement instable. Alvin Roth a par exemple participé à la création de systèmes de gestion des dons d'organe permettant de diminuer les listes d'attente. Par exemple, un mari prêt à offrir un rein à sa compagne peut ne pas être compatible avec son épouse mais l'être pour sauver la femme d'un autre donneur ayant potentiellement le groupe sanguin requis. Il est alors simple de comprendre que la réduction rapide des temps d'attente est possible pour les deux couples en croisant les donneurs et les receveurs. Des algorithmes simples permettraient d'améliorer le marché de l'adoption, les affectations des fonctionnaires et des étudiants également. Certaines entreprises sont en train de développer ce type de stratégies: Starbucks pense à mettre en place un plan permettant à un salarié d'échanger son travail avec un autre salarié de manière à ce que chacun d'eux travaille plus près de son domicile.
A plusieurs reprises, ces réflexions ont été considérées inutiles. Les politiques, les spectateurs, les commentateurs sont généralement plus concernés par la conjoncture économique et les salariés d'entreprises traitent en majorité de transactions tarifées, d'équilibre des budgets, de stratégie-prix que d'amélioration du fonctionnement de marchés, qui par ailleurs n'ont souvent pas de prix. Toutefois, le développement des nouvelles technologies a changé la donne. Avec la généralisation des enchères en ligne et des produits basés sur la gratuité de l'usage mais vivant de la publicité et étant donc terriblement dépendants de leur audience, les microéconomistes ont retrouvé un succès certain dans la "vraie" vie. Hal Varian (Berkeley) est le chef économiste de Google, R. Preston McAfee est au centre de recherche de Google après avoir passé plusieurs années chez Yahoo!, Susan Athey (Harvard) est conseillère de Microsoft, Patrick Bajari (Minnesota) a récemment rejoint Amazon pour être vice-président et chef économiste, et Steven Tadelis (Berkeley) est économiste chez eBay.
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