Critiqué tant pour
son incapacité à contrôler son Gouvernement et sa majorité que pour son
inaptitude à relancer l'économie, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a
annoncé mardi 6 novembre dernier 35 mesures pour restaurer la
compétitivité française. Non seulement il a fait sien le diagnostic du rapport
Gallois, mais en plus il a immédiatement présenté les mesures concrètes qu'il
comptait mettre en œuvre, alors que l'ensemble de la presse et l'opposition
pronostiquaient un abandon pur et simple du rapport. Si la patronne du Medef
estime avoir été entendue, une partie de la gauche critique la politique d'austérité
du Gouvernement: en augmentant les impôts des ménages via la TVA, Jean-Marc
Ayrault prendrait des mesures que la droite n'aurait pas désavouées et
copierait la TVA sociale de Nicolas Sarkozy. Si l'habileté politique du
Gouvernement peut être saluée, les mesures du Gouvernement suscitent également
des critiques légitimes.
Un crédit d'impôt
original
Principale annonce du Gouvernement, la baisse de 20
milliards d'euros de charges pour les entreprises vise à restaurer la
compétitivité- prix des entreprises. En payant moins d'impôts, les entreprises
pourront vendre moins cher leurs produits et ainsi être plus concurrentielles,
sauf si elles préfèrent utiliser cette diminution d'impôts pour accroître leurs
profits et les dividendes non réinvestis.
L'originalité de la mesure du Gouvernement réside
surtout dans sa forme: un crédit-d'impôt. Alors que le droite et le Medef
souhaitaient une diminution immédiate des charges sociales, avec pour risque
une aggravation du déficit de la sécurité sociale, la proposition du
Gouvernement permet de lier cette diminution de charges à la masse salariale et
à l'emploi. Les entreprises auront donc intérêt à conserver leurs salariés, et
même à augmenter leur nombre si elles veulent profiter encore davantage de ces
réductions de charges. Une limite cependant: le crédit d'impôt s'annulera à 2,5
SMIC, au risque de conduire les entreprises à maintenir les salaires en-dessous
de ce seuil. Un crédit d'impôt dégressif aurait été plus efficace mais pourrait
coûter au final davantage que les 20 milliards d'euros que le Gouvernement a
proposé. Reste que les emplois rémunérés au-dessus de ce seuil sont les plus
qualifiés et les plus productifs: la demande des entreprises pour de tels
emplois est moins corrélée à leurs prix, si bien que l'effet de seuil ne
devrait pas avoir de conséquence trop importante.
La hausse de la
TVA proposée par le Gouvernement est plus juste que la TVA sociale
Afin de financer une partie des diminutions d'impôt pour
les entreprises, le Gouvernement a décidé d'augmenter la TVA. A une droite qui
y voit un retour à la TVA sociale et souligne par la même occasion l'hypocrisie
de la campagne socialiste s'opposent les critiques d'une partie de la gauche
qui dénoncent la baisse du pouvoir d'achat des ménages. En passant à 20 % pour
le taux normal de TVA (au lieu des 19,6 %) et à 10 % pour le taux moyen (au
lieu de 7 %), le Gouvernement escompte 6,5 milliards d'euros de recettes
supplémentaires. Il est exact que cette hausse de la TVA sera supportée par les
ménages. Néanmoins, elle apparaît plus juste que la TVA sociale de Nicolas Sakozy (taux normal relevé de 1,6 point à 21,2 %), parce qu'elle sera compensée
par une diminution de la TVA à prix réduit: appliquée aux produits alimentaires
et de première nécessité, celle-ci passera de 5,5 % à 5 %. Un tel taux réduit
est d'autant plus favorable aux ménages les plus modestes que leur structure de
consommation est avant tout composée de biens de consommation courants, alors
que des ménages plus aisés consomment davantage de biens à 7 % (restauration)
et à 19,6 %.
Surtout, cette hausse de la TVA ne peut être comparée à
la précédente TVA sociale: cette dernière visait à financer la protection
sociale alors que cette question ne figure pas parmi les objectifs du
Gouvernement. L'augmentation n'est donc pas de même nature.
Une partie de la gauche considère toujours que cette
hausse de la TVA réduira la consommation des ménages. Ainsi les prix dans la
restauration et dans les travaux aux particuliers, principaux secteurs
aujourd'hui à 7 %, devraient effectivement augmenter. Toutefois, la baisse de
la TVA dans la restauration de 19,6 % à 7 % avait été vertement critiquée par
la gauche, compte tenu de son coût pour les finances publiques (3 milliards
d'euros) et de l'insuffisance de contre-parties en matière d'emplois et de
salaires. Il pourra alors sembler paradoxal que les mêmes qui s'opposaient à la
baisse de la TVA dans la restauration critiquent maintenant sa légère
augmentation. Quant à ceux qui souhaiteraient conserver un taux de TVA à
7 %, on pourra leur rétorquer que la hausse de 3 points reste modérée et
que ce nouveau taux reste très en retrait de l'ancien taux de 19,6 %.
La mise en œuvre
prévue en 2014 permettra de prendre en compte la conjoncture économique
La report à 2014 de la mise en mise en œuvre effective
du crédit d'impôt et de la hausse de la TVA apparaît encore astucieux. En
effet, tout en permettant aux entreprises de prendre en compte cette baisse
dans leurs projets d'investissement, le Gouvernement ne leur rétrocédera le
crédit d'impôt que l'année suivante. Ainsi le Gouvernement pourra-t-il se
laisser encore du temps pour réfléchir aux modalités de financement de cette
baisse de charges par de nouvelles recettes (taxe écologique) et la diminution
des dépenses publiques. Par ailleurs, le Gouvernement pourra s'assurer que les
entreprises respectent bien l'esprit de la mesure, c'est-à-dire conservent et
créent des emplois. En outre, le Gouvernement pourra aussi analyser la
conjoncture et modifier, si besoin, ses propositions. Un tel changement serait
cependant contraire à l'objectif de stabilité et de prévisibilité des mesures
économiques à destination des entreprises.
aleks.stakhanov@gmail.com
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