Le Qatar préside la prochaine conférence des Nations Unies sur le climat en décembre 2012. Organiser ce type de conférence dans un
pays membre de l’OPEP peut apparaître paradoxal à première vue, tant les problématiques
environnementales semblent être le cadet des soucis des pays producteurs de pétrole.
Le Qatar, qui accueillera en 2022 la coupe du monde de football (lance la
construction de stades climatisés sur-consommateurs d’énergies) est le pays au monde qui émet le plus de gaz à effet de serre (GES) par habitant, chaque année,
chaque qatari émet plus de 40 tonnes de CO2. Au-delà de ce paradoxe, mais qui
marquera peut-être l’engagement des pays de l’OPEP vers la sobriété énergétique
(sic), le sommet de Doha intervient à un moment crucial pour l’avenir des négociations
climatiques internationales.
Renforcer les objectifs de réduction des émissions de
GES est une nécessité pour empêcher une augmentation de la température mondiale
moyenne de 2°C. La démonstration
scientifique de la responsabilité humaine (et industrielle) du changement
climatique n’est aujourd'hui plus à faire et, comme le souligne Nicholas Sterndans un ouvrage co-publié avec Roger Guesnerie, ne rien changer au niveau actuel des émissions de GES
augmente fortement la probabilité que surviennent des évènements jugés
catastrophiques. La communauté scientifique s’accorde aujourd'hui sur le fait
que les dommages issus du changement climatique s’intensifieront à mesure que
le monde se réchauffe. Si il est toujours difficile d’anticiper l’avenir, nous
pouvons entendre que la fonte des glaces, que la montée du niveau de la mer, la
multiplication des tempêtes, des crues, des inondations risquent de rendre vulnérable
une grande partie de la population mondiale.
Il est urgent d’inverser la tendance concernant l’augmentation des émissions.
Le défi préconisé par le rapport Stern est de réaliser des réductions de 25% au
minimum par rapport au niveau actuel. Ce défi est particulièrement coûteux,
mais peut être atteint à condition que la communauté internationale décide de
consacrer au minimum 1% du PIB mondial d’ici 2050.
Une entente de principe sur un accord climatique
mondial à l’horizon 2020 a été obtenue lors de la conférence de Durban, Doha
doit permettre de définir les contours de cet accord. Les incertitudes subsistent quant au degré de
contraintes du futur régime climatique mondial. Celui-ci aura-t-il une valeur
juridique? Tout l’enjeu est là. La Chine, l’Inde et les Etats-Unis ont pour la
première fois accepté l’idée d’un accord mondial imposant des objectifs de
baisse des GES. L’analyse du jeu géopolitique reflète encore la difficulté à concilier les intérêts nationaux et la protection d’un bien commun mondial. Les
pays en développement, l'Inde en particulier, font valoir que cet accord de long terme devra respecter le « principe
des responsabilités communes mais différenciées ». Les Etats-Unis défendent au contraire une
posture inverse: il n’y a pas de différences entre les nations. De
plus, les américains sont réticents envers des objectifs de réduction précis
des émissions. Cette réticence s’explique notamment par la persistance d’une
opinion publique américaine fortement climato-sceptique.
Suite au sommet de Durban en 2011, l’Inde se
positionne comme un acteur clé des futures négociations climatiques. L’Inde émet aujourd'hui 5% des émissions
mondiales de GES mais ses émissions ont été multipliées par 3 entre 1990 et 2004. Sa position visant à défendre le droit à polluer des pays en développement est largement justifiée: un Indien émet 17 fois moins de CO2 qu'un Américain. Son rôle central vient de sa position géographique: 60 millions d'Indiens sont directement touchés par l'eustatisme, c'est-à-dire la montée du niveau de la mer d'ici à 2025. A court terme toutefois, l'objectif premier du gouvernement est la lutte contre la pauvreté: malgré un taux de croissance annuel du PIB d’environ 8%, elle
compte 800 millions de personnes vivant avec moins de 2$/jour dont
220 millions souffrant de sous-nutrition.
Les négociations climatiques ne peuvent négliger les
questions de développement humain. Le dilemme des négociations climatiques et des
discussions autour du principe de « responsabilité commune mais différenciée »
est qu'il faut tenir compte du passé sans négliger pour autant l’avenir. En
effet, si les gros émetteurs du passé (et du présent) sont bien l’Europe et les
Etats-Unis, le poids de plus en plus important de la Chine et l’Inde (les gros émetteurs
de GES du futur) dans le bilan carbone
mondiale doit être intégré dans les négociations climatiques.
La conférence de Doha va préfigurer l’accord
climatique mondial au moins à trois niveaux:
- des
objectifs de réduction d’émissions ambitieux d’ici 2015
- intégrer
l’idée d’équité des efforts nationaux
-
concilier politiques climatiques et lutte contre la pauvreté.
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