Après avoir indiqué dans le précédent article pourquoi
on pouvait juger pertinentes les propositions du Gouvernement Ayrault,
l'habileté du Gouvernement ne doit pas occulter de légitimes critiques.
Compétitivité-prix
vs compétitivité hors-prix
La principale critique que l'on peut adresser au rapport
Gallois et au Gouvernement est de faire reposer la compétitivité
essentiellement sur les prix. Or la compétitivité hors-prix constitue un
puissant déterminant de la performance des entreprises: le déficit de
compétitivité avec l'Allemagne repose en fait sur la compétitivité hors-prix
c'est-à-dire la conception, la qualité et les services liés aux produits. On
attend encore les mesures du Gouvernement pour augmenter les dépenses de
recherche (le crédit impôt-recherche devrait certes augmenter en 2013) ou aider
les PME. La réduction des charges de 20 milliards d'euros soit 1 % du PIB ne
suffira jamais à égaler les prix chinois ou indiens. On peut donc interpréter
le crédit d'impôt du Gouvernement comme un beau cadeau fiscal fait aux
entreprises pour un effet très limité sur leur compétitivité.
Les ménages
seront encore et toujours mis à contribution
Par ailleurs, les ménages paieront pour cette diminution
d'impôt sur les entreprises, soit avec la hausse de la TVA (6,5 milliards
d'euros), soit en raison des diminutions annoncées des dépenses de l'Etat (10
milliards d'euros supplémentaires en 2014). Or les ménages seront déjà affectés
par des hausses d'impôts en 2013 et la réduction des dépenses de l'Etat.
Surtout, si les mesures envisagées ont pour but de lutter contre la crise, il
convient de rappeler que les ménages ne peuvent pas en être tenus pour
responsables, contrairement aux banques et aux acteurs financiers dont
l'incompétence a conduit l'économie mondiale au bord du précipice. Non
seulement, les ménages sont les principales victimes du ralentissement de
l'activité économique et de l'augmentation du chômage, mais en plus ils sont
mis à contribution pour résoudre une crise dont ils ne sont pas coupables...
Une stratégie
non-coopérative avec les partenaires européens
En outre, une diminution des charges des entreprises
françaises peut s'analyser comme une dévaluation monétaire. Dans un contexte de
monnaie unique, le prix des produits français serait allégé de 20 milliards
d'euros par rapport à celui de ses partenaires. Le problème est qu'une telle
politique économique constitue un acte non- coopératif vis-à-vis des
partenaires européens. En baissant ses coûts de façon unilatérale, la France se
lance dans une stratégie de dumping fiscal que ses partenaires de la zone euro
devront imiter s'ils souhaitent rester compétitif vis-à-vis de la France. Au
lieu de considérer les pays de la zone euro comme des partenaires, la France
les transforme en concurrent. Elle initie donc une véritable course à la
réduction des coûts de production en Europe. Notons que si tous les pays de la
zone euro agissent de la même manière que la France, le bénéfice attendu sera
réduit à néant pour tous.
Les procès en
incompétence intenté au Gouvernement socialiste l'a conduit à donner des gages
aux libéraux
Pour conclure, on peut peut-être saluer l'habilité
politique du Gouvernement mais aussi regretter sa conversion à la seule logique
de la compétitivité-prix. L'exploitation immédiate du rapport Gallois a bien
fait taire l'opposition de la droite et de la presse. Reste que par ces
mesures, le Gouvernement semble avoir surtout voulu donner des gages aux
libéraux, à la droite et aux patrons. Il faut dire que dès son élection, un
procès en incompétence économique a été organisé contre le Gouvernement, comme
si la gauche ne savait pas restaurer la croissance et la stabilité
économique... Une telle idée prête naturellement à rire alors que le bilan de
la gauche en matière de croissance économique et de réduction des déficits de
1997 à 2002 n'est plus à démontrer. Malheureusement une telle campagne de
désinformation a conduit le Gouvernement à rechercher avant tout à rassurer les
milieux économiques au lieu de proposer les réformes structurelles dont la
France a vraiment besoin.
aleks.stakhanov@gmail.com
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