Dimanche soir, le Président de la République François Hollande, a détaillé
les mesures qu'il comptait mettre en œuvre pour réduire les déficits publics et
atteindre le seuil des 3 % auxquels il s'est engagé pour l'année 2013. Parmi
les principales mesures annoncées figurent des réductions de dépenses (10
milliards d'euros avec le gel dépenses en valeur et la stabilité des effectifs
de l'Etat) et des hausses d'impôts portant respectivement sur les entreprises
(10 milliards d'euros) et les ménages (10 milliards d'euros également). Si
celles-ci sont naturellement impopulaires, le président s'est voulu rassurant
en promettant que ces prélèvements supplémentaires seront répartis de façon
juste et équitable. Ainsi les grandes entreprises seront-elles mises davantage
à contribution que les petites et moyenne entreprises (PME), créatrices
d'emplois et durement affectées par la crise, par le biais d'une taxation
différenciée entre les bénéfices réinvestis et des bénéfices redistribués, les
grandes entreprises reversant des dividendes à leurs actionnaires plus souvent
qur les PME. L'impôt sur les sociétés resterait inchangé mais les niches
fiscales et les réductions d'impôts en tout genre, dont profitent
principalement les grandes entreprises, seront réduites afin de réduire les
avantages indus et garantir une participation progressive des grandes
entreprises à l'effort de désendettement.
S'agissant des ménages, le gel du barème de l'impôt sur le revenu ne
concernera pas les deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, ce qui
aura pour effet d'éviter que les plus faibles revenus ne voient leur niveau
d'imposition augmenter mécaniquement au rythme de l'inflation. Par ailleurs, le
président prévoit une augmentation de la dernière tranche du taux marginal
d'impôt sur le revenu (45 %) et maintient la perspective d'un taux d'imposition
de 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d'euros par part. Loin d'être
confiscatoire et "symbolique", un tel taux contribuera à combler
efficacement une partie des déficits tout en permettant aux 2 à 3 000 heureux
détenteurs d'une telle fortune de conserver de substantiels revenus. Le fait
qu'une telle mesure ne souffre d'aucune exception (artiste, sportif) doit être
salué dans un souci d'égalité entre citoyens. Par ailleurs, la réduction des
dépenses publiques de 10 milliards d'euros, à l'exception des secteurs de
l'éducation, de la justice et de la sécurité, devrait rassurer ces riches
contribuables, toujours soucieux -plus
que les autres?- de l'efficience des dépenses publiques.
On peut regretter le manque de précision du président dans les mesures
annoncées. Peut-être seront-elles précisées lors de la présentation des projets
de loi de finances et de financement de la sécurité sociale d'ici un mois?
Ainsi la réforme de la protection sociale n'est-elle pas arrêtée, même si le
transfert de charges sociales vers la CSG apparaît probable. Une contribution
écologique pourrait être adoptée, mais s'agira-t-il d'apporter des ressources
supplémentaires à la protection sociale ou bien d'opérer un transfert de
charges sociales vers cette nouvelle taxe (taux de prélèvement obligatoire
inchangé) afin d'améliorer la compétitivité-prix du travail?
Le président a aussi annoncé un objectif de réduction du chômage d'ici un
an et de retour à la croissance d'ici deux ans à l'issue de son agenda du
redressement de la France. Encore une fois, aucune mesure concrète n'a clairement
été avancée. Tout au plus a été évoquée la réforme du marché du travail.
Celle-ci devra être négociée entre partenaires sociaux. Si l'on ne peut que se
satisfaire de la volonté affichée de respecter le dialogue social, il est
cependant difficile de croire à un accord tant restent grandes les différences
d'approches entre organisations patronales et syndicales, les premières
privilégiant une plus grande flexibilité du marché du travail (faciliter le
licenciement favoriserait l'embauche) tandis que les secondes insistent sur la
protection des salariés et des parcours professionnels. En l'absence de mesures
plus précises, on garde le sentiment étrange que le président fait reposer le
retour de la croissance et la diminution du chômage sur la simple "réforme"
du marché du travail alors qu'elles nécessitent des politiques structurelles et
transversales comme la formation, l'innovation, la politique en faveur des
entreprises et des industries, la recherche, la compétitivité ou même la
politique commerciale et européenne.
Enfin, on peut regretter que le président ne se soit pas emparé de la
nouvelle du week-end pour proposer une mesure radicale permettant de combler
durablement les déficits de l'Etat. Alors que le milliardaire Bernard Arnault a
annoncé vouloir acquérir la nationalité belge sans renoncer à sa nationalité
française pour des raisons, sinon fiscales -il prétend qu'il continuera à payer
l'impôt sur le revenu en France - du moins patrimoniales - âgé de 63 ans, notre
illustre self-made man doit penser à sa succession -, François Hollande aurait dû proposer, comme
mesure de rétorsion, une réquisition, au moins temporaire, des biens et avoirs
de notre mauvais patriote, ou au moins des revenus générés par son florissant
groupe de luxe. Ceux-ci auraient été bien employés à réduire le déficit de
l'Etat dans une période où les hausses d'impôts vont affecter l'ensemble des
Français: alors que le président a assuré vouloir rendre cette augmentation la
plus juste et la plus équitable possible,
il est parfaitement légitime que des milliardaires comme Bernard Arnault
soient mis à contribution à proportion de leurs si hauts revenus et même
pénalisés à hauteur de leur manque de civisme.
Certes, à l'ère de la mondialisation, il n'est pas étonnant de changer de
lieu de résidence et ainsi, pourquoi
pas, de nationalité. Toutefois, meme si notre ami Bernard tente de rassurer son
monde en affirmant vouloir conserver sa nationalité d'origine à laquelle il
doit sûrement être attaché -ce que tolère le code de la nationalité belge qui autorise la pluri-nationalité, la Convention du Conseil de l'Europe de1963 sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les
obligations militaires en cas de pluralité de nationalités précise dans son
article premier que l'obtention de la nationalité d'une partie contractante- en
l'occurrence la nationalité belge - fait perdre la nationalité antérieure. En
théorie donc, tout Français qui acquiert la nationalité belge perd sa
nationalité française, mais il semble que le code de la nationalité belge ne
soit sur ce point pas conforme aux dispositions de la convention de 1963 (des
spécialistes peuvent-ils le confirmer?).
Quoi qu'il en soit, l'article 2 de la même convention précise que tout
individu possédant plusieurs nationalités pourra renoncer à sa nationalité
d'origine et ce, sans l'accord de son pays d'origine, s'il dispose d'une
résidence habituelle depuis plus de dix ans dans le pays dans lequel il
sollicite et entend conserver sa nouvelle nationalité. Ainsi après quelque
temps passé sous le régime de la double-nationalité franco-belge, Bernard
Arnault, qui dispose d'un pied-à-terre en Belgique depuis de nombreuses années
après avoir fui une première fois, en 1981, le péril rouge français,
pourra-t-il renoncer, de droit, à sa nationalité française sans que l'Etat
Français ne puisse y trouver à redire. Il pourra alors optimiser comme bon lui
semble son patrimoine: il payera certes en France, encore quelques années s'il
le souhaite, ses impôts sur le revenu, mais il pourra surtout transmettre son
entreprise à ses héritiers à des conditions défiant toute concurrence. Il est
en effet bien connu que les impôts sur le revenu sont plus élevés en Belgique
qu'en France -M. Arnault ne souhaite pas rester un résident fiscal français
pour rien- mais que les impôts sur le patrimoine y sont moins élevés. Le
milliardaire gagnera donc sur tous les tableaux: à la France il fera don d'une
imposition sur les revenus relativement faible, quoi qu'on en dise; et à la
Belgique une taxation sur son patrimoine plus avantageuse -parce que plus
faible- qu'en France.
Reste encore une petite question: le patriotisme de M. Arnault dépendant de
la fiscalité, l'Etat français pourra-t-il lui demander de rembourser le coût de
sa formation initiale, conclue par une magnifique réussite à l'une des plus
prestigieuses écoles de la République et qui a été intégralement financée par
le contribuable français? Par ailleurs, notre milliardaire n'a-t-il pas peur de
voir son géant du luxe disparaître sur un coup de dé après un mauvais pari,
une relance hasardeuse ou un
"tapis" ("all-in") mal négocié de son fils – successeur
désigné?- dont le goût pour le poker est connu? Face aux risques de
dilapidation de l'empire familial, mieux vaudrait la nationalisation!
Stakhanov
aleks.stakhanov@gmail.com
2 commentaires:
La réponse sur le traité n°043 du Conseil de l'Europe est ici : http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeDeclarations.asp?CL=FRE&NT=043&VL=0 — réserve d'interprétation en 2007 (effet en 2008) conformément à l'article 12 pour ne pas appliquer le Chapitre I (la France a fait de même en 2008, avec effet en 2009)
Bonjour.
Merci pour la précision. Cela signifie donc que le code de la nationalité belge est conforme à la convention puisque elle a dénoncé, comme la France, le chapitre premier. Dans ces conditions, il n'existe aucune difficulté à acquérir la double-nationalité franco-belge et aucun risque de perdre sa nationalité d'origine. Chaque individu conserve toujours la possibilité de renoncer à l'une de ses nationalités s'il le souhaite. Notre cher milliardaire peut donc poursuivre sa stratégie d'optimisation patrimoniale.
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