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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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La révolution est la pire des solutions...à l'exception de toutes les autres?

lundi 27 août 2012




En cette période estivale, quoi de mieux qu'une petite séance de cinéma pour se détendre, s'informer et peut-être s'instruire? Deux films ont retenu mon attention pour la vision de l'économie et de la politique qu'ils proposent: Margin Call de J. C. Chandor, sorti en mai dernier, et The DarkKnight Rises de Christopher Nolan.

Le premier décrit de façon réaliste les errements d'un système financier de plus en plus complexe, devenu incontrôlable et responsable de l'actuelle crise économique. Dans cette fiction si proche de la réalité (toute ressemblance avec la faillite de Lehman Brothers serait bien entendu fortuite),  le spectateur assiste aux réactions désespérées des dirigeants d'une grande banque qui réalisent que leurs actifs ne valent plus rien et que le modèle mathématique sur lequel ils fondaient leur stratégie d'investissement est erroné, si bien que leur banque se trouve en situation de faillite virtuelle. Pour l'éviter, décision est prise de vendre à perte tous les actifs toxiques de la banque, quitte à ruiner sa réputation sur les marchés, afin d'assurer sa survie à court terme en étant les premiers à agir. En fait, cette stratégie, fondée sur son seul intérêt égoïste, va provoquer la crise financière systémique en diffusant les risques à l'ensemble des acteurs financiers et un effondrement de la confiance entre acteurs du système financier. Dans la réalité, un tel comportement a conduit à une paralysie du système financier, puis à des faillites en cascade et finalement à la crise de l'économie réelle, faute de crédits octroyés aux entreprises et de débouchés aux biens et services produits, en raison de la diminution de la consommation.

Le réalisateur insiste particulièrement sur le cynisme, l'inconscience et la cupidité des dirigeants des banques, lesquels apparaissent comme les principaux responsables de la crise alors que les traders sont présentés comme de simples exécutants: leur unique obsession, même en plein cœur de la tourmente, reste de sauver leurs propres positions et leurs petits profits, sans s'interroger sur la moralité de leurs pratiques et sur la finalité du système financier globalisé. Le cinéaste s'amuse en plus à ridiculiser ces hauts dirigeants, incapables de comprendre la complexité des innovations financières qu'ils ont fabriquées et promues auprès des autorités publiques, ce qui est pour le moins inquiétant.

Un tel film plaide donc pour une régulation stricte du secteur financier et surtout pour sa moralisation: la recherche du profit doit-elle demeurer l'unique objectif de grandes banques alors que, vu leurs tailles, leur moindre décision peut avoir des conséquences économiques systémiques? Puisque la faillite de tels établissements peut produire des conséquences néfastes pour l'ensemble de la collectivité, les autorités publiques sont fondées à  leur imposer de strictes obligations dans le but d'assurer la stabilité financière -et ainsi la croissance économique. Il pourrait s'agir d'interdire certains produits financiers trop risqués, de séparer leurs activités de crédits et d'investissement ou encore d'obliger les banques à octroyer des crédits aux entreprises, quand bien même elles estimeraient que cette activité n'est pas assez rentable.

Si Margin Call convainc par son réalisme et sa dénonciation des excès de la finance contemporaine, le dernier volet de la trilogie Batman de Christopher Nolan, The Dark Night Rises, laisse perplexe quant au message économique et surtout politique qu'il délivre. Certes les valeurs humanistes de dévouement, de solidarité, de dépassement de soi, de justice et de morale, mis en avant par un héros tourmenté, vieillissant et dépressif, rendent le film sympathique. Ce n'est pas le cas des conceptions économique et politique qui transparaissent.

Héros philanthrope, Bruce Wayne vient en aide aux orphelins à travers sa fondation. Action désintéressée par excellence, l'argent alloué à l'orphelinat provient pourtant de profits et de bénéfices dont rien n'assure que leur réalisation respecte les normes sociales élémentaires. En aidant des exclus qu'il contribue à fabriquer par son souci du profit, le héros-entrepreneur cherche en réalité à se donner bonne conscience à peu de frais. Surtout, un tel philanthropisme se fonde exclusivement sur la charité, c'est-à-dire le bon vouloir de riches privilégiés, et en aucun cas sur la justice -avec la redistribution des revenus qu'elle implique- et sur l'égalité, valeur qui suppose des limites dans les écarts de richesse entre individus.

C'est surtout la vision politique de la révolution proposée dans le film qui choque particulièrement. Pour les scénaristes, la révolte d'un peuple contre ses élites ne peut conduire qu'à l'anarchie, au chaos, à l'insécurité et à l'arbitraire. Le mot d'ordre des révoltés a beau être l'égalité réelle, sa mise en œuvre implique, pour le cinéaste,  le pillage intégral de la ville, son contrôle par des bandes armées violentes et la condamnation expéditive des honnêtes citoyens tandis que les détenus de droit commun ne sont plus inquiétés.

Le dernier volet de la trilogie, pas désagréable à regarder au demeurant, propose donc une vision conservatrice voire réactionnaire de la révolution: à croire le réalisateur, mieux vaudrait compter sur une élite éclairée, philanthrope et altruiste, qui fera grâce aux plus humbles de sa charité, que sur le peuple, brutal, inculte et par essence criminel, et dont la volonté émancipatrice cache en fait une pulsion autodestructrice qui ne conduit qu'au chaos, à l'injustice et à l'insécurité ...A part ça, Batman va-t-il s'en sortir?

aleks.stakhanov@gmail.com

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