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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Discriminations raciales et pourboires

lundi 26 juillet 2010
Depuis Akerlof (1970), nous savons qu'il existe sur les marchés des discriminations liées à un manque d’information des acheteurs: si je ne connais pas la qualité réelle d’un produit, je vais effectuer mon choix en fonction d’un signal, son prix par exemple. Ce choix peut s’effectuer au détriment de la qualité du marché dans son ensemble. En effet, la sélection de mauvais produits peut entraîner la disparition des bons produits du marché. Soit parce que les bons produits ne trouvent plus de demande pour eux, soit parce que le coût de production et de promotion d'un bon produit devient trop élevé.  

Cette théorie peut être appliquée aux discriminations sur le marché du travail. Du fait de nos préjugés, nous avons tendance à choisir un homme plutôt qu’une femme, ou un blanc plutôt qu’un noir, pour effectuer une tâche car nous manquons d’informations sur la compétence réelle des travailleurs.

Plus récemment, les discriminations du côté de la demande ont été étudiées sous d’autres prismes, par exemple celui du consumérisme racial (« For us, by us ») ou celui du pourboire selon l’origine ethnique. C'est le cas d'une étude réalisée en 2001 aux États-Unis. La transaction étudiée est une course de taxi. Les auteurs de l’étude ont récolté des données sur 1 000 transactions impliquant 12 chauffeurs de taxi. Les résultats montrent deux choses.

D’abord, les passagers noirs américains ou d'origine hispanique ont tendance à donner des pourboires deux fois moins élevés que les blancs ; 40% des passagers issus des minorités ethniques ne donnent pas de pourboires contre seulement 10% des blancs. Ceci résulte probablement d’un effet revenu : généralement ces populations ont des revenus moins élevés que les blancs américains. Au final, un chauffeur de taxi a plutôt intérêt à charger un client blanc car, pour une même course, il gagnera 10% de plus que s’il avait chargé un client noir ou hispano-américain.

Ensuite, les chauffeurs noirs américains reçoivent en moyenne 30% de pourboires en moins que les chauffeurs blancs. Ils ont par ailleurs deux fois plus de chances de ne pas recevoir de pourboires du tout. Ce résultat reste vrai même en contrôlant par la zone géographique dans laquelle travaille le chauffeur.

Autrement dit, le pourboire n'est plus une libéralité versée à une personne pour la remercier de son service mais un instrument de discrimination à la fois envers les chauffeurs et les clients issus des minorités. D'où l'idée d'implanter le système européen de service compris aux États-Unis.

5 000 marées noires

vendredi 23 juillet 2010
Cet article est la reproduction partielle d'une chronique de votre humble serviteur dans le Monde.

Le 20 avril dernier, l’explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon est le début d’une marée noire historique, la plus importante jamais survenue aux Etats-Unis. A elle seule, la plateforme contenait 2,6 millions de litres de pétrole et extrayait plus 1,2 millions de litres par jour. Les fuites provoquées par l’explosion laissent s’échapper tous les jours 20 000 à 40 000 barils soit 3,1 à 6,3 millions de litres. Pour le moment, 200 millions de litres de pétrole (quatre fois plus que l’Exxon-Valdez) ont été déversés dans un rayon de 320 km. Avec un tel débit, la nappe pétrolière atteindra Washington d’ici la fin de l’année. Le coût des dégats reste incertain, de 10 à 100 milliards de dollars.

La catastrophe de Deepwater Horizon révèle d’abord notre dépendance au pétrole. Face à l’épuisement des ressources pétrolières, le forage en eaux profondes (à plus de mille mètres de profondeur) s’avère être une solution de plus en plus classique : il représente 12% de la production totale de pétrole. Le golfe du Mexique est une des zones qui a connu la plus grande augmentation du forage en eaux profondes depuis les années 1990 - le nombre de barils produits a été multiplié par quarante en vingt ans - parfois au mépris du principe de précaution.

La marée noire montre ensuite la nécessité d’investir dans les énergies propres. Non pas en raison de son impact évident sur le développement environnemental et économique de la zone « contaminée », mais plutôt parce que son bilan carbone est très limité au regard de celui des industries manufacturières. Ainsi, le monde entier produit chaque année 8 milliards de tonnes de carbone, 5 000 fois plus que la composition en carbone de la combustion de 50 000 barils de pétrole. Autrement dit, nous émettons chaque année et sans aucune émotion autant de carbone que 5 000 marées noires.

Le peuple élu?

samedi 17 juillet 2010
Plusieurs études économiques reviennent sur la surreprésentation des Juifs dans les élites intellectuelles et parmi les grandes fortunes. A titre d’exemple, alors qu’ils représentaient moins de 1% de la population occidentale, 16% des lauréats du prix Nobel entre 1901 et 1962 étaient de confession juive. Dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, les Juifs représentent 0.8% de la population mais 15% des médecins, 25% des avocats et 80% des postes les plus élevés du Berlin Stock Exchange. Les proportions sont les mêmes dans d’autres pays d’Europe à la même période (Pologne, Russie) mais également dans des périodes plus récentes (Royaume-Uni des années 1980). Un peu partout dans le monde, les Juifs font mieux que les bourgeoisies non juives (les Gentiles).

Les tendances sont encore plus fortes aux Etats-Unis. Au début du siècle, les Juifs représentent 20% du stock d’étudiants de Harvard, Yale et Brown et 40% des étudiants de Columbia. Dans la deuxième partie du XXème siècle, un homme juif gagne en moyenne 30% de plus qu’un bourgeois américain non juif. De nos jours, aux Etats-Unis, 53% des hommes juifs occupent une profession qualifiée – académique, juridique ou médicale - tandis que la part d’hommes blancs non-juifs dans ces métiers est de 20%. A l’inverse, seulement 6% des hommes juifs travaillent dans le secteur de la construction, du transport ou de la production, contre 39% des non-juifs (Chiswick, 2005). 18 des 40 américains les plus riches et un tiers des millionnaires américains sont de confession juive.

Cette préférence pour des métiers qualifiés a une antériorité historique puisque déjà au XIIème siècle, 80% de la population juive était urbanisée et les hommes juifs occupaient majoritairement un métier qualifié (banquier, commerçant, médecin). Dans quelle mesure peut-on justifier historiquement une telle préférence (et une stabilité à travers le temps) des Juifs pour des métiers qualifiés et lettrés ?

Deux explications historiques sont généralement évoquées. D’abord l’argument des «restrictions agricoles» de Cecil Roth (1938) : les Juifs n’ayant pas le droit de détenir des terres ou de les exploiter à cause de la régulation des guildes, ils étaient forcés de s’engager dans d'autres activités comme le commerce de diamant, la banque et la médecine. Leur spécialisation dans des activités qualifiées et urbaines résulteraient donc d’un choc exogène. Le second argument est celui des « petites minorités » de Simon Kuznets (1960, 1972). Le choix de spécialisation des Juifs serait endogène. Afin de maintenir la cohésion et l’identité du groupe, les Juifs auraient choisi de se concentrer dans des activités économiques à haute qualification, lesquelles les auraient amenés à vivre en ville. Ceci explique pour Kuznets que 95 à 99% des Juifs du début du XXème siècle vivent dans des centres urbains. Cet argument rejoint celui de nombreux historiens et intellectuels juifs, comme Jacques Attali, qui insistent sur le caractère nomade du peuple Juif, fuyant les interdictions administratives et la persécution, et nécessitant donc l’apprentissage de métiers qualifiés qui s’exportent mieux.

Une étude historique des qualifications du peuple Juif de la mort de Jésus Christ à nos jours (Botticini et Eckstein, 2010, « The chosen few » en cours d'écriture) met à mal ces arguments. Le changement historique des qualifications s’est opéré très tôt, du Ier au VIème siècle après JC. En quelques centaines d’années, à une époque du temps long, la part de Juifs engagés dans des activités agricoles passe de 80% à 20% tandis que la population juive diminue brusquement, particulièrement en Eretz Israël, en Afrique du Nord, et en Syrie. Les suspects traditionnels expliquent une grande partie de la diminution de la population juive : les migrations, les famines, les massacres par les mongols et les nombreuses reconversions de Juifs à la religion musulmane (souvent pour ne pas payer l’impôt communautaire) ont entraîné une large diminution de la population juive. Mais ils ne permettent pas d’expliquer pourquoi à la même époque la population juive est devenue très qualifiée et urbanisée dans des proportions largement supérieures au reste du monde.

Pour les auteurs du livre, la diminution du nombre de Juifs, leur urbanisation et leur qualification ont une racine commune : un changement de définition de ce qu’est un «bon juif» suite à la destruction du Second Temple en 70 après JC. En effet, à partir de cet évènement, le cœur de la religion juive n’est plus centré sur les rites, les sacrifices ou les cérémonies mais sur la lecture et l’apprentissage de la Torah. Rendre hommage à Dieu ne passe plus seulement par la prière mais également par l’étude. Ceux qui ne savent pas lire ou qui n’enseignent pas la Torah à leurs enfants deviennent des marginaux (am ha-aretz letorah). Les périodes talmudique et gaonique confirment l’idée que l’éducation des enfants était répandue dans les communautés juives avant même la période d’urbanisation et de transition de l’agriculture au commerce qui a lieu à partir du VIème siècle.

En conséquence, au XIIème siècle, la quasi-totalité des hommes juifs est lettrée. La transition des métiers agricoles aux professions qualifiées –accélérée par la création à la même période de centres urbains administratifs au sein de l’Empire musulman – est déjà effectuée. Elle n’intervient pas au moment des guildes et s’opère indépendamment des multiples persécutions dont ils sont victimes. Cette explication alternative à la réussite des Juifs introduit donc un choc exogène - la destruction du Second Temple - et un choc endogène - l’investissement dans l’éducation (religieuse) des enfants - qui expliquerait encore aujourd’hui le rapport privilégié des Juifs avec les métiers qualifiés.

Faut-il créer un marché de l’immigration ?

lundi 12 juillet 2010
Tous les ans, plus de 2 millions de personnes migrent d’un pays à un autre. Un tiers de ces migrations a lieu d’un pays en développement à un pays développé. A eux seuls, les Etats-Unis reçoivent près d’un million de migrants chaque année. La question de la gestion des flux pour les pays développés est une question sensible : les méthodes diffèrent (système de points ou appréciation globale), le type de migration également (regroupement familial ou travailleurs isolés) ; l’objectif est généralement le même, celui de sélectionner les migrants les plus compétitifs.

Pour mieux réguler le stock de migrants voulant entrer dans les pays du Nord, le prix Nobel Gary Becker a proposé une solution originale lors d’une conférence en juin dernier à l’Institut des affaires économiques de Londres. Sa solution est de fixer un « prix à l’entrée » sur le marché des migrations. Les bénéfices seraient doubles. Le mécanisme de sélection ne serait pas alterné puisque les migrants les plus motivés et les plus qualifiés seraient prêts à payer un prix d’entrée élevé pour obtenir un visa de travail dans le pays récipient. A un prix de 50.000 dollars le visa, seul les migrants les plus confiants, les plus innovants et les plus jeunes (pour rentabiliser le droit d’entrée) seraient enclins à entrer sur le territoire. A titre d’exemple, les ingénieurs chinois ou indiens qui ont migré aux Etats-Unis dans les années 1990 représentent à eux seuls 14% des brevets américains déclarés entre 2000 et 2004. Le pays récipient serait également gagnant car il pourrait ajuster son prix en fonction de ses besoins en capital humain et renflouerait ses caisses publiques. A 50.000 dollars le visa, le gouvernement fédéral américain gagnerait 50 milliards de dollars chaque année.

Il existe cependant plusieurs limites à une telle solution. D’abord, beaucoup d’articles scientifiques mettent en avant la nécessité de recourir à des migrants «en milieu de vie». Ceux-ci ont un salaire relativement élevé et cotisent plus pour la production de biens publics qu’ils n’en consomment. Par ailleurs, un migrant qui arrive à 40 ans dans un pays a plus de chance de retourner dans son pays d'origine lors de sa mise à la retraite.

Ensuite, la question des plus démunis pose problème. Les migrants talentueux qui n’ont pas les moyens d’acheter leur visa, souvent les plus jeunes, n’auraient pas la possibilité d’immigrer. Pour Becker, la solution serait un prêt, à l’image des prêts étudiants, accordé par le gouvernement ou par l’employeur. Les inconvénients seraient évidemment i) la disparition des rentrées budgétaires immédiates et ii) la discrimination dont seraient victimes les migrants les plus démunis : les employeurs préfèreront embaucher un travailleur ayant la nationalité du pays récipient plutôt qu’un immigré.

Enfin, que faisons-nous des externalités positives ou négatives liées à l’immigration ? L’allocation par le prix n’est efficace que lorsque la jouissance d’un bien revient à une unique personne, ce qui n’est évidemment pas le cas de l’immigration. Les scientifiques indiens ou chinois évoqués plus haut ou les sportifs naturalisés ont une externalité positive qui devrait leur rapporter un salaire supplémentaire. Un marché de l’immigration, aussi séduisant soit-il, n’est malheureusement pas la solution à une meilleure allocation et sélection des migrants.

Nanoeconomics par Halim Madi

jeudi 8 juillet 2010
Quelle bataille de chiffres ! Quand ce ne sont pas les 750 milliards d’euros du sauvetage grec qui viennent concurrencer le billion de dollars injecté outre-Atlantique, ce sont les indices de confiance qui font une chute libre. On en a beaucoup parlé dans les médias: « l’indice de la peur », le VIX ou indice de volatilité des marchés, a dépassé le seuil des 40% de variance cinq fois lors des trois dernières années aux Etats-Unis, autant que les 15 années d’avant. On entend ici et là parler d’ « incertitude sauvage ».

Il y a peu, la zone euro, connaissait également une crise de gouvernance qui a eu l’effet d’une secousse sur les marchés financiers. Conséquence : de nombreux pays ont vu la note de leur dette dégradée et devront se refinancer à un coût plus élevé alors même que leurs déficits s'envolent. Le choix d’une dévaluation interne a été adopté par presque l’ensemble des pays de la zone euro pour éviter la disparition de la monnaie commune. Le sauvetage grec à lui seul coûtera plus de 100 millions d’euros aux contribuables européens.

Peu de temps après, une plateforme pétrolière de la British Petroleum (BP) prenait feu suite à une fuite de pétrole. La fuite demeure aujourd’hui irréparable en dépit de l’utilisation de moyens de géo-ingénierie sophistiqués : 12.000 à 20.000 barils de pétrole sont déversés tous les jours dans la mer. La situation actuelle fait penser que nous ne pourrons au mieux qu’encadrer la fuite. Les gouvernements ouvrent les yeux sur les risques et les coûts environnementaux des plateformes off-shore.

Dans le même temps, la confiance des ménages s’écroule. La variance de l’indice de confiance des ménages américains a ainsi connu des records historiques : de -50 points au troisième trimestre 2009 à +100 points au premier trimestre 2010. L’individu économique d’aujourd’hui est connecté aux marchés et aux médias : son indice de confiance chute quand le marché s’effondre et vice versa. Les phénomènes de contagion ne sont pas nouveaux mais ils sont infiniment plus rapides : la crise de 1929 s’est mondialisée plus de 7 ans après le Krach, la crise pétrolière de 1974 a pris 4 ans à faire sentir ses effets, la crise asiatique a eu une onde de choc dans les deux ans après les premières faillites tandis que la crise des subprimes s’est généralisée en moins de 6 mois et la crise grecque en quelques jours.

On dirait que les « cygnes noirs », les évènements rarissimes, sont aujourd’hui de plus en plus fréquents. Les statisticiens aiment penser en densité de loi normale : la probabilité d’un évènement est extrêmement faible aux extrémités de la distribution. Et si les évènements « rarissimes » en temps normaux devenaient des « évènements fréquents » aujourd’hui ? La distribution de la loi normale deviendrait plate, l’absurde deviendrait lieu commun. Il semble qu’une certitude demeure, celle de la loi de Murphy : « tout ce qui pourrait mal se passer ne manquera pas de mal se passer ».

L’ouverture des marchés de biens et services, la déréglementation financière des années 1980, et l’augmentation de la vitesse des décisions individuelles ont changé la donne. Nous sommes finalement dans une période où l’individu redevient le centre de tout : le changement technologique permet le développement et la stabilité des réseaux sociaux. Pour Nicholas Christakis, sociologue à Harvard, les caillots émotionnels, la conviction collective et l’opinion publique se forment à une vitesse et gagnent une taille moyenne qui n’a aucune commune mesure avec celles qu’on observait il y a trois ans. Trois ans, c'est-à-dire au début de la crise. La faute à l’explosion des réseaux sociaux comme Twitter. Celui-ci comprend 100 millions d’utilisateurs qui répondent chaque 2 millionième de seconde au fameux slogan « What’s happening ? » sans même qu’on ne puisse évaluer l’impact économique de ces « tweets ».


On revient en fait aux premières leçons d’économie : un marché n’est que la somme de décisions individuelles ; une initiative individuelle a un impact positif ou négatif pour la société dans son ensemble ; le tout l’emporte sur la partie ; un marché représente les normes d’une époque donnée qui sont définies par les parties elles-mêmes. N’en déplaisent aux macro-économistes et aux micro-économistes, les récents changements technologiques nous poussent de plus en plus à étudier l’individu tel qu’il est in vivo pour comprendre les évolutions collectives. Bienvenue chez les nano-économistes.

Les femmes, les inégalités et le bonheur

lundi 5 juillet 2010
Dans un article récent, j’évoquais le rapport des femmes au bonheur: en dépit de la réduction des inégalités salariales, les femmes sont moins heureuses aujourd’hui qu’il y a trente ans. Une des raisons est que l’écart salarial de 30% entre hommes et femmes est plus difficile à supporter compte tenu de l’égalisation des diplômes et des positions. Une explication avancée pour cet écart salarial est que les hommes ont un côté machiavélique qui leur permet de négocier un salaire plus élevé. L’écart salarial ne reflète pas un écart de productivité mais une différence de personnalité, de préférences et de principes. Si certains prônent une subvention pour les femmes, c’est plutôt une pénalisation plus grande des tricheries (essentiellement masculines) qui devrait être mise en place.

Une autre raison invoquée pour expliquer cet écart salarial est le nombre d’absences liées aux périodes menstruelles. J’évoquais dans l’article précédent l’impact de l’absentéisme liée aux périodes menstruelles sur la carrière professionnelle des femmes. Dans les pays en développement, le cumul d’absences scolaires liées aux règles entraîne de moindres qualifications et des discriminations salariales et sociales envers les femmes qui seraient évitables. Selon la Banque Mondiale, les jeunes filles peuvent manquer jusqu’à 20% des cours d'une année scolaire à cause de leurs périodes menstruelles.

Une étude menée sur des adolescentes au Népal tente de quantifier l’impact des périodes menstruelles sur la présence à l’école des jeunes filles. Environ la moitié de l’échantillon étudié a manqué l’école au moins une fois à cause de la menstruation. Mais en réalité, l’impact de la période menstruelle sur l’absentéisme scolaire est beaucoup plus faible qu’il n’y parait. Lorsqu’elles n’ont pas leurs règles, les filles sont à l’école dans 86% des cas ; lorsqu’elles ont leurs règles, elles sont à l’école dans 83% des cas. Elles ne manqueraient donc qu’un tiers de journée d’école par an à cause de leurs règles.

Les économistes qui ont mené l’étude ont expérimenté la fourniture de produits sanitaires (tampons, serviettes, etc.) à la moitié de l’échantillon pour voir s’il y avait une différence d’absentéisme entre les jeunes filles ayant accès à ces produits et celles qui n’y avaient pas accès. Aucune différence notable n’a été obtenue pour combler l’écart, déjà très petit, entre absentéisme avec ou sans règles. On ne peut toutefois pas conclure que l’absentéisme scolaire des femmes ne soit pas lié à des problèmes « purement féminins » car aucun contrôle sur le taux de fécondité de ces jeunes filles n’est réalisé. Dans ce cas, la contraception serait également un problème important à traiter.

Mais l'argent ne fait pas tout. D'ailleurs les femmes sont-elles moins heureuses que les hommes dans leur vie professionnelle et privée? Une étude de 2008 sur les occupations des américains et sur la manière dont ils perçoivent le temps passé (agréable ou non) montre les résultats suivants.


Deux résultats sont frappants. D’abord l’écart selon le genre pour le temps « désagréable » passé avec son supérieur hiérarchique. Les hommes auraient a priori des relations plus tendues avec leur patron, ce qui contredit l’aspect discriminatoire du travail pour les femmes, en tout cas une fois qu’elles sont effectivement dans l’emploi.

Ensuite, les femmes ont généralement moins de plaisir à passer du temps i) avec leurs enfants et ii) avec leurs parents. Pour les enfants, la raison est simple : les femmes passent beaucoup plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants, ce qui contraint leur temps libre. Par ailleurs, les femmes ont généralement les activités les plus «domestiques» quand elles passent du temps avec leurs enfants tandis que les hommes ont des activités plus centrées sur les loisirs lorsqu’ils s’occupent de leurs enfants. En ce qui concerne les parents, la raison est en fait similaire : les femmes ont tendance à plus s’occuper de leurs parents lorsque ceux-ci vieillissent. Pourtant, même en contrôlant pour le secteur d’activité, la position hiérarchique et l’âge des parents, les femmes ont toujours un moindre plaisir à voir leurs parents. L'aspect sociologique et psychologique de la chose ouvre de nouvelles pistes de recherche pour les économistes...

L’Allemagne ou le Brésil pour soulever la coupe du monde ?

vendredi 2 juillet 2010
Un Article recent de Jan van Ours et Martin van Tuijl (2010) s’intéresse à la probabilité des équipes de football de remporter un match dans les dernières minutes ou lors des tirs aux buts. A partir d’une étude sur les coupes continentales et les coupes du monde depuis 1986, les auteurs trouvent que l’Allemagne et les Pays-Bas sont les deux équipes qui marquent le plus dans la dernière minute du temps réglementaire. Par ailleurs, ces pays sont ceux qui remportent le plus de rencontres grâce à un but à la dernière minute.

En revanche, l’Allemagne est également l’équipe qui encaisse le plus de but dans les cinq dernières minutes du temps réglementaire, sans pour autant que sa capacité à gagner ne soit mise en cause : elle a tendance à encaisser des buts lorsque le match est déjà « plié ».

Que doit-on en tirer? La capacité à marquer dans les dernières minutes est par ailleurs représentative de la capacité à prendre des risques. Les Anglais, les Allemands et les Hollandais joueraient le jeu jusqu’à s’exposer à un but. Les Brésiliens, les Français et les Italiens joueraient à l’inverse sur la sécurité de l’issue du match.

Qui performe le mieux aux tirs au but? L’équipe la plus performante est l’Allemagne qui a remporté à la fois le plus de matchs suite à une séance de tirs au but (5 fois sur 6) tout en ayant le plus haut pourcentage de tirs au but marqués (94% soit 2 tirs ratés en 6 séances de pénalty). A l’inverse, les Pays-Bas sont l’équipe la moins performante aux tirs au but avec 80% de défaite suite à la séance de pénalty, soit une seule victoire en quart de finale de l’euro 2004 face à la Suède. Son taux de réussite est parmi les plus faibles, à moins de 70%.

Comment peut-on expliquer les différences de réussite aux tirs au but? Selon les auteurs, il y a deux facteurs importants. Le premier est la constance des performances. En étudiant le lien entre performance de l’équipe entre 1960 et 2009, que ce soit en matchs amicaux ou en coupes, les auteurs ont trouvé une corrélation forte entre régularité de l’équipe et réussite aux tirs au but. Une équipe qui a l’habitude de gagner remporte généralement les séances de tirs au but. La deuxième raison est le sentiment d’identité nationale. L’Allemagne serait par exemple un pays avec une identité forte, les Pays-Bas moins, d’où leurs défaites récurrentes aux séances de pénalty de 1996, 1998 et 2000, au moment où l’opposition entre hollandais "de souche" et d’origine étrangère était forte.

Statistiquement, l’Allemagne et le Brésil sont les deux équipes qui ont le plus de chances de gagner la coupe du monde. Avantage au Brésil puisqu’un pays européen n’a jamais levé la coupe en dehors du continent européen. En attendant, un conseil aux Allemands et aux Hollandais qui jouent deux grosses équipes: l’Allemagne doit jouer les penaltys et les Pays-Bas attendre la 90ème minute pour marquer.