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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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La vidéo du lundi: que pensent les Chinois de l'Europe?

lundi 29 novembre 2010
C'est un de mes humbles élèves à qui je rend la dédicace que je dois la découverte de la vidéo ci-dessous. Il trouvait que le vénérable Professeur Kuing Yamang tenait le même discours sur l'Europe que moi sur la Chine. Il a raison puisque:

  • Je pense que le modèle chinois s'autodétruit; il estime que l'Europe s'autodétruit;
  • Je trouve que le modèle social chinois manque d'investissements; il trouve le modèle social européen trop onéreux;
  • Je crois que l'Europe peut limiter les délocalisations en gardant un avantage de productivité; il pense qu'elle est condamnée par un coût du travail qui est trop cher;
  • Il me semble que la Chine est un pays peu rigoureux qui accumule des réserves de dollars sans raisons; pour lui, les européens sont irresponsables du point de vue budgétaire;
  • J'ai l'intime conviction que la Chine connaît une bulle existentielle financée par une politique commerciale agressive; il est persuadé que l'Europe - et en particulier la France - va se crasher à cause d'une bureaucratie inefficace.
Si la vidéo n'avait pas été fausse, je n'aurais retenu qu'une seule leçon de notre vénérable professeur: la mondialisation n'est pas un phénomène auto-centré sur les pays occidentaux et toute vision de l'Orient est bonne à prendre car elle nous montre une autre vision du monde.




Les Etats-Unis font "secrètement" défaut

mardi 23 novembre 2010












Quantitative easing: racheter des bons du trésor américain (de la dette publique) pour i) faire diminuer les taux d’intérêt américains et ii) assurer un financement permanent des dépenses publiques américaines.

Sans imprimer des billets qui seront jetés par hélicoptère aux citoyens américains, la banque centrale américaine est actuellement en train de créer artificiellement de la monnaie. En gros, elle rachète des titres de dette américains en les payant avec de la “fausse monnaie”, comme si un particulier rachetait la dette d’un autre particulier avec des billets de Monopoly.

Pourquoi le “QE2″ vu que les taux d’intérêts américains sont très bas et qu’à peu près tout le monde souhaite détenir de la dette américaine?

Tout simplement parce que la FED maîtrise les taux de court-terme et non les taux à moyen ou à long-terme. Ceux-ci sont trop élevés pour le financement de la dette publique et le fait d’acheter des titres de dette à long-terme permet de faire baisser les taux de long-terme.

La guerre des monnaies n’est peut-être pas seulement jouée par la Chine pour maintenir un yuan sous-évalué par rapport au dollar. Les américains vont diminuer le rendement de leurs titres financiers, ce qui pèsera essentiellement sur la Chine qui détient 3000 mds de dollars de bons du trésor.


La vidéo du lundi: l'euro n'est plus bling-bling

lundi 22 novembre 2010
L'euro n'est plus bling-bling. Fini le temps où Jay-Z montrait la devise européenne dans ses clips ou quand Giselle Bündchen demandait explicitement à être payée en euros comme le décrit très bien ce reportage de CBS. Même le Wu-Tang est revenu sur la décision de tarifer ses produits dérivés en euros. L'Iran qui avait un temps pensé à vendre son pétrole en euros n'a pas franchi le cap.

Monnaie et confiance ont la même racine latine fiducia. Depuis la crise grecque, la monnaie européenne a perdu de son glamour, de son bling-bling et probablement de la plus importante des choses pour une monnaie: de la confiance que l'on pouvait avoir en elle.




Economie de la mendicité

vendredi 19 novembre 2010






Je viens de redécouvrir une série d’articles de Julien Damon sur les « vagabonds », devenus aujourd’hui des « sans domicile fixe » (SDF). Damon montre à quel point au fil des siècles les « clochards» cristallisent l’anxiété sociale et sont la cible de toutes les politiques de lutte contre l’exclusion. De l’action répressive ayant pour objectif de sauvegarder l’ordre public à la mise en place du service public d’aide contre l’exclusion dont le but est de sauvegarder la dignité du vagabond; de la donation privée à la donation publique, le statut du mendiant se retrouve toujours à l’intersection de la sécurité et de la solidarité. Autrefois considéré comme une menace pour la sécurité des gouvernants, les vagabonds apparaissent aujourd’hui comme complètement irrationnels et désorganisés : si le Président de la République doit se méfier de la rue, il n’a pas à s’inquiéter de ceux qui dorment dans la rue.

D’où vient cette évolution? Le vagabond du Moyen Âge est indigent, oisif et mobile. L’Etat a donc très vite mis en place des moyens de lutter contre la mendicité et le vagabondage. Après avoir été condamnés pendant des siècles, le délit de vagabondage est systématisé à l’article 269 de l’ancien Code pénal et subsistera jusqu’au nouveau Code pénal de 1994. Sa pénalisation va de pair avec la reconnaissance d'un atavisme criminel, développé notamment par Lombroso au XIXème siècle. Dépénalisé au fil des années, le vagabond devient clochard. Il passe du paresseux criminel possédé par une envie d’errer au statut de victime de la société industrielle. Le droit au travail n’ayant pas été mis en place par la constitution de 1848, le « sans profession » n’est plus considéré sous le prisme du bon ou du mauvais pauvre mais sous celui du déclassement ou de l'exclusion.

Il demeure toutefois des sources inespérées de revenus pour les mendiants. Prenons l'exemple de la manche « active» dans le métro parisien, celle qui consiste à aller au contact des usagers des transports publics alors qu'il sont dans le mode de transport. Si notre mendiant travaille 5 heures par jour – disons de 10h à 16h avec une heure de pause consécutive dans la journée - il a un stock potentiel de travail de 300 minutes. Supposons qu’il reste en moyenne deux stations pour faire la manche ou pour jouer d'un instrument, ce qui fait potentiellement une centaine de «performances» possibles. Supposons que tous les quatre wagons, il laisse passer un train pour ensuite en prendre un autre : notre mendiant perd alors 4 minutes toutes les 15 minutes. Il ne peut donc utiliser que les trois quarts du temps total de la mendicité. Il ne reste plus que 75 actes de mendicité possibles. Comme il est en environnement concurrentiel, il doit passer son tour une fois sur cinq pour laisser la place à un autre mendiant. Il ne travaille donc effectivement que durant 60% du temps de travail total possible. A chaque « performance », il peut espérer gagner 40 cents d’euros, ce qui fait 24 euros par jour, environ 125 euros par semaine et 500 euros par mois. Si on prend en compte l'impact de la crise économique - les dons aux associations baissent de 9% et le nombre de SDF a, selon la fondation Abbé Pierre, augmenté de 80 000 à 100 000 individus lors des cinq dernières années - on pourrait imaginer qu'un mendiant en situation de crise ne puisse retirer que 350 euros de son activité. Il fait effectivement face à la conjoncture économique et à un surcroît de concurrence. C’est à peu près les gains de la mendicité déclarés par certains Roms.

Je regrette pour ma part qu’il n'y ait pas plus d'articles de recherche sur l’exclusion et le vagabondage malgré l'héritage de Foucault. Je continuerai si possible d'alimenter ce blog de billets sur la prostitution, la rue, la ville.


L'Irlande doit faire défaut

mercredi 17 novembre 2010






Consciente du fait que les fonds d’investissement étranger spéculent sur la faillite de l’Irlande, Merkel avait annoncé la semaine dernière qu’il n’y aurait pas d’aléa moral : si l’Irlande fait faillite, les détenteurs de titres de dette irlandaise devront également assumer une partie des pertes. Conséquence : les taux d’intérêt à 10 ans de la dette irlandaise ont atteint 9%, un record historique depuis la création de l’euro.

Lors de la crise financière grecque, à la mi-2010, l’Europe a mis au point un fonds de sauvetage de 440 milliards d’euros destiné à aider les états en difficulté. Un montant qui ne serait pas suffisant si l’Irlande, le Portugal et l’Espagne avaient besoin d’y recourir simultanément.

Alors que la dette irlandaise sera bientôt plus élevée que sa richesse nationale – avec un déficit annuel de 32%- l’Irlande devrait connaître une chute des prix de l’immobilier de 65%, une stagnation économique sur les dix prochaines années, une émigration massive, des taux d’intérêts élevés (supérieurs à 6%) avec une inflation très basse (donc des taux réels élevés).

Moralité : l’Irlande n’a pas d’autres options que de faire immédiatement défaut pour que le FMI, la Commission et l’Union européenne puissent restructurer sa dette avec la mise en place de réformes structurelles drastiques et la mise en place d'une politique économique plus équilibrée. Les contribuables irlandais ne peuvent porter à eux seuls le fardeau de la dette publique et l’impôt sur les sociétés irlandais - actuellement à 12,5% - devra être remonté à 28% au risque de voir les investissements directs à l’étranger s’effondrer. Le financement de la dette irlandaise devra se faire par la Banque centrale européenne, c’est-à-dire par l’ensemble des Etats européens. A l’heure actuelle, ni Bruxelles, ni le FMI ne souhaitent venir en aide à l’Etat irlandais.

Pourtant la faillite irlandaise cache quelque chose de bon. Elle représente effectivement un pas en plus dans la construction de l’Europe. Petit à petit, nous convergeons vers l’idée qu’il est nécessaire de maintenir une croissance équilibrée (qui ne se fait pas au travers du financement de bulles immobilières avec des déficits et une dette publique modérés) et qu’une zone monétaire ne peut exister qu’avec la mise en place d’un fédéralisme budgétaire.

Par fédéralisme budgétaire, je n'entends pas le transfert de la levée de l'impôt à Bruxelles mais le fait de consacrer 1 point de PIB en plus au financement de politiques communautaires et à un fonds de sécurité pour faire face aux récessions. Faisons en sorte que l’Europe avance.

Sarkozy et l’art de la stratégie politique

mardi 16 novembre 2010





Je viens de relire les pages centrales de l’Art de la stratégie par Avinash K. Dixit et Barry J. Nalebuff. Sans être un insider de l’Elysée, j’avais pronostiqué la stratégie suivante:

- Sarkozy veut préparer l’élection de 2012 et décide de se recentrer sur son électorat traditionnel en se séparant des ministres de l’opposition ;
- il veut se poser en candidat naturel et décide de nommer un Premier ministre qui ne fait pas de vagues : Michelle Alliot-Marie ;
- conscient que le centre-droit va présenter un candidat en 2012 et soucieux de ne leur laisser que les non-présidentiables, il décide de garder des centristes au gouvernement, dont un des chefs de file, Jean-Louis Borloo, prend le ministère des finances et la gestion de l’ensemble de la politique sociale (puisque Morin n’est pas une véritable menace) ;
- son plus grand opposant à sa propre succession étant Fillon, il fait comprendre à ce dernier que s’il ne se représente pas, il lui passera le flambeau pour 2012.

Comme je considère Sarkozy comme un stratège politique rationnel, le remaniement actuel me semble révélateur de la réalité des faits du château :

- Sarkozy prépare 2012 et se recentre donc sur l’électorat UMP traditionnel, moins bling-bling et plus conservateur ;
- conscient de l’hostilité des Français, il préfère se cacher derrière un Premier ministre apprécié : François Fillon ;
- conscient que le centre-droit va présenter un candidat en 2012, il les laisse se diviser et pense à réintégrer un Borloo décrédibilisé par un Morin qui a gardé la main sur le parti en lui promettant d’être Premier Ministre en 2012 ;
- son plus grand opposant étant Fillon, et Sarkozy ayant définitivement décidé de durer, il préfère utiliser Matignon comme bouclier. Sarkozy sait que Fillon est un vilain manipulateur – rancunier de surcroît - tantôt séguiniste, balladurien, chiraquien qui n'hésitera pas à se positionner en candidat de centre-droit.

Sarkozy a donc respecté les commandements de la stratégie :

- anticiper les réactions de ses adversaires ;
- faire passer le remaniement pour un simple toilettage : perdre un peu de crédibilité auprès des commentateurs politiques ou de l’opinion publique ne retire rien à la satisfaction des militants UMP qui voient Fillon et des ministres de droite au gouvernement ;
- volontairement libérer les centristes pour connaître assez tôt le paysage de la course à la présidentielle de 2012 et évaluer les risques d’un 21 avril à l’envers ;
- s’échauffer à l’exercice de campagne en faisant appel aux idéologues de droite non sarkozystes ;
- faire la paix avec d'autres leaders d’opinion de l’UMP ( Baroin – Jacob – Juppé) ;
- dégraisser stratégiquement : Dati, Devedjian, Estrosi et Woerth attendront sagement qu’on les rappelle ;
- soigner la communication gouvernementale : Baroin a le ton et le discours parfaits pour dire aux français que l’on va légèrement augmenter les impôts…

Pour le PS, la meilleure stratégie serait :

- de faire des propositions populaires, réalistes et simples sur tous les sujets institutionnels, économiques et sociétaux ;
- d’avoir un « shadow cabinet » qui ne parle que d’une seule voix, sans qu’il n’y ait forcément de candidat désigné avant septembre 2011 ;
- de miser sur l’antisarkozysme primaire, un discours mou ou consensuel ne marchera pas ;
- de combiner « l’égalité pour tous » qui n’est rien d’autre que l’égalité des possibles, qui constitue un véritable programme politique, et le discours démocratique et libéral d’une « gauche moderne » ;
- d'éviter les références à Mitterrand ou à Jospin ou d’une manière générale à « la gauche qui gagne » dont l’impopularité est aujourd’hui plus qu’avérée : Mitterrand traîne derrière lui tellement de boulets et Jospin est si peu sympathique que leur simple évocation fait fuir l’électeur médian ;
- assumer les 35 heures: elles ont créé des emplois, la France n’a pas perdu en compétitivité, personne ne voudrait travailler 5 heures de plus gratuitement ou sous la pression du licenciement. C’est par ailleurs un problème organisationnel inexistant dans la plupart des filières ;
- …mais renforcer le droit au travail et la possibilité de réellement travailler plus et de réellement gagner plus.

L'observatoire des idées devient matinal

jeudi 11 novembre 2010
Votre humble serviteur est intervenu plusieurs fois à la Matinale de Canal +. Des vidéos sont disponibles ici. Pour voir la dédicace de Maïtena, il faut regarder la fin de cette vidéo.

Les réseaux sociaux prouvent leur capacité à changer le monde des sciences économiques

vendredi 5 novembre 2010


La course entre démocrates et républicains pour le Sénat et la chambre des représentants n'était pas une course serrée. Quiconque suivait de près, ou même de loin, l'évolution de la popularité d’Obama ou le taux d’acceptation des projets de loi démocrates, aurait pu deviner quel parti occuperait les deux assemblées pour les 4 ans à venir.

Seulement le jeu des experts est un jeu simple : il consiste à être le plus précis possible. Toutes les grandes chaînes télévisées ont eu recours aux réseaux sociaux pour promouvoir leur version de l’histoire, et faire la publicité de leur couverture des évènements. Toutefois, une seule chaîne a pensé à utiliser ces mêmes réseaux pour affiner ses pronostics: CNN.

En effet, CNN a eu recours à un cabinet spécialisé dans l’analyse des réseaux sociaux (un cabinet nanoéconomique pour ainsi dire) pour mieux suivre et prévoir le résultat des élections. L’aboutissement est pour le moins étonnant.



CNN avait déjà choisi d’utiliser un camembert représentant les réactions instantanées des tweeters au discours d’Obama à la Nation. Plus rapides à récolter que les données de questionnaires traditionnels, plus personnelles et plus fiables, ces données sont devenues le nouveau minerai des chaines d’information en très peu de temps.

Mais la ruée vers l’information sociale ne mène en aucun cas à la raréfaction de ce minerai. Bien au contraire, elle cause sa multiplication. Ainsi, si l’on prend en compte que 5,4 millions de personnes ont cliqué sur le bouton de l’application Facebook ‘’I voted’’ (j’ai voté) pour l’élection présidentielle en 2008, et que 12 millions l’ont fait pour leurs votes il y a quelques jours, on peut calculer une augmentation de 122% sur 2 ans mais surtout, et dans les deux cas, plus d’opinions recensées que dans n’importe quelle enquête d’opinion.

Le cabinet nanoéconomique partenaire de CNN a d’autre part suivi de près les résultats de la course du Nevada entre la républicaine (si l’on peut appeler ainsi une favorite du Tea Party) et le démocrate Harry Reid. Sur 45,000 tweets, 32,209 exprimaient des opinions politiques sur la période analysée. Les pro-Reid / anti-Angle formaient 55% de l’échantillon twitter et les pro-Angle / anti-Reid 45% des opinions exprimées. Tous les sondages traditionnels montraient un Angle avec un mandat renouvelé. Le 3 Novembre, Reid remporte 50,6% des voix face à Angle qui n’obtient que 44,6% des votes. Plus parlant encore, le cabinet montre que les candidats avec plus de fans sur Facebook que leurs adversaires ont réussi à remporter 74% des sièges du Sénat alors que les candidats pour la chambre des représentants avec plus de fans que leurs opposants ont remporté 81% des places.

Ce qu’on retient de ces histoires, c’est un lien bien plus fort qu’on ne le pensait entre l’attitude des utilisateurs des réseaux sociaux et le comportement réel de ces mêmes personnes. En d’autres termes, une personne se déclarant fan d’une autre ou d’un film ou d’une bande musicale sur Facebook est aussi celle qui sera prête à se déplacer, a faire un effort pour traduire ce même intérêt dans la réalité. Il y a de grandes chances que si on ‘’like’’ un groupe de rock, on prenne des tickets pour son concert en ville ou qu’on achète le dvd de notre film du moment, tout comme on prendra la peine d’aller voter le jour des élections pour le politicien qu’on préfère sur Facebook. Au final, il y a une cohérence forte entre le comportement adopté dans la réalité et celui adopté dans la sphère numérique. Assez fort pour faire de ce dernier l’approximation la plus fiable de la réalité humaine. Une nouvelle surface à étudier.

Et c’est alors que ressort l’inévitable question : "et alors?". Et alors, si on change les sources d’information des sciences économiques, on ne change pas pour autant les sciences économiques en elles-mêmes n’est ce pas ? Et c’est la que s’impose la seule réponse possible au son du glas de la révolution à venir : si on considère les sciences économiques comme un travail a trois étapes impliquant idéalement

1. La récolte des inputs
2. Le traitement de ces entrées
3. Et la production d’outputs

Donc si une révolution survient dans la première étape, alors les deux autres seront affectées. En d’autres termes, dans une science où le modèle est maître et où soudainement l’information qu’on pensait rare devient abondante, n’est-il pas temps que le maître s’écarte ? N’est-il pas temps que le modèle économique dans toute sa grandeur s’éclipse ? Car pourquoi modéliser un monde que l'on peut enfin observer ?

Voici ce qu’on appelle la nanoéconomie - l’économie a l’échelle humaine, celle qui prépare la fin du modèle économique.

"ModelCop", le modèle qui prédit la criminalité

mercredi 3 novembre 2010

Dans les années 1980, l’idée de créer un robot policier pour combattre les criminels avait séduite Hollywood au point de produire et de réaliser le film Robocop, le « robot flic ». Récemment, George Mohler, un chercheur en mathématiques de l’université de Santa Clara, a créé un modèle permettant de prévenir les actes criminels qui font suite à un délit. Robocop laisse ta place, Modelcop, le « modèle-flic » est né.

Que fait ce modèle prédictif exactement? Il compare les crimes à un séisme. Lorsqu’un tremblement de terre a lieu, d’autres secousses peuvent suivre sur des plaques telluriques peu éloignées. Des modèles séismologiques sont capables de tracter ces secousses selon l’amplitude et l’épicentre du séisme.

Pour Mohler, il est possible d'appliquer ce type de modèles à certains crimes, comme les cambriolages ou les affrontements entre gangs. En partant d’un premier cambriolage, il est ainsi possible de prédire quels seront les quartiers et même les segments de rue qui seront visés avec la plus grande probabilité par un cambriolage la semaine d’après. L'utilisation d'un tel modèle par les forces de police aurait pu réduire de 25% le nombre de cambriolages.

L’équipe de recherche applique également ce modèle à trois gangs rivaux de Los Angeles. Sur un jeu de données de 1999 à 2002, ils montrent que leur modèle de séismologie peut prédire au mètre près les lieux de violence qui surviennent après un premier litige entre les gangs.

Appliquons-le au cas français. Les départements avec des forces de police limitées devraient avoir recours à cet outil. La cartographie des émeutes de 2005 montre que l’épicentre du séisme est Clichy-sous-Bois. Suivent des émeutes à Montfermeil, Aulnay-sous-Bois, le Blanc-Mesnil, Tremblay-en-France et dans toute la Seine-Saint-Denis avant que la contagion des émeutes ne gagne toute la France. Il est toutefois difficile de penser que les forces de police du département champion des atteintes à l'intégrité physique auraient pu lutter contre le soulèvement de 2005. En revanche, compte tenu du sous-effectif choquant des forces de police dans le 9.3 - au regard du nombre de policiers par habitants dans les Hauts-de-Seine - il est judicieux de souhaiter que ce type de modèles soit testé à défaut de ressources humaines.

Lutter contre les incivilités pour prévenir la délinquance?

mardi 2 novembre 2010






L’environnement dans lequel on évolue – la « structure » comme dit Lévi-Strauss - détermine une part de notre existence. Une équipe de chercheurs de l’université de Groningen a montré un lien entre la fréquence de graffitis et des autres formes de petite délinquance et le comportement d’un individu. Le résultat est simple : vivre dans un environnement délabré incite à commettre deux fois plus d'actes de vandalisme.
Le lien entre psychologie et désordre physique est une idée développée dans les années 1980 par George Kelling. La théorie de Kelling est la suivante : la tolérance zéro sur la petite délinquance permet de lutter contre la criminalité en général, y compris contre les délits de grande envergure. L’exemple développé par Kelling est assez connu. Quelques carreaux cassés dans un building vide amènent rapidement à d’autres carreaux cassés, puis à des actes de vandalisme plus importants dans le bâtiment. Lutter contre les incivilités permet alors de prévenir d’autres actes de vandalisme et probablement même d’empêcher la montée en puissance de futurs délinquants. C’est en vertu de cette théorie que New York est devenue sous Rudy Giuliani une des villes les plus sures des Etats-Unis.

De nombreuses villes européennes, y compris Paris, se donnent pour objectif de lutter contre les incivilités afin de lutter plus généralement contre la délinquance, ce qui semble appuyer la théorie de Kelling. Il existe cependant une pluralité d'autres facteurs qui influencent la criminalité et qui sont ignorés par Kelling tels que la pauvreté, la qualité du logement et la sévérité des peines lourdes. Il y a évidemment une considération sociologique à prendre en compte et c’est dans ce cadre strict que la théorie de Kelling est crédible : un comportement en société peut être diffusé et ainsi entraîner un autre comportement. C’est précisément ce que teste l’équipe de Groningen dans plusieurs études expérimentales. Prenons deux exemples.

D'abord celui de deux allées concomitantes contenant chacune deux bornes de vélos de location (type Vélib’) : une dont les murs sont repeints à neuf et une autre entièrement tagguée dans laquelle des ordures sont disposées à terre. Les deux parties de l’allée contiennent un panneau interdisant les graffitis. Sur chaque vélo, une banderole publicitaire d’une marque de sport est collée sur la borne de rattachement au vélo et doit donc être retirée au moment où le vélo est détaché pour usage. L'utilisateur du vélo a trois choix: garder la banderole (ordre), la poser sur un autre vélo ou la jeter à terre (désordre dans les deux derniers cas).

Afin de garder l’indépendance des évènements, chaque banderole jetée à terre a été systématiquement ramassée. Dans la partie du passage entièrement tagguée, 66% des utilisateurs avaient un comportement non civique. C’est deux fois plus que ceux qui utilisaient un vélo dans la partie de l’allée repeinte.

Un autre résultat significatif est celui du vol. Dans une zone considérée en désordre, un même individu a deux fois plus de chances de voler que dans une situation d'ordre. L'expérience est la suivante: une enveloppe contenant en apparence un billet de 5 euros est coincée dans la fente d'une boîte aux lettres. L'enveloppe est volée dans 13% des cas dans une condition d’ordre mais dans 25% des cas dans une condition de désordre, c'est-à-dire quand la boîte aux lettres est tagguée et que des déchets sont répartis autour. Le message est donc clair en termes de politique publique. Il faut empêcher le développement des incivilités pour lutter contre la délinquance.