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Doit-on s’étonner ou s’indigner de la violence à l’école ?

dimanche 21 février 2010

« Ouvrez une école, vous fermerez une prison ! ». La célèbre injonction de Victor Hugo est encore d’actualité d’un point de vue économique et sociologique: l’éducation a historiquement un rôle de prévention des crimes et des délits autant qu’un rôle de réparation. De nombreuses études économétriques (Fougère et al., 2009) soulignent le lien positif entre chômage des jeunes et le nombre de délits mais également le lien négatif entre le nombre d’années d’études et la probabilité d’aller en prison et même la durée d’incarcération (Lochner et Moretti, 2004). Il semble toutefois que la massification de l’école ait limitée sa capacité intégratrice de toutes les classes sociales et même engendrée de l’exclusion.
L’émotion des médias lors des faits de violence dans le milieu scolaire et l’utilisation des enseignants de leur droit de retrait ont relancé le débat sur la sécurité à l’école. Le gouvernement a d’ailleurs décidé de lancer des « états généraux » sur le sujet. Mais doit-on pour autant s’étonner et s’indigner de tels faits de violence ?

Statistiquement, il n’est pas étonnant que les lycées des quartiers sensibles soient soumis à des violences physiques ou verbales quotidiennes. D’abord parce qu'au niveau national les mineurs représentent 17% de l’ensemble des crimes et délits enregistrés en 2008 (INSEE), ensuite parce que 50% des faits de violence se concentrent sur 10% des lycées. Une faible proportion de lycées connaît donc des faits de violence réguliers qui empêchent le système d’enseignement secondaire d’assurer sa mission principale d’éducation. Toutefois, l’école reste relativement sanctuarisée puisque le rapport incidents/population est de 12 pour 1000 à l’école contre 57 pour 1000 au niveau national. Même en contrôlant pour le nombre d’incidents qui sont réglés en « interne » dans les établissements scolaires, les crimes et les délits sont moins courants au sein des écoles qu’au niveau macro national. Dans le temps long de l’histoire, de nombreuses études sociologiques soulignent la diminution de la violence et de l’insécurité (crimes de sang, viols, rackets, dégradation d’infrastructures, insultes verbales, etc.) dans le système éducatif et l’expliquent comme une conséquence du fait de la disparition des mesures de violence corrective.

D’un point de vue sociologique, la violence est une forme d’interaction sociale constructrice de la personne humaine. Il n’est pas étonnant qu’elle soit plus visible dans les quartiers défavorisés car i) le degré d’aversion à la violence y est plus faible ; ii) la remise en cause de l’école comme institution y est plus forte (Baudelot et Establet, 1970).

On ne peut cependant minimiser le problème pour deux raisons. D’abord, les crimes et les délits ont des coûts humains et économiques qui renforcent les inégalités entre quartiers et populations. D'où l'idée de droite d'être plus dissuasif en étant plus répressif. Ensuite, les moyens alloués à l’éducation sont actuellement inégalement répartis. D'où l'idée de gauche d'être plus préventif en augmentant les moyens humains. La solution réside peut-être dans les inégalités d'infrastructures. Par exemple, Paris compte un lycée pour 600 jeunes de 15-19 ans et la Seine-Saint-Denis un lycée pour 900 jeunes de 15-19 ans. En dynamique, les chiffres sont encore plus significatifs : en 1990, l’écart de jeunes de 15-19 ans entre Paris et la Seine-Saint-Denis était de 20% alors qu’il n’est plus que de 10% en 2008. L'économiste dira que la demande potentielle de lycées est plus importante que l'offre de lycées: la bonne éducation aurait donc un prix implicite beaucoup plus élevé pour les populations les plus démunies, et le "gap" de prix serait en train de s'accroître au mépris des inégalités de revenu. Ces chiffres sont d'autant plus inquiétants que le rattrapage démographique va être très rapide : la Seine-Saint-Denis compte 200 000 jeunes de 5-14 ans contre 190 000 pour Paris. L’augmentation des infrastructures scolaires en banlieue permettrait de limiter la taille des classes mais également de sectoriser les lycées pour éviter les affrontements entre quartiers. Le problème est évidemment financier mais l’investissement peut être très rentable d’ici à 2020 !

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