Faut-il réformer la carte scolaire ou simplement appliquer la loi SRU ?
lundi 15 février 2010
Le logement familial est-il un facteur de réussite scolaire des enfants ? Il semble relativement évident que les « meilleures » écoles – celles qui ont les classes préparatoires les plus réputées et le taux de réussite au Baccalauréat le plus élevé - sont dans les zones urbaines les plus aisées et ont donc, par l’effet du zonage des collèges et des lycées, des élèves issus des familles aisées. Les parents qui souhaitent que leurs enfants étudient dans ces établissements ont alors deux possibilités: i) se rapprocher géographiquement d’un bon collège ou d’un bon lycée sous la contrainte financière - Black (1997) montre ainsi que ceteris paribus les parents du Massachusetts sont prêts à payer un loyer 5% supérieur pour que leurs enfants étudient dans un collège réputé – ou alors ii)contourner les règles de zonage du collège/lycée en fonction du domicile parental, c'est-à-dire la carte scolaire. Afin de permettre aux meilleurs étudiants des quartiers difficiles d’étudier dans des établissements prestigieux, la carte scolaire est assouplie depuis la rentrée 2007 mais pour quel bilan ?
Les résultats de l’enquête de la Cour des Comptes (novembre 2009) faite à la demande du Sénat sur l’impact de l’assouplissement de la carte scolaire sur les 254 collèges « ambition réussite » - les collèges les plus défavorisés de France- ont eu l’effet d’un pavé dans la marre. En effet, près de 75% des collèges étudiés ont perdu des élèves, entraînant ainsi « une plus grande concentration dans ces collèges des facteurs d’inégalités » (Cour des Comptes, 2009). Inégalités en termes de moyens mais également en termes de « savoirs » puisque les meilleurs élèves ont effectivement un « bon de sortie ».
On ne peut cependant critiquer les conséquences de cette promesse électorale de Nicolas Sarkozy sans en souligner l’objectif louable qui la régissait : casser l’asymétrie d’information entre « insiders » de l’éducation nationale, au fait des procédures pour « contourner » la carte scolaire, et « outsiders » pour lesquels le système était opaque. On peut en revanche regretter que l’assouplissement de la carte scolaire ne soit pas accompagné d’un renforcement de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « SRU », qui permettrait de réduire les inégalités entre établissements scolaires en intégrant un peu de mixité sociale dans les autres quartiers.
Le gouvernement a récemment réaffirmé la volonté d’appliquer la loi SRU, notamment dans sa mesure phare - l’obligation d’un pourcentage de 20% de logements sociaux dans les communes urbaines de plus de 3500 habitants - en prenant mieux en compte les différences territoriales. La mixité sociale attendue de la loi SRU pourrait être un remède aux inégalités entre écoles de l’enseignement secondaire.
Il y a bien sûr des dizaines de facteurs pouvant expliquer les inégalités de réussite scolaire. Les enquêtes menées par le Ministère de l’Education Nationale sont généralement focalisées sur les inégalités salariales, sur les différences de catégories socioprofessionnelles ou encore sur les écarts de diplômes entre parents. La redistribution, la gratuité de l’école et la protection sociale doivent permettre d’atténuer ces différences. L’existence de logements à loyers modérés est également une forme de redistribution. Dans L’égalité des possibles (2005), Eric Maurin insiste sur la nocivité du surpeuplement des logements sur les résultats scolaires : un adolescent n’ayant pas une chambre individuelle pour faire ses devoirs a 60% de chances de redoubler au moins une fois avant la fin du collège (la moyenne étant de 40%) et une chance sur trois de sortir sans diplômes du système éducatif (INSEE, 1997).
Pour Eric Maurin, le combat contre les inégalités passe par le désenclavement des quartiers sensibles. Répartir les habitations à loyer modéré de façon équitable sur l’ensemble du territoire français permettrait de limiter l’effet des inégalités économiques spatiales sur la réussite future des enfants…et réinjecter un peu d’égalité en début de vie scolaire.
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