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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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"Adapt": le succès commence par un échec

lundi 30 mai 2011
Voici un extrait vidéo du nouveau bouquin de Tim Harford. S'adapter après les échecs est source de succès. "Les meilleures vies sont celles qui commencent mal" dit-on.


Le bon et le mauvais pauvre

mercredi 25 mai 2011







"Ayons des pauvres et jamais de mendiants; voilà le but où doit tendre l'administration". Brissot dans Théorie des Lois Criminelles (1780).

En dénonçant l'assistanat comme "cancer" de la société française, Wauquiez proposait que les bénéficiaires du RSA donnent cinq heures de leur temps de loisir payé à la collectivité. Laurent Wauquiez a relancé un vieux débat: faut-il punir les mauvais pauvres?

D'abord, les "pauvres" ne sont pas tous les mêmes. La pauvreté concerne l'indigent (celui qui du fait d'un handicap ne peut pas travailler à temps plein) et le prolétaire (l'ouvrier) qui ne peuvent vivre uniquement de leur travail mais qui ont une place bien définie dans la société. Dans le langage de Wauquiez, il s'agit de "bons pauvres". Ensuite, il y a les misérables, les désaffiliés, les exclus et les mendiants. Ils ne vivent pas de leur travail. Ce sont les "mauvais pauvres".

La pauvreté ne naît que dans la société: l'homme de l'âge de pierre ne se sentait pas pauvre. C'est donc au niveau de la société qu'elle doit être combattue. La pauvreté économique, mais également culturelle, ou administrative (mesurée par le RSA "passif" dénoncé par Wauquiez) naît d'une situation financière peu avantageuse puis tend à se cristalliser dans une aire géographique et dans une culture. Le RSA a justement une fonction de lutte contre l'émergence de la pauvreté: la pauvreté économique est facilement corrigeable par la redistribution, la pauvreté qui naît de la société et qui se transforme en exclusio et en enclavement est difficile à gommer une fois installée.

Si le droit doit être au service des personnes les plus fragiles, le principe de responsabilité doit s'appliquer pour celui dans le besoin comme pour l'administration ou les entreprises. A l'administration revient la mise en place de politiques sociales ambitieuses basées sur le "workfare". Seul le travail permet aux bénéficiaires du RSA de retrouver une place dans la société. Au bénéficiaire du RSA, il revient d'accepter la possibilité de trouver un emploi peu gratifiant. Le service public de l'emploi est actuellement mal doté pour faire face à l'enjeu de réinsertion sur le marché de l'emploi. Aux entreprises revient la tâche de gestion des personnes à risques: leurs dépenses de formation professionnelle devront être ciblées sur ces personnes, ce qui est actuellement l'inverse!

La vidéo du lundi: le nom des maladies

lundi 23 mai 2011
Vidéo troublante de témoignages d'individus malades ou ayant perdu un proche d'une maladie dont ils ne connaissent pas le nom...


Combattre les contre-vérités en matière de dette publique

mercredi 18 mai 2011




La crise de la dette que traversent plusieurs Etats de la zone euro semble donner raison aux tenants des politiques libérales les plus orthodoxes. Selon eux en effet, c'est l'excès d'endettement des Etats européens qui expliquerait la défiance des investisseurs envers les dettes souveraines. Inquiets pour leur soutenabilité, ils exigeraient des taux d'intérêt élevés puisque le risque de défaut est important. Ainsi l’Allemagne peut-elle emprunter à 10 ans à un taux d’intérêt de 3,3 %, contre 5,2 % pour l’Espagne et 12,5 % pour la Grèce, parce qu’elle reste faiblement endettée. Pour réduire le fardeau de la dette, les Etats devraient réaliser des coupes sombres dans les politiques publiques et privatiser certains services publics. C’est oublier que la dette a un rôle économique central et que l’appréciation de la dette d’un Etat reste un exercice éminemment subjectif. Alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter un projet de réforme constitutionnelle visant à assurer l’équilibre des finances publiques -et qui va en fait surtout complexifier la procédure budgétaire-, il conviendra de revenir sur quelques contre-vérités en matière de dette publique.

Les vertus de l’endettement

Contrairement aux idées reçues, un endettement à 0 % n’a aucun sens en économie et ne doit pas être un objectif de politique économique. En effet, un Etat s’endette pour investir, créer des infrastructures et améliorer le bien être des individus. Certains seuils ont beau avoir été définis (60 % du PIB dans le traité de Maastricht), ils ne sont justifiés par aucune théorie économique si ce n’est le vieux principe de gestion de bon père de famille. Ce principe convient-il à un Etat? On pourrait rétorquer que si un père de famille ne s’endettait pas, jamais il ne pourrait acheter un logement, à moins qu’il ne gagne très confortablement sa vie.

Les seuils d’endettement ne sont pas pertinents

Certains pensent qu’au delà d’un certain seuil d’endettement, la dette n’a plus d’efficacité économique parce que les agents économiques, anticipant des hausses futures d’impôts, épargnent, ce qui nuit à la croissance. Le problème est que ce seuil psychologique n’est pas connu (60 %, 90%, 150 %?) et qu’il est largement conditionné par les “experts” et autres agences de notation, dont personne ne connaît les méthodes d’évaluation, et qui imaginent des seuils sans tenir compte du nécessaire besoin d’investissement d’un Etat. Il peut sembler a priori logique qu’une hausse des taux d’intérêt sanctionne une endettement excessif ou insoutenable d’un Etat. Mais en fait, cette augmentation ne fait que révéler le véritable objectif des prêteurs, à savoir la rentabilité à court terme au lieu d’un réel investissement s’inscrivant dans la durée. Elle montre également que les investisseurs croient, sans aucune distance critique, aux seuils définis par les agences de notation, lesquelles sont devenues les apôtres de la religion économie dont le credo est une dette nulle.

La non-pertinence des ratios proposés pour évaluer la soutenabilité de la dette

Les seuils évoqués pour évaluer les dettes ne sont de toute façon pas pertinents: lorsqu’on évoque par exemple une dette de 90 % du PIB, on compare en effet un stock (la dette, créée par des déficits annuels successifs) à un flux, le PIB c’est-à-dire le revenu annuel d’une nation. On compare alors deux notions de nature différente ce qui n’est, en toute bonne logique, pas appropriée. Il serait plus judicieux de comparer le stock de dette à la somme des PIB futurs. Dans ces conditions, le niveau d’endettement d’un Etat apparaîtra beaucoup plus faible.

On pourrait aussi rapporter la dette (stock) aux actifs de l’Etat (autre stock): cela mettrait en évidence que la dette des Etats est bien inférieure à ce que prétendent les soi-disant experts puisque les actifs (infrastructures, hôpitaux, savoir immatériel) sont bien plus importants que la dette. Cependant, comme il n’est pas simple de calculer les actifs d’un Etat, les économistes, préférant souvent la simplicité, n’y ont presque jamais recours (on les évalue à plus de 2000 milliards de dollars).

Il serait aussi plus correct de ne rapporter au PIB annuel (2100 milliards $ pour la France en 2010) que le montant annuel du remboursement de la dette –et non pas la dette totale-ce qui permettrait de comparer effectivement deux flux. En ce qui concerne la France, le remboursement annuel est d’environ 3 % du PIB, seuil qui semble parfaitement soutenable si on le compare au seuil d’endettement du “bon père de famille” si souvent évoqué et qui doit être inférieur ou égal à 33 % du revenu annuel.

L’endettement ne doit servir qu’à l’investissement?

Certains pensent enfin que si l’endettement est fructueux en théorie, il est stérile en pratique: la France par exemple ne s’endeterrait pas pour investir mais pour rembourser les intérêts de la dette et surtout assurer les dépenses courantes, notamment celles des fonctionnaires qui représentent 40 % du budget de l’Etat. Cette approche n’est à mon sens pas adaptée parce que la distinction canonique entre dépenses de fonctionnement et d’investissement est arbitraire. Les traitements des fonctionnaires sont par exemple considérées comme des dépenses de fonctionnement. Pourtant, ils représentent l’essentiel des dépenses de l’Education nationale, laquelle constitue bien un investissement puisqu’une heure d’enseignement augmente le savoir d’une génération d’écoliers ou d’étudiants donc le capital humain de la nation. Le traitement des professeurs pourrait donc être compté parmi les dépenses d’investissement.

Le paradoxe de la dette

L’idée qu’un Etat s’endette parce qu’il dépense trop est en définitive simpliste: si les dépenses excèdent les recettes, cela peut venir aussi bien de dépenses excessives que de recettes insuffisantes. Or dans le système actuel, on préfère financer les dépenses par emprunt que payer des impôts. Pourquoi? Tout simplement parce que les riches préfèrent prêter à l’Etat, contre paiement par celui-ci d’un intérêt, que de payer des impôts, lesquels restent une contribution sans contrepartie. Les libéraux souhaitent diminuer les impôts et laisser l’Etat s’endetter pour que les plus riches puissent s’enrichir davantage.

Conclusion

La dette a une utilité économique et les seuils de dette proposés fréquemment masquent en réalité une idéologie libérale dans laquelle l’Etat ne doit jouer aucun rôle économique (i.e. création et redistribution de richesses). La légitimation de la dette publique ne doit toutefois pas conduire à dépenser sans compter, sans contrôles et sans évaluations des politiques publiques. La question est cependant moins celle de la raison d’être de la dette publique que celle des objectifs d’une dette utile pour la nation.

Le puzzle des inégalités et ses conséquences biologiques

mercredi 11 mai 2011







En 2004, le congrès américain votait une série de réduction d’impôts pour les plus riches. Sept ans plus tard, Barack Obama échouait à rendre caduques ces dispositions. En 2007, Nicolas Sarkozy faisait du « bouclier fiscal », une mesure permettant aux plus riches de ne pas payer en impôts directs une somme supérieure à 50% de leurs revenus, un de ses arguments de campagne. Malgré les critiques quasi-unanimes de la classe politique, y compris de la majorité, la mesure ne sera abrogée que quatre ans après laissant place à une large exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Depuis la crise financière, la sensibilité aux inégalités a changé toutefois: on ne compte pas le nombre de films sur la chute du capitalisme, de Inside Job à Ma part du gâteau en passant par moi Michel G, milliardaire.


Pourquoi la sensibilité aux inégalités a-t-elle changé ? Une des raisons souvent évoquées est que les inégalités ont augmenté. Un indicateur commun est le coefficient de Gini qui va de 0 (tout le monde a le même revenu) à 1 (une seule personne a l’ensemble du revenu). Tous les pays du monde ont grosso modo entre 0,25 et 0,6 pour la distribution du revenu. Pour les ménages américains, l’indice de Gini est passé de 0,34 au milieu des années 1980 à 0,38 dans le début des années 2000. En Chine, l’indice est passé de 0,3 à 0,4. D’après Robert Gordon (Université de Northwestern), les inégalités n’ont pas augmenté depuis 1993 pour 99% de la population. Comme l’ont souligné Piketty et Saez (2007) et Saez (2008), les inégalités ont par contre augmenté entre les super-riches et les autres. Les 0,1% les plus riches détiennent 8% du PIB du pays. L’Economic Policy Institute, un think-tank américain, les 0,1% les plus riches ont des revenus 80 fois supérieurs à ceux des 90% les moins riches. Il y a vingt ans, le ratio des deux revenus était de 20.

L’augmentation des inégalités n'est pas seulement un problème économique (au sens d'accès aux bien-être) mais c'est également un problème sociologique - nous accordons dans les pays industrialisés des rendements disproportionnés à la richesse - et politique - les inégalités accroissent l’exclusion en rendant littéralement misérables les plus démunis.



Dans The Spirit Level, un best-seller aux Etats-Unis, Richard Wilkinson et Kate Pickett, soutiennent la théorie selon laquelle les inégalités auraient des effets médicaux avérés dont l’impact touche l’ensemble de la société. Le stress lié aux inégalités entraîne la sécrétion d’une hormone, le cortisol. Les personnes qui vivent dans des sociétés inégales secrètent moins d’ocytocine, une hormone peptidique qui favorise les interactions amoureuses mais également la défense du groupe et qui est donc assimilée à la confiance en soi. Le lien médical n’est toutefois pas avéré car il n’existe pas d’études généralisées à l’ensemble de la population. C'est une question que les chercheurs devront élucider au plus vite.

Toutefois, au niveau macroéconomique, les inégalités et leur impact sur la confiance peuvent peser sur la croissance : les pays scandinaves ont un haut niveau de confiance et de faibles inégalités de revenus. Les inégalités sont également une question de structure : une société figée, basée sur les castes comme en Inde, ou sur les Hukou chinois - un système de permis de résidence qui limite les migrations vers les villes - risque d'imploser.

Les inégalités ont un effet pervers sur la politique économique. Depuis plusieurs années, les politiques ont été concentrées sur les plus riches quand l’enjeu d’avenir pour une économie est d’ouvrir les possibles des classes moyennes en cassant les barrières à l’éducation. C’est également lutter contre le côté répétitif et biaisé des inégalités comme j'ai pu l'aborder sur d'autres sujets: le progrès technologique défavorise les non-qualifiés et le marché du mariage est strictement cloisonné selon le niveau d’éducation.

Crédit photo Stephen Shames.