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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Comportement sexuel stratégique

jeudi 31 octobre 2013


La revue de gestion The Academy of Management Perspectives a consacré son numéro du mois d'août dernier aux "nouvelles questions à la mode en management des ressources humaines" et la sexualité est identifiée comme la question bouillante des recherches à venir en ressources humaines.

J'avais écrit il y a quelques temps un article sur les discriminations envers les femmes issues des minorités ethniques, notamment le harcèlement sexuel dont elles sont victimes au travail. Sans grande surprise la littérature sur les ressources humaines y a déjà consacré plusieurs articles. Ce qui est plus surprenant, c'est le manque d'articles sur les comportements sexuels stratégiques au travail. Ceux-ci peuvent être définis comme une forme d'influence sociale exercée sur les autres avec des conséquences positives ou négatives. Pourtant ces stratégies individuelles sont constantes dans le monde du travail et dans la vie courante. Elles peuvent reposer sur une stratégie directe de l'acteur ("faire du charme") ou sur la perception de l'autre, du fait de la beauté de l'individu. Nous avions déjà évoqué l'impact de la beauté sur le salaire ou sur la performance perçue, sans être capable de séparer ce qui relève de la pure discrimination ("le prof est beau donc le cours est bien") ou de la productivité ("quelqu'un de beau fait attention à son image et prépare donc mieux ses cours"). La collecte de données pour tester les choix stratégiques sexuels des salariés devra prendre en compte cette différence entre la stratégie et la perception. 

Un deuxième sujet à la mode est l'histoire d'amour (qui peut virer au harcèlement) au travail. Déjà étudié en profondeur par les chercheurs en ressources humaines, le sujet revient en force avec le développement des nouvelles technologies. Face à la diminution de la productivité qui peut résulter de contacts trop fréquents entre amoureux au sein de l'entreprise (pause cigarettes coordonnées et rallongées, échanges de mails, textos, messages sur les réseaux sociaux, etc.), les nouvelles recherches devront se concentrer sur les moyens de réguler les échanges amoureux au sein même du lieu de travail. 



5 bonnes raisons de lire « 20 questions d'économie »

vendredi 25 octobre 2013




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  • 1: Ce livre peut t'aider à devenir un jour Ministre de l'économie !
    Tout comme Mosco et bien d'autres avant, tu veux passer par Sciences Po ? Ce livre est donc pour toi. Il aborde l'ensemble des questions d'économie au programme de l'épreuve de sciences économiques et sociales du concours d'entrée à Sciences Po. Il peut-être aussi utile à tous les étudiants préparant des concours (IEP, écoles de commerce, concours administratifs) et aux lycéens préparant le bac ES.

  • 2: Ce livre est pour toi si tu aimes l'Observatoire des idées!
    Les deux auteurs contribuent régulièrement à cet excellent blog d'actualité économique créé par Simon Porcher. Vincent Levrault et Simon Porcher enseignent tous les deux l'économie et ont à cœur de la rendre accessible.

  • 3: Tu peux réussir à entrer à Science Po tout en restant dans ton lit!
    Plus que de simples leçons, chaque question a été traitée sous forme d'une dissertation entièrement rédigée. Ce livre est un véritable outil méthodologique à la dissertation, chaque sujet montrant les aspects formels de l’épreuve, aidant ainsi les candidats.

  • 4: Ce livre peut t'aider si tu es Ministre de l'économie!
    L'ouvrage apporte un éclairage utile pour comprendre l'économie contemporaine, les auteurs expliquent clairement les mécanismes en jeu et évoquent des solutions potentielles pour éviter les crises financières, créer des emplois, ou encore réduire les inégalités économiques.

  • 5: Sinon tu peux aussi caler ta bibliothèque avec quand t'as fini de le lire!
    Ce livre fait 16,5 cm de largeur et 24 cm de hauteur. Il comporte 224 pages et pèse 248 g, et ça c'est un argument de poids !

Taxis contre VTC

mercredi 16 octobre 2013

Cela semble logique à tous: quand la population augmente, la demande de transports augmente et l'offre doit suivre. Le développement des lignes de bus, de métro, des trains, des vélos et autos en libre-service et la diminution des temps d'attente dans les transports vont dans ce sens. Pourtant, il existe un moyen de transport dont l'offre diminue à travers le temps : les taxis. De 25 000 taxis à Paris en 1925, nous sommes passés à 15 000 aujourd'hui ; cinq fois moins qu'à Londres qui comprend 10% d'habitants de plus et quatre fois moins qu'à New York qui comprend deux fois plus d'habitants. Cette insuffisance du nombre de taxis crée des temps d'attente démesurés, particulièrement le week-end. Quand un client n'a qu'à lever la main à Londres ou à New York pour attraper un taxi, il faut souvent attendre plusieurs dizaines de minutes à Paris pour en trouver un. 

Déjà très protecteur pour le statut du taxi, le gouvernement va créer un délit de racolage pour les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC).

Depuis quelques années, une offre alternative à celle des taxis a été développée: les moto-taxis et les véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC). Ces derniers sont à l'origine d'une polémique: par une simple application téléphonique, il est possible d'en commander un. Le prix de la course est généralement un peu plus élevé que celle d'un taxi traditionnel mais leur disponibilité est plus grande. En principe, les VTC n'ont pas le droit de charger dans la rue ou à la sortie des aéroports. Suite à une décision du gouvernement, les VTC devront également attendre quinze minutes avant de pouvoir charger un client, ce qui casse un de leurs avantages concurrentiels, les VTC chargeant - comme les taxis traditionnels - généralement moins de dix minutes après la commande. La décision du gouvernement a été très critiquée par un de mes potes, Nicolas Colin, qui souligne le rôle négatif des lobbys du taxi et le manque de soutien à l'innovation de la France. 

J'adhère à la vision de Nicolas, notamment sur l'analyse du discours anti-innovation des taxis et des politiques, mais je me permets de rappeler quelques freins bien réels à l'ouverture du marché des taxis, et cela en dépit des mauvaises expériences que chacun peut avoir avec les taxis parisiens ("je rentre chez moi", "je vais pas en banlieue", "je vais pas là-bas car je rentre à vide", "c'est pas assez loin", etc.). Les taxis payent généralement leur "plaque", c'est-à-dire leur droit d'exercer, 150 000 à 400 000 euros selon les villes. La vente de la licence de taxi constitue la retraite du taxi, comme un commerçant revendrait son fonds de commerce. Si l'état des finances publiques n'était pas si catastrophique, la solution serait simple : on rachète les licences des 15 000 taxis parisiens (car le problème est essentiellement parisien à mon avis) en échange de l'ouverture du marché à la concurrence. Mieux encore, une idée avancée par Alain Trannoy est de donner gratuitement à chaque taxi une deuxième licence qu'il peut revendre: on augmente l'offre et on permet à chaque taxi de gagner - sans frais pour le contribuable - environ deux fois le prix de sa licence, en échange de quoi on ouvre le marché à la concurrence. 

La solution qui s'imposerait aujourd'hui serait d'augmenter l'offre de taxis au moment où la demande est la plus forte, les vendredis et samedis soir: les VTC devraient donc être soulagés du délai d'attente de quinze minutes au moins ces deux soirs de la semaine, voire le week-end complet. La règle en vigueur, qui permet aux taxis de banlieue de venir charger à Paris le week-end, ne suffit pas à satisfaire la demande. En échange, les taxis garderaient au moins temporairement le business juteux des courses conventionnées par la caisse primaire d'assurance maladie et des chargements à l'aéroport et aux gares. Enfin, la possibilité pour les VTC de contractualiser avec des entreprises comme elles le font avec certaines compagnies de taxis doit être sauvegardée. Ce qui est sûr c'est qu'on ne peut pas limiter continuellement l'offre de taxis pour leur bien car preuve en est, les consommateurs préfèrent payer un peu plus et attendre moins longtemps. 

Qui sont les Prix Nobel d'économie 2013 ?

lundi 14 octobre 2013
Les portraits des trois lauréats du prix de Nobel d'économie, les Américains Eugene Fama, Lars Peter Hansen et Robert Shiller, à Stockholm (Suède), le 14 octobre 2013.

Le Prix Nobel de la Banque de Suède est attribué cette année à Eugene Fama, Lars Peter Hansen et Rober Shiller pour leur "analyse empirique du prix des actifs".

Les trois chercheurs sont des favoris de la liste des Prix Nobel depuis longtemps. Fama est connu pour ses travaux sur la manière dont l'information est incorporée dans le prix des actifs. En montrant que les prix évoluent en fonction des informations disponibles, il valide une des hypothèses de la théorie économique selon laquelle l'information tant à être parfaite, du moins sur le long terme. En ce sens, si les marchés financiers se caractérisent par la réactivité des prix aux informations, ils tendent vers l'utopie économique d'efficience des marchés sur le long terme. Toutefois, il a montré dans plusieurs papiers que l'hypothèse d'efficience en elle-même n'est pas testable. Dès les années 1980, Fama et son co-auteur Ken French remettent ainsi en cause les modèles d'évaluation des prix des actifs en montrant que les actifs les plus rentables sur les marchés financiers sont également les plus risqués. 

Pour certains commentateurs, il est complètement absurde que Fama partage le prix avec Shiller qui a passé toute sa vie académique à remettre en question l'efficience des marchés et que l'on aurait imaginé lauréat avec Richard Thaler ou Douglas Diamond, ce que je défendais dans un précédent post. Avec la publication de "Irratonal Exuberance" et de "Animal Spirits", Shiller a dénoncé depuis plusieurs années l'inefficience du marché et la déconnexion entre le prix des actifs et leur valeur réelle. En développant l'étude de la finance comportementale, Shiller a montré que les traders et les investisseurs prennent des décisions en fonction de leurs émotions plutôt que de calculs rationnels. Il est à l'origine de nombreuses recherches mélangeant psychologie et économie et qui visent à montrer le manque de rationalité des décisions humaines. 

Hansen est surtout connu pour avoir développé une méthode d'estimation économétrique, la méthode des moments généralisés, et un test de qualité des modèles à variables instrumentalisées (seuls les geeks me comprendront), le "hansen J-test", que de nombreux chercheurs utilisent. Son apport a permis d'améliorer les prédictions statistiques, notamment celles des prix sur les marchés financiers. Ses recherches récentes, il est le plus actif des trois lauréats, portent sur la décomposition des déterminants, notamment macroéconomiques, du prix des actifs. Des trois chercheurs couronnés, Hansen est le plus jeune et le seul qui n'a pas une activité de conseil. 

Qui est Janet Yellen?

jeudi 10 octobre 2013
Janet Yellen est la première femme à accéder au poste de présidente de la Fed

Janet Yellen, la nouvelle patronne de la Fed, est depuis 2010 une des plus ferventes supportrices du programme d'assouplissement monétaire - le rachat de titres de dettes par la Banque centrale pour maintenir les taux d'intérêt à un niveau bas - mené par Ben Bernanke.  

Son héritage intellectuel est proche de John Maynard Keynes et de James Tobin, son directeur de thèse à Yale: Madame Yellen voit l'action du gouvernement et de la Banque centrale comme une nécessité pour réduire les coûts et les causes du chômage. Aux manettes, Madame Yellen a poursuivi les objectifs du mandat de la Fed: assurer la stabilité des prix et viser le plein emploi. Dans sa volonté de relance systématique, Yellen a souvent été critiquée par les gouverneurs de la Fed, certains voyant en elle un biais inflationniste. Dans les faits, Yellen a porté le projet de transposition de la règle de 2% d'inflation annuelle à la Fed qui applique cette cible, très critiquée en Europe, depuis 2011. Elle avait également milité pour un relèvement des taux lorsque l'inflation augmentait au début des années 2000 et avertissait constamment la Fed d'un risque de Krach immobilier au milieu des années 2000. 

Madame Yellen a une longue carrière de banquière centrale, ayant été vice chairwoman de la Fed, patronne de la Fed de San Francisco pendant dix ans et, avant tout cela, chercheuse à la Fed dans les années 1970 - où elle rencontre son futur mari, le Prix Nobel George Akerlof, alors chercheur invité, à la cafétéria. Ils écriront plusieurs articles ensemble, notamment sur les relations entre salaire et chômage mais également sur l'impact de la construction d'une communauté sur la lutte contre la criminalité. Contrairement à Akerlof, dont l'entreprise intellectuelle a été de démonter l'hypothèse de perfection des marchés, Yellen aurait tendance à croire au bon fonctionnement du marché sous des conditions que les institutions publiques doivent créer. Ce qu'elle s'efforce de faire depuis des années.