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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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La baisse de l'euro ne restaurera pas la compétitivité française

jeudi 31 mai 2012

La dévaluation monétaire constitue l'outil classique de restauration de la compétitivité-prix d'un pays.  Membre de la zone euro, la France a confié la définition de sa politique de changes aux institutions de l'Union Européenne et ne peut décider d'une dévaluation. De nombreux économistes ont alors souligné les bienfaits d'une dépréciation potentielle de l'euro, notamment vis-à--vis du dollar et des autres monnaies internationales (yen, yuan, livre sterling). 

Or, la dépréciation actuelle de l'euro ne peut bénéficier qu'à l'ensemble des pays de la zone euro: la compétitivité relative de la France vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro reste et restera inchangée. La dépréciation n'a d'effets positifs sur les exportations que si la demande adressée à ce pays repose essentiellement sur sa compétitivité-prix. Face à la spécialisation de la Chine sur des biens de faibles coûts, la dépréciation de l'euro ne sera jamais suffisante - ni pour la France, ni pour la zone euro - pour compenser le différentiel de coût du travail et renchérira les importations, creusant encore davantage le déficit commercial français.

La compétitivité ne peut être attendue d'accidents mais se construit par la politique économique. 

Aux pères fondateurs de l'euro...

mardi 29 mai 2012
Je dois à Robert Mundell (1999) ma décision d'étudier puis d'enseigner l'économie. Je me souviens très bien sa réception du Nobel, j'étais alors au lycée et pour une des premières fois je lisais le Monde, ou plutôt un bout du Monde que j'avais trouvé dans le centre de documentation et d'information de mon lycée. J'étais tombé par hasard sur un article décrivant le triangle d'incompatibilité de Mundell (selon le prix Nobel, une zone monétaire n'a le choix qu'entre deux des trois instruments suivants: changes fixes, libre-circulation des capitaux, politique monétaire autonome), dont je ne comprenais pas à l'époque la signification. 

En revanche, l'article m'avait marqué par sa présentation des zones monétaires optimales, autre théorie du début des années 1970 qui a rendu célèbre Mundell (qui travaillait en fait sur la possibilité d'une union monétaire entre le Canada et les Etats-Unis). J'ai vite compris que sa théorie, selon laquelle une union monétaire entre plusieurs Etats n'est possible que si ces Etats connaissent une forte mobilité du travail entre eux, était une critique de la décision européenne d'adopter une monnaie unique. J'ai compris plus tard pourquoi il avait eu le Nobel en cette année 1999. Je ne comprends toujours pas pourquoi on le considère comme un père fondateur de la zone euro, sa théorie étant fondamentalement opposée à l'adoption de la monnaie unique européenne.

Pour beaucoup, y compris outre-atlantique la théorie de Mundell était incomplète car elle laissait de côté l'intégration commerciale et financière des Etats de l'Union. McKinnon et Kenen ont largement contribué à renforcer la crédibilité de la théorie des zones monétaires optimales en insitant sur l'ouverture aux échanges des pays constituant l'Union et l'intégration fiscale. En utilisant divers critères, Bayoumi a proposé de tester plusieurs tailles de zones monétaires en Europe: l'Allemagne, l'Autriche, la France, le Bénélux, l'Italie et le Royaume-Uni aurait constitué une zone monétaire optimale en 1999. 

Philippe Martin et Thomas Philippon travaillent actuellement sur un papier dans lequel ils insistent sur l'intégration du système bancaire comme déterminant d'une zone monétaire optimale. Une régulation unique au niveau européen et un système de garanties fédérales, plus que la mobilité du travail ou l'ouverture commerciale, déterminent effectivement l'optimalité d'une zone monétaire. Affaire à suivre...

Inévitables Eurobonds

mercredi 23 mai 2012
Pendant plusieurs mois, en toute discrétion, la Banque centrale européenne (BCE) a acheté massivement de la dette publique espagnole et italienne. Cette situation est instable, la stabilité de la monnaie unique étant in fine quasi-uniquement liée à ces rachats massifs de la BCE. Or, celle-ci n'aime pas détenir des actifs risqués dans son bilan et craint un retour de l'inflation ou l'existence d'un aléa moral incitant les pays en mauvaise situation financière à ne pas stabiliser leurs dettes publiques.

Ces rachats massifs ont par ailleurs un effet paradoxal. En choisissant de racheter en priorité la dette de tel ou tel pays, la BCE donne un signal aux spéculateurs: nous ne pouvons laisser tomber l'Espagne ou l'Italie sous peine de perdre la monnaie unique. Dans ce cas les attaques spéculatives peuvent être menées contre un pays périphérique comme le Portugal, jugé plus fragile car moins soutenu par la BCE. Le cas échéant, les spéculateurs pourraient même s'attaquer à l'Espagne ou à l'Italie car ils estiment leur situation financière instable, car leur dette est refinancée par la BCE. La pluralité des dettes publiques est elle-même à l'origine de la spéculation en comparant systématiquement les pays européens les uns aux autres. De ce point de vue, la mise en place des eurobonds, des titres de dette européens, est inévitable. 

Si certains gouvernements européens y sont opposés, c'est pour ne pas être pénalisés par des taux de refinancement trop élevés. Disons-le simplement: ni la France, ni l'Allemagne ne veulent subir les taux espagnols. A l'inverse, certains trouveraient injuste que l'Espagne puisse se refinancer au taux allemand. Il faut donc un système de bonus-malus sur les taux d'intérêts des eurobonds, fixé en fonction de la situation des finances publiques. Par ailleurs, la mise en place des eurobonds doit servir à financer une partie fixe de la dette publique, jusqu'à 10% de la dette publique de chaque pays, avant de monter en puissance. Une autre solution serait de faire reposer la mutualisation des dettes sur des euro-bills, un mécanisme similaire mais centré uniquement sur les titres de dette de court terme (à un an) qui sont généralement peu risqués avec un système de bonus-malus sur les taux d'intérêt. Ce système casse tout aléa moral en incitant les Etats à maintenir des finances publiques saines pour diminuer les taux d'intérêt sur la dette détenue à moyen et à long-terme. 

GREXIT

lundi 21 mai 2012
En attendant les élections législatives en Grèce, les gouvernements européens planchent sur un plan de soutien en cas d'une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro ou d'une attaque spéculative qui toucherait l'Espagne et le Portugal. 

Le logiciel économique de la zone euro a été construit sur la lutte contre l'aléa moral: les États s'engagent sur des objectifs de long-terme - finances publiques saines et programmes de réduction des dépenses - et l'aide des autres États européens et de la Banque centrale européenne est conditionnée aux efforts entrepris. La montée des partis populistes qui proposent des solutions faciles - sortie de la zone euro ou moratoire sur la dette publique - est le signal des modifications qu'il faut apporter aujourd'hui au fonctionnement des institutions européennes. L'hypothétique sortie de la Grèce et la probable faillite du système bancaire européen devrait se traduire par des actions rapides de restauration de la confiance et de la stabilité financière. Cela impose des prises de décision rapides, basées sur la majorité et non sur l'unanimité. La seule manière de faire accepter un tel changement de mentalités est de créer une véritable régulation financière européenne. 

La raison est simple. Pris individuellement, les pays de la zone euro ont des capacités d'absorption très faibles: la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Italie et l'Espagne sont facilement mis en faillite par leur système financier. A l'inverse, les capacités de garantie des dettes bancaires et étatiques de la zone euro prise dans son ensemble sont énormes. Une telle régulation éviterait les arbitrages politiques nationaux et donc les éventuelles connivences qui peuvent exister entre régulateurs, gouvernants et directeurs de banques. En contrepartie, la possibilité d'émettre des euro-bills sous des conditions strictes viendrait faciliter le financement de la dette publique. 

La sortie de la zone euro de la Grèce n'est pas pour autant une bonne nouvelle. La compétitivité grecque serait restaurée par le biais d'une dévaluation de la drachme mais l'inflation serait importante, voire galopante. Dans ce cas, sauf relance (inespérée) des exportations, la situation grecque serait probablement pire qu'aujourd'hui. L'austérité serait de toute façon maintenue, la diminution des dépenses publiques étant nécessaire, et la dégradation du climat politique défavorable au maintien de la démocratie...




Que pense la presse étrangère de François Hollande et Nicolas Sarkozy?

samedi 5 mai 2012
Je sais que plusieurs d'entre vous se sont étonnés du manque d'indépendance de la presse française, clairement en faveur de François Hollande comme elle avait été en faveur de Nicolas Sarkozy en 2007. Voici quelques morceaux choisis de la presse étrangère et de son regard sur nos candidats.

Pour Le Spiegel, c'est clairement François Hollande qui a montré des habiles talents de négociateur. Le journal prévient même Angela Merkel de faire attention. Hollande pourrait modifier la balance qui existe entre les deux pays. El Pais considère également que le bilan de Sarkozy est gênant et que le Président manque de courtoisie, un style de gouvernance qui explique sa situation actuelle d'outsider.

Pour Forbes, le duel Sarkozy-Hollande se résume à un duel Thatcher-Schröder, l'austérité et l'autorité d'un côté, le réformisme et la flexibilité de l'autre, Hollande ayant la faveur d'avoir le soutien des syndicats. D'autres sont moins optimistes, notamment le journal démocrate The NY Times qui souligne qu'Hollande n'a pas d'expérience et fait preuve d'une arrogance qui pourrait lui coûter cher. The Wall Street Journal, pourtant conservateur, est très opposé au style présidentiel de Nicolas Sarkozy, qui fait de la montée de la xénophobie un argument présidentiel, qualifiant même Sarkozy de "Nicolas Le Pen".

The Guardian se félicite de l'élection probable du candidat PS, qui permettrait de faire avancer les droits civils et ne note pas de différence réelle entre les programmes des candidats, qu'il juge tous les deux opposés à l'austérité. Le Financial Times ne cache pas non plus sa préférence pour Hollande qui ferait un plan de relance au lieu de l'austérité. Le journal appelle même au calme face à ceux qui redoutent que la France ne s'effondre comme la Grèce: "il n'y aura pas de révolution française". Le journal financier a comparé Sarkozy à Poutine dans les relations qu'il entretient avec les médias, comparaison abusive pour celui qui a observé le scrutin russe. Enfin, The Economist juge les deux candidats dangereux: Sarkozy dans son discours sur la fermeture des frontières, Hollande sur sa politique économique qui mènerait la France à la faillite. Le journal, clairement en faveur de Sarkozy en 2007, maintient sa position par obligation plus que par choix et soutient donc le candidat sortant, "moins dangereux" de leur avis.

Le véritomètre du débat

jeudi 3 mai 2012
Le débat entre Nicolas Sarkozy et François Hollande a été très tendu: les deux candidats se sont notamment accrochés sur plusieurs chiffres, Sarkozy accusant Hollande de "menteur"; Hollande accusant Sarkozy de fuir la réalité des chiffres. Qu'en est-il?



La dette publique: les deux ont faux


Pour Hollande, la dette publique a augmenté de 600 milliards entre 2007 et 2012. "Faux" rétorque Sarkozy: "la dette a augmenté de 500 milliards. Une erreur de 100 milliards, ça pose question". La dette publique a augmenté de 505 milliards entre janvier 2007 et décembre 2011. Hollande a en fait ajouté à ces 505 milliards les 82 milliards de déficit prévus pour cette année mais n'a pas retiré les charges de la dette. Au final, la dette devrait être de 550 milliards fin 2012, la moyenne exacte des deux estimations.

En revanche, Sarkozy n'est pas responsable de la totalité de l'augmentation de la dette publique comme l'a laissé entendre Hollande, celle-ci étant largement héritée des structures de l'économie française et étant la conséquence en grande partie de la crise économique. La gestion de la dette par Sarkozy est évidemment loin d'être parfaite.

Les chiffres du chômage: les deux ont raison


Le chômage est comptabilisé différemment selon le statut des chômeurs, qu'ils soient en formation ou non, ou qu'ils aient eu une activité ou non. Le chiffre généralement débattu du chômage donne raison à Sarkozy: nous sommes passés de 2,25 millions de chômeurs à 2,65 millions au sens du Bureau International du Travail (BIT), soit une augmentation de 400 000 chômeurs. Il s'agit des chômeurs sans activité et n'ayant pas exercé d'activité au cours du mois. Hollande a pris en compte l'ensemble des chômeurs inscrits à Pôle Emploi: il y a bien 3 millions effectivement sans activité ayant soit exercé aucune activité, soit exercé une activité courte; en revanche, le nombre monte à 4,3 millions de chômeurs si l'on inclue les emplois aidés et les chômeurs en formation.

Le déficit extérieur: les deux ont tort


Le déficit extérieur de la France existe depuis 2003 mais la France n'a pas toujours été en excédent sous Lionel Jospin comme l'a affirmé Hollande. Par ailleurs, Hollande a affirmé que le prix du brut  était déjà élevé en 2002 alors qu'il était en fait très bas. En revanche, Sarkozy se trompe en indiquant que 90% du déficit extérieur est lié à la facture énergétique de la France. Le déficit énergétique ne représente que 60% du déficit commercial ces dernières années. En revanche, la vague de froid a effectivement creusé le déficit à cause des importations d'énergie, qui représente effectivement 90% de ce surplus de déficit et non 90% du déficit lui-même!

L'immigration: Sarkozy se trompe


L'immigration n'a pas baissé sous Sarkozy, sauf en 2007 et a priori en 2012, mais le flux migratoire net est resté stable. Les flux sont stables aux alentours de 200 000 immigrés par an, Claude Guéant ayant affirmé justement en 2011 son objectif de passer à 180 000 immigrés par an. Par ailleurs, le risque d'un vote communautaire (pour ne pas dire musulman) n'est pas avéré, les immigrés venant de pays majoritairement musulmans étant minoritaires parmi les étrangers vivant en France.

Encadrement des élèves: Sarkozy se trompe et persiste


La France est bien le dernier pays de l'OCDE pour le nombre de professeurs par élèves dans le primaire. Sarkozy confond le nombre d'élèves et le nombre de classes, il y a effectivement peu de classes en France car le nombre d'élève par classe y est le plus élevé. Par ailleurs, la réforme de la formation des professeurs a été catastrophique, entraînant une chute du nombre de candidats.

Sarkozy sans réponses: Berlusconi au PPE et Sarkozy en animateur au Bristol?


Sarkozy est évidemment rattaché à l'UMP, qui fait partie du PPE au niveau européen, comme l'ensemble des partis de droite et conservateurs d'Europe. Ils étaient d'ailleurs réunis en décembre dernier pour faire gagner leurs partis. Sarkozy a par ailleurs effectivement pris la parole lors d'une soirée de donation à l'UMP au Bristol, aux côtés d'Eric Woerth. Une vidéo montre les photos de cette soirée.

Hollande souhaite-t-il la fermeture des centres de rétention?


La lettre est accessible ici. Hollande ne souhaite pas la fermeture des centres de rétention mais l'arrêt de la rétention des enfants, et donc "des familles avec enfants". Sarkozy a pris sur ce point en particulier quelques libertés avec la vérité.

Le coût de la TVA sociale pour un couple de smicards: Hollande a plutôt raison


L'augmentation proposée de la TVA doit être de 1,6 points. Pour un couple de smicards à 2200 euros nets par mois qui consommerait 1200 euros sur des biens au taux haut de TVA, cela se traduirait par une hausse des dépenses de 20 euros par mois, soit en annualisé, 240 euros par an de moins sur le pouvoir d'achat, moins que les 300 euros annoncés par François Hollande. Cela suppose évidemment que les prix suivent l'augmentation de la TVA, ce qui n'est pas du tout sûr.

Hollande a bien dit "ne pas aimer les riches" mais il n'a pas dit que l'on est riche à partir de 4000 euros


Hollande a nié à demi-mot avoir dit ne pas aimer les riches. C'était pourtant lors de cette émission face à MAM. Cette sortie avait été utilisée à plusieurs reprises, en ajoutant qu'être riche pour Hollande c'est "gagner plus de 4000 euros par mois", ce qui n'avait jamais été précisé par Hollande. Celui-ci avait seulement souhaité en janvier 2007 augmenter la tranche de l'impôt sur le revenu pour une part supérieure à 4000 euros nets par mois, un argument détourné à plusieurs reprises par l'UMP.


Horaires de piscines réservés à des femmes musulmanes: Sarkozy a-t-il raison?


Des horaires de piscines étaient réservés à plusieurs catégories de femmes à Lille, des femmes en surpoids mais également enceintes ou âgées. Toutefois, au fur et à mesure, plusieurs femmes de confession musulmane se seraient glissées dans les cours réservées aux femmes en surpoids afin d'avoir un horaire réservé aux femmes. Pour l'UMP, un "petit détour" a été accordé, faisant ainsi entorse au principe de laïcité. Notons par ailleurs que ce type de demande a été formulée par d'autres communautés dans d'autres municipalités.


La France, championne européenne des impôts? Sarkozy se trompe


Le Président a affirmé que la France est la championne européenne des impôts avec la Suède. En fait, la France n'arrive qu'en septième place dans l'Union européenne, derrière la Suède, le Danemark, la Belgique, l'Italie, la Finlande et l'Autriche.