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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Mois de l'économie sociale et solidaire

mardi 26 novembre 2013

L'emploi dans les secteurs marchands continue de reculer au troisième trimestre. Globalement, l'INSEE note un recul de 0,7% de l'emploi surl'année en France.De grandes entreprises annoncent en chaîne des suppressions d'emploi à venir: EADS pourrait supprimer 8000 postes en Europe, Alstom en évoque 1200 dans les prochains mois, La Redoute prévoit la suppression d'au moins 700 postes... pas un jour ne passe sans que nous ayons vent d'un nouveau plan de licenciement.

Face aux difficultés de l'économie française, « l'économie sociale et solidaire » se développe et se structure. En mai 2012, pour la première fois, un ministre délégué à l'économie sociale et solidaire (ESS), Benoît Hamon, a été nommé, avec pour objectif de développer une économie qui bénéficie à tous. Ce mois de Novembre est le mois de l'ESS, c'est ainsi l'occasion de mettre un coup de projecteur sur une économie dynamique qui place la coopération et le partage au coeur de son fonctionnement. L'ESS propose une autre manière d'entreprendre basée sur une gouvernance collective.

« Un arbre qui tombe fait moins de bruit qu'une forêt qui pousse » (proverbe indien)

«L'ESS rassemble les organisations ou entreprises sous statuts d'associations (78,2%), coopératives (13,2%), mutuelles (5,6%), et fondations (3,1%) : elles se définissent comme des groupements de personnes et non de capitaux, porteuses d’un projet collectif. Elles mettent en œuvre des projets innovants qui concilient intérêt collectif et activités économiques, et qui répondent aux besoins des populations et des territoires. » C'est ainsi que l'Observatoire nationale de l'ESS définit l'économie sociale et solidaire dans sa lettre d'octobre 2013.

Selon une enquête du CNCRES, en 2012, l'ESS représente 10% des emplois en France, et 14% des emplois privés pour un total de 2,34 millions de salariés. L'ESS n'est plus à la marge mais fait pleinement partie du paysage économique français. Le nombre d'emplois dans l'économie sociale et solidaire a connu une croissance régulière de 2% par an depuis 2008. L'ESS crée des emplois là où le reste de l'économie peine à conserver ses emplois prouvant une réelle capacité de résistance à la crise.

L'ESS laisse entrevoir des perspectives de développement intéressantes, notamment pour les jeunes. En effet, avec  les départs massifs à la retraite de salariés, c'est plus de 600 000 postes qui seront libérés d’ici 2020. 43% des employeurs de l’ESS vont recruter des jeunes dans les 5 ans à venir. L'avenir est peut être de ce côté là. 

Droite-gauche, quel clivage de valeurs?

mardi 19 novembre 2013






Voilà un tweet qui relance le SES bashing. Essayons de dépasser la polémique et de comprendre les enjeux de l'enseignement des sciences sociales. Ce que l'on voit dans le tweet c'est un manuel scolaire de terminale ES qui utilise un extrait de l'ouvrage de Jamine Massuz-Lavau, L'argent et nous, publié en 2007. Le programme de sciences sociales et politiques (cours de spécialité) invite les élèves à s'interrogersur le clivage gauche-droite et son influence sur les comportements etattitudes politiques. 

La culture politique des individus est le fruit d'expériences socialisatrices et renvoie à l'orientation psycho-sociologique vis-à-vis de la vie politique. La formation d'un « habitus politique » trouve ainsi son origine dans la socialisation primaire et la famille y joue un rôle important dès lors que les deux parents ont la même orientation politique. Le contexte historique, économique et sociale joue également un grand rôle dans la construction d'une culture politique. 

Ainsi, les individus qui se déclarent « être de gauche » ou « de droite », le font au regard d'un système de valeurs.L'extrait choisi par ce manuel vise donc à comprendre si le rapport à l'argent est un élément de clivage de la culture politique des individus. On peut reprocher au manuel de ne pas présenter la méthode utilisée pour l'enquête. Mobilisés ainsi, les témoignages d'individus font très « café du commerce ».

Janine Mossuz-Lavau, politologue au Cevipof, a effectué une enquête sur deux ans auprès de 105 personnes. Ces histoires de vie sont le fruit d'entretiens compréhensifs qui visent à comprendre les actions sociales des individus. Janine Mossuz-Lavau s'inscrit ainsi dans la tradition wéberienne de la sociologie compréhensive, et cherche à travers ces entretiens à construire des idéaux-types. L'idéal-type est un concept défini par Max Weber qui consiste à repérer les principales caractéristiques d'un phénomène sociale. L'enjeu n'est pas de rendre compte de manière exhaustive du réel mais plutôt d'établir un« tableau » permettant de penser le réel, de le confronter au modèle. 
  
Les témoignages présents dans ce manuel sont donc le résultat d'un travail de recherche en sciences politiques. Même si les clivages gauche-droite sont moins présents que par le passé, les personnes interrogées ont accepté de se positionner. Cet ouvrage nous apprend ainsi que l'identité politique de droite se construit autour du goût pour l'argent, du mérite individuel, du refus de l'assistanat et de la remise en cause de l'Etat-providence. A l'inverse, l'identité politique de gauche se développe sur le refus du culte de l'argent et sur l'adhésion aux valeurs solidaires.

Le Cevipof propose un test en ligne quipermet de se positionner politiquement. L'intérêt de ce site est de comprendre où se situent les principaux éléments de clivage à travers des questions portant sur l'économie et le social, sur les manières de vivre, sur l'identité et la sécurité. Testez-vous mais n'oubliez pas que ce classement n'est que le reflet de positionnement moyen chez des gens classés à gauche, ou classés à droite!


Un typhon, des négociations et des actes?

lundi 18 novembre 2013



Alors qu'en France des « bretons aux bonnets rouges » font pression sur le gouvernement pour empêcher la mise en place de l'écotaxe, les négociations sur le climat ont repris à Varsovie la semaine dernière. Les délégués d'environ 200 pays s'y rassemblent pour la 19ème conférence de l'ONU sur le climat (COP19). L'enjeu est de préparer un accord sur la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre pour la COP21 qui aura lieu à Paris en 2015.

Dans le même temps, l'actualité est secouée par le typhon qui a renversé lesPhilippines. Bien qu'aucun lien ne soit scientifiquement avéré, il est difficile de ne pas relier la multiplication des catastrophes naturelles extrêmes au dérèglement climatique en cours. C'est bien ce lien qui incite Maximes Combes, l'un des auteurs du livre La nature n'a pas de prix publié l'an dernier, à se demander si la France, qui peine à organiser sa transition écologique, ne devrait pas abandonner l'organisation de la conférence sur le climat de 2015 au profit des Philippines. 

La démonstration scientifique de la responsabilité humaine et industrielle du changement climatique n’est plus à faire. La recherche perpétuelle d’une croissance économique élevée oblige nos sociétés à produire toujours plus. Plus de vingt ans après le rapport Brundtland, l’état de santé de l’environnement mondial présente un bilan alarmant. D'après le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, dans son rapport sur l’avenir de l’environnement mondial, publié à l’occasion du sommet de la Terre Rio + 20 (2012), tous les indicateurs environnementaux sont dans le rouge: autant au niveau de l’atmosphère avec le réchauffement climatique, de l’eau avec les problèmes de pollution des nappes phréatiques et d’approvisionnement, ou encore de la biodiversité avec une extinction importante d’espèces. Ces dégradations s’expliquent en grande partie par le volume des activités économiques.

Les activités de production et celles de consommation s’accompagnent d’un certains nombres d’effets externes négatifs sur l’environnement. Si la population mondiale a augmenté, les modes de vie ont évolué et apparaissent de moins en moins adaptés à notre environnement. Le parc automobile par exemple a doublé ces vingt dernières années, on compte désormais 800 millions de voitures sur Terre en 2005. D’après le géographe canadien Jules Dufour, le nombre de kilomètres parcouru par l’aviation civile a augmenté de 76% entre 1990 et 2000, lorsque le tonnage maritime a doublé sur cette période. Ces modes de transport sont particulièrement consommateurs d’énergies fossiles et émetteurs de gaz à effet de serre (GES). L'augmentation du PIB reste le principal vecteur d’augmentation des émissions de GES. Ainsi depuis 1970, le PIB mondial a été multiplié par 3 et les émissions de GES ont doublé sur cette période.


L’empreinte écologique, indicateur de soutenabilité écologique, mis au point par William Rees et Mathis Wackernagel, montre bien le lien entre PIB et dégradation de l’environnement. On observe une corrélation positive entre le PIB/habitant et le niveau de l’empreinte écologique. Ainsi les Etats-Unis ont une empreinte écologique de 4,6 contre 0,3 pour le Congo, lorsque l’empreinte écologique moyenne mondiale est de 1,5. Cela signifie que si tous les habitants de la Terre vivaient comme un américain moyen, il faudrait 4,6 planètes pour satisfaire tous nos besoins.

Un changement de modèle est nécessaire. Si comme le souligne l’intellectuel allemand Harald Welzer, issu de la mouvance écologiste, le capitalisme et la quête de croissance des sociétés occidentales ont favorisé l’émergence de normes très élevées, liberté, droit, démocratie, ce développement s’est fait au détriment de l’environnement. Au delà de la question de la croissance et du modèle économique, il convient de s’interroger sur les manières d’inventer une société qui puisse conserver l’ambition du progrès social, tout en réduisant l’impact de l’humanité sur l’environnement.

Cela n'est pas aussi simple, comme  nous l'analysions l'an dernier sur le blog dans un article intitulé: "Les négociations climatiques: un sujet chaud !", le jeu géopolitique est particulièrement complexe, le dilemme des négociations climatiques à travers le principe de « responsabilité commune mais différenciée » est qu'il faut tenir compte du passé sans négliger pour autant l’avenir. Si les gros émetteurs du passé (et du présent) sont bien l’Europe et les Etats-Unis, le poids de plus en plus important de la Chine et l’Inde (les gros émetteurs de GES  du futur) dans le bilan carbone mondiale doit être intégré dans les négociations climatiques.

C'est cette complexité qui est mise en scène dans le documentaire « Climat: pas d'alternative, il faut rejouer Copenhague ». A travers un jeu de rôle grandeur nature organisé avec les étudiants de Sciences Po et piloté notamment par Sebastien Treyer et Grégory Quenet, on y comprend les difficultés que comporte la négociation d'un bien commun mondial en l'absence d'une véritable gouvernance mondiale. Il apparaît urgent de réformer «ces grandes messes Onusiennes ». Alors, à quand une Organisation Mondiale de l'Environnement?

L'impact des catastrophes naturelles sur la croissance et les inégalités locales

mardi 12 novembre 2013


Alors que le cyclone Haiyan vient de tristement frapper les Philippines, je me suis rappelé de deux articles très intéressants de Yanos Zylberberg sur l'impact des catastrophes naturelles sur la croissance et les inégalités. Le premier article - "Natural Disasters and Economic Disruption" - estime à partir d'une base de données mondiale allant de 1960 à 2006 que les catastrophes naturelles coûtent en moyenne 1% du PIB national et ralentissent la croissance d'environ 0,5 points, ce qui est plus lourd que les estimations généralement données. Dans un autre article, Yanos analyse l'impact des catastrophes naturelles sur les inégalités et la destruction du lien social qui peut en résulter. A partir de données sur le Vietnam, il montre que la compensation versée aux ménages affectés par le désastre est négativement corrélée i) à la taille de la population affectée et ii) au fait d'appartenir à une minorité ethnique au niveau local. Une catastrophe naturelle peut donc entraîner une destruction forte des liens communautaires. Les populations les plus touchées par les typhons sont néanmoins celles qui ont les mécanismes de redistribution les plus performants.

France Bashing

lundi 11 novembre 2013


Suite à la dégradation de la signature française, les titres de dette français sont désormais noté AA+ et non AAA par Standard & Poor's et Fitch, le Nobel d'économie Paul Krugman a vivement réagi sur son blog. Pour l'économiste, les agences de notation ont sanctionné la France uniquement pour l'incapacité du gouvernement à démanteler l'Etat-Providence

Dans son post de blog, Krugman regarde les fondamentaux de l'économie française ces dernières années, notamment au regard de l'Allemagne et il apparaît que l'inflation est basse, que le déficit commercial est malgré tout relativement bas (actuellement -2% du PIB en France mais +6% en Allemagne) et surtout que l'écart (le "spread") entre les taux d'intérêt des obligations à 10 ans françaises et allemandes est de 0,7 points en faveur de la France. Traduction: les titres de dette français sont mieux rémunérés que les titres de dette allemands pour un niveau de risque qui n'est pas très différent. Dans un précédent post, Krugman comparait le niveau de la dette publique et l'évolution du revenu par tête en France et au Royaume-Uni, un pays plus libéral et qui n'est pas dans la zone euro. Le Royaume-Uni avait une dette représentant 40% du PIB en 2007 contre 60% en France, les deux pays sont aujourd'hui au même niveau, autour de 90%. Le PIB par tête de la France a chuté de 3 points entre 2007 et aujourd'hui mais il a chuté de 6 points au Royaume-Uni. La France ne s'en tire donc pas si mal. 

Nous avions déjà dénoncé sur le blog les méthodes des agences de notations, notamment au regard de la dégradation de la note américaine en 2011. La notation ne se base sur rien de plus que des statistiques publiques et éventuellement sur quelques échanges avec les experts des institutions internationales : aucun expert des agences de notation n'audite réellement les comptes de l'Etat français. Leur note n'est qu'un jugement biaisé et idéologique sur la politique menée par un gouvernement et non un regard objectif sur la gestion des finances publiques. Disons-le simplement : couper les allocations chômage et privatiser le système de santé permettraient à la France de regagner un cran ; idem pour la diminution des impôts (en particulier sur les plus riches ?). Pour beaucoup de commentateurs, c'est d'ailleurs le ras-le-bol fiscal relayé par la presse et pointé du doigt par la Commission européenne qui justifie cette dégradation. 

Qu'il y ait ras-le-bol est naturel, personne n'aime payer des impôts et personne ne supporte payer plus d'impôts que l'année d'avant en ayant exactement les mêmes revenus. Pourtant, ni les agences de notation, ni aucune autre institution directement élue et non responsable devant les citoyens, ne peut déterminer ce que doit être le bon niveau d'impôts ou la taille idéale de la dépense publique. En période de crise, l'augmentation des impôts et le maintien de la dépense publique semble même être le meilleur moyen de résorber les déficits sans trop pénaliser la croissance, comme le souligne une note récente du FMI. Lors de la terrible crise des années 1930, le Président américain Roosevelt avait d'ailleurs imposé à ses citoyens une sévère augmentation des impôts et un programme d'investissements publics. Le gouvernement français a choisi cette alternative en finançant une grande partie de la diminution du déficit par des hausses d'impôts.

Ce qui est moins clair, c'est la stratégie du gouvernement qui consiste à diminuer le déficit public au plus vite car ce qui compte n'est pas seulement l'amplitude de l'ajustement mais sa vitesse. Politiquement, cela consiste à augmenter les impôts dans un premier temps et à supprimer certaines dépenses un peu arbitrairement dans les deux cas (mais c'est pratique car on sait combien on obtient), ce qui pénalise le revenu par tête sur deux ou trois années, avant une éventuelle reprise de l'activité. De mon point de vue, le poids de la dépense publique ou le niveau des impôts ne sont pas de véritables freins à l'activité économique, tout comme le coût du travail n'est pas un frein à l'emploi. Ce qui nuit à la compétitivité française, c'est le manque de personnes dans l'emploi et le niveau de richesses que chaque individu produit et cela devrait entraîner à mon sens une réforme vers une plus grande flexibilité du marché du travail et la déréglementation de certains secteurs.