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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Afficher les calories pour lutter contre l'obésité?

mardi 29 juin 2010
Dans un article publié il y a tout juste un mois, je revenais sur l’augmentation de l’obésité et ses coûts économiques. Une surtaxe sur la « junk food » me semblait être le seul moyen de limiter les effets négatifs de l’obésité aussi bien pour les individus qui en sont victimes (coût privé) que pour la société dans son ensemble (coût social).

La débat taxe contre réglementation est un des plus anciens en économie. Si une taxe semble évidemment forte pour modifier les incitations à consommer des produits très caloriques, la réglementation – ici, l’affichage obligatoire des calories – peut être également à l'origine d'une diminution de la consommation de malbouffe par personne.

En 2008, l’Etat de New-York aux Etats-Unis a mis en place une réglementation obligeant les grandes chaines de restaurants à afficher le nombre de calories sur les menus. Quel peut être l’impact sur les choix effectués au sein des fast-foods? A première vue, un surcroît d’information sur les calories devrait inciter les consommateurs à choisir des plats plus équilibrés. Mais d’un autre côté, les consommateurs de la restauration rapide s’intéressent à la facilité, au prix et au goût plus qu’au nombre de calories avalées. Au final, l’information n’aurait d’importance que pour ceux qui s’intéressent au nombre de calories qu’ils absorbent. Par ailleurs, nombre de consommateurs seraient surpris d’apprendre qu’une salade de McDonald contient autant de sucres (à cause de la sauce) qu’un Big Mac: pour ceux-ci, le déficit d'information pourrait même entraîner une sur-consommation de produits caloriques au détriment d'aliments sains. L’effet demande est donc incertain.

Une étude récente menée sur les restaurants Starbucks de New York, Boston et Philadelphie – impliquant environ 1 million de transaction sur une année - évalue les effets de cette réglementation sur la consommation totale de calories. L’affichage obligatoire des calories a réduit la consommation totale de calories de 6%. Si la consommation de boisson « caloriques » a été peu affectée par l’affichage obligatoire des calories, le nombre moyen de calories par transaction de nourriture a diminué de 14%. A priori, les consommateurs sont donc conscients des effets négatifs d'un surplus de calories.

Peut-être plus fondamental, les magasins Starbucks localisés à proximité d’un Dunkin Donuts (dans un périmètre de 100 mètres) ont réalisé une augmentation de leurs profits de 3%. Il y a donc un effet substitution de la demande de nourriture entre Dunkin Donuts et Starbucks. Bien évidemment, cet effet « concurrence » ne tient que si toutes les châines de fast-food sont obligées d’afficher la teneur en calories de leurs aliments.

Par ailleurs, le cas Starbucks est particulièrement révélateur des différences informationnelles qui existent entre consommateurs. Alors que les Starbucks sont essentiellement localisés dans des aires urbaines et que leurs clients sont éduqués, les restaurants McDonald sont par exemple très présents dans les zones rurales ou périurbaines et leurs clients sont a priori moins informés, ou tout simplement moins intéressés aux dangers de l’obésité. Cet argument fort est à l'origine du report de l’entrée de McDonald sur des produits de la gamme Starbucks, comme les Moccas et Frappés. L’affichage des calories peut en ce sens encore plus accroître les inégalités face à la santé.

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Monnaie et vices sur Pandora

lundi 21 juin 2010
En dépit des prouesses techniques de James Cameron, Avatar souffre d’un scénario simpliste – un humain en infiltration chez des indigènes extra-terrestres finit par défendre leur cause, ici la défense de leurs ressources naturelles, et se révèle être «l’élu» de leur peuple.

Plus que l’histoire en elle-même, ce sont les hypothèses du scénario qui dérangent :
i)la nature est généreuse et les communautés vivent en harmonie, il n’y a pas d’échanges – la nature donne tout – et pas de système monétaire dans leur économie. Conséquence : les indigènes sont incorruptibles car leurs ressources naturelles n’ont pas de valeur d’échange ;
ii)le mélange et la confrontation avec l’être humain ne les a pas corrompus, c'est-à-dire qu’ils n’envient pas le mode de vie humain, et n’adoptent pas ses usages et ses coutumes. Conséquence : les indigènes adhèrent tous à leur mode de vie, sans dissonances internes.

Dans les faits, les communautés indigènes humaines encore coupées de l’urbanisation et du mode de vie globalisant ont i) ont un mode de vie qui de fait a été modifié par l’urbanisation et le contact avec l’autre et ont été affectés par l’existence ; ii) un problème de rétention de leurs jeunes qui préfèrent souvent le mode de vie des villes.

La mise en place d’un système monétaire sur Pandora aurait plusieurs conséquences. D’abord la possibilité de trouver un arrangement monétaire avec les humains sur la valeur de leurs ressources, par la mise en place d’un système de prix. Ensuite, la fin de l’altruisme naturel des Na’vis : des services seraient facturés, du tourisme à la prostitution. Enfin, les échanges et une division du travail seraient renforcés à l’intérieur de chaque et entre les différentes communautés Na’vis. En bref, l’introduction d’une monnaie aurait totalement bouleversé la structure sociale de Pandora.

Un jeune chercheur de Yale, Keith Chan, a récemment tenté l’expérience de l’introduction d’une monnaie (ici des boules de différentes couleurs pour une valeur différente) chez les capucins, qui sont un peuple bien moins éduqué que les Na’vis. C’est avec surprise que les singes ont appris à utiliser la monnaie et à comprendre les coûts relatifs de différents types de biens alimentaires. L’équipe de chercheurs de Chen a même été témoin d’un acte de prostitution animale : un singe a formellement échangé un rapport sexuel avec un autre contre une « boule » de monnaie. Adam Smith avait tort quand il disait en 1776 que « personne ne verra jamais un chien échanger sur la base de l'accord et du volontariat son os contre l'os d'un autre chien ».

Mais la prostitution n’était peut-être pas le pire à venir. Le vol devint également fréquent dans la communauté de capucins. Un capucin a même tenté de voler le stock de monnaie de la communauté de chercheurs et de le cacher dans sa cage ; une forme de « hold-up » animal.

Cette expérience a été brusquement interrompue, les chercheurs ayant eu peur que la modification de la structure sociale de la communauté capucine ne soit irréversible. Il est à ce titre intéressant de relire les écrits de Shakespeare dans Timon d’Athènes (1607-1608) ou de Marx dans ses Manuscrits de 1844 sur la monnaie comme corruption de l’homme.

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Méfiez vous des avocats trop confiants! par Aymeric François

mercredi 16 juin 2010
«Le trop de confiance attire le danger » déclarait Corneille dans la page de garde de son œuvre, Le Cid (1636). C’est cette citation qu’il vous faudra avoir en tête la prochaine fois que vous entendrez les prévisions optimistes de votre avocat.

En effet, une récente étude menée par des universitaires met en exergue le décalage qui existe entre l’issue d’une affaire telle qu’estimée par un avocat et son issue réelle. Afin de réaliser cette étude, 471 avocats ont estimé leurs chances de succès dans une affaire en cours, puis cette estimation a, par la suite, été comparée avec l’issue finale du litige.

Les résultats de l’étude, parus dans Psychology, Public Policy and Law, sont éloquents. Dans l’immense majorité des cas, les avocats font preuve d’un excès d’optimisme sur le dénouement de l’affaire qu’ils défendent. Ils commettent des erreurs de jugement substantielles révélatrices de partialité en leur faveur. De façon surprenante, l’étude révèle que les avocats les plus expérimentés ne sont pas plus prudents que leurs jeunes confrères lorsqu’il s’agit de prédire l’issue d’une affaire.

Un groupe au sein des avocats fait malgré tout figure d’exception : les femmes. L’étude souligne que celles-ci ont tendance à être moins sensibles à l’excès de confiance que les hommes. Elles parviennent généralement à estimer leurs chances de succès avec plus de neutralité.

The Chronicle of Higher Education, qui reprend les résultats de cette étude, s’interroge sur les effets de cet excès d’optimisme. Même si une affaire qui paraît gagnée pourra justifier plus aisément des honoraires élevés, la confiance exacerbée de l’avocat ne peut qu’augmenter la déception du client lorsque le dénouement de l’affaire n’est pas celui espéré. Il est permis de douter sur le fait que les bénéfices engendrés par l’excès de confiance l’emportent sur ses coûts.

En élargissant le débat, le site Internet fait le lien avec une ancienne étude qui établissait que « la volonté que possède les gens de s’engager dans des batailles coûteuses (poursuites judiciaires, actions militaires ou autres) serait moindre s’ils avaient une estimation plus réaliste de leurs chances de succès ».

Concernant les « batailles coûteuses », le blog Que Disent les Economistes? souligne, dans un post publié le 18 avril 2010, que les entrepreneurs sont également touchés par ce biais d’excès de confiance. Le blog fait référence à un document de travail de 2005: les entrepreneurs pensent qu’ils ont environ 70% de chance de réussir en créant leur entreprise alors qu’à l’époque de l’étude, 66% des entreprises nouvellement fondées mettaient la clef sous la porte en quelques mois. Autrement dit, la confiance en soi est moins source de réussite que de motivation.

Méfiance envers la confiance donc!

La réforme des retraites nous incitera-t-elle à avoir plus d’enfants ?

lundi 14 juin 2010
Dans les sociétés industrialisées, les couples tendent à avoir moins d’enfants qu’auparavant. En 1950, seulement 0.4% de la population mondiale vivait dans une région géographique dans laquelle le taux de fécondité était inférieur au taux de remplacement de la population, soit 2,1 enfants par femme. Aujourd’hui, c’est 43% de la population mondiale qui vit dans une telle zone géographique. Selon l’ONU, en 2050, 80% de la population mondiale vivra dans une zone géographique où le taux de fécondité est inférieur au taux de remplacement. Comment expliquer cette tendance ?

Le modèle économique « moderne » de la famille (Becker et Barro, 1988) met l’accent sur l’altruisme. Les enfants sont un bien de consommation : ils coûtent mais ils procurent un bien-être. Des théories plus anciennes (Leibenstein, 1957 ; Caldwell, 1978 et 1982) considèrent l’enfant comme un investissement, le retour étant un transfert monétaire ou nature lors des années de vieillesse. Dans ce cas, diminuer les pensions de retraites, ou bien créer des incertitudes quant à la capacité à pouvoir bénéficier de sa retraire peuvent influencer la fécondité.

Un papier récent de Billari et Galasso (2010) testent l’impact des réformes du système de retraite italien sur la fécondité. Les modifications du système de pensions italien ont entraîné des modifications des taux de remplacement pour les cotisants. Les individus qui ont connu des diminutions de leurs pensions ont des taux de fécondité significativement plus élevés (+10%) que ceux qui ne sont pas touchés par la réforme.

Les résultats des auteurs me permettent de me réapproprier deux choses. D’abord, le développement économique s’accompagne de systèmes de protection sociale qui permettent d’expliquer la diminution de la fécondité dans les pays en développement, peut-être plus que l'augmentation de l'emploi des femmes. Ensuite, les taux de fécondité des pays européens ayant une structure familiale traditionaliste, comprenez les pays du sud de l’Europe, devraient être plus sensibles à des modifications des systèmes de retraite.

En France, la réforme des retraites entraîne une incertitude i) sur la capacité à obtenir une retraite pleine et ii) sur le temps de cotisation nécessaire pour avoir une retraite pleine. Ces incertitudes ou le passage à un système de retraite « à la carte » pourraient inciter les femmes françaises à avoir le troisième enfant qu’elles désirent mais qu’elles ne font pas en raison des coûts économiques que cela engendre (TNS Sofres, 2005).

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Vider les prisons pour renflouer les caisses de l’Etat

mercredi 9 juin 2010
Le coût administratif de l’emprisonnement est-il supérieur au coût social qui résulte de la liberté d’un criminel ? Une étude de Levitt (1996) met en avant l’efficacité marginale de l’emprisonnement pour le bien être social : un criminel de plus derrière les barreaux, c’est quinze délits en moins. Compte tenu du coût des prisons, les économistes ont cherché à trouver des moyens moins onéreux pour prévenir la criminalité. Lochner et Moretti (2004) étudient l’impact de l’éducation dans la jeune enfance sur la criminalité. Ils montrent qu’une augmentation de 1% de l’équivalent américain du baccalauréat pour tous les hommes de 20-60 ans pourrait entraîner une économie de 1,4 milliards d’euros pour les Etats-Unis sous la forme de réduction des coûts liés aux délits.

Peut-on limiter la récidive ? Katz, Levitt et Shustorovich (2003) montraient – à partir de données sur les prisons fédérales américaines entre 1950 et 1990 que les conditions de détention les plus dures – mesurées comme le plus grand ratio de meurtres par détenu à l’intérieur de la prison - entrainaient une moindre récidive. A l’inverse, Chen et Shapiro (2004) font une estimation de l’impact de la cohabitation entre détenus « dangereux » et détenus « un peu moins dangereux » - ceux qui ont des contraintes d’isolement moindres - dans les quartiers de haute sécurité. Des conditions plus difficiles de détention pour les plus dangereux se traduisaient par des taux de récidives de 10 à 15% plus importants à la sortie. Des prisons plus humaines entraînent donc des rues moins dangereuses.

La France compte plus de 60.000 détenus répartis sur environ 50.000 places en prison. Un détenu coûte chaque année près de 38.000 euros, soit 45.000 euros la place de prison. La population carcérale a doublé lors des trente dernières années alors que la population française n’a augmenté que de 20% sur la même période. Le budget des prisons est supérieur à 1,5 milliard d’euros. Aux Etats-Unis, on compte plus de 2 millions de détenus pour des dépenses totales de 40 milliards de dollars. Face à l’augmentation de la population carcérale, les Etats-Unis ont eu recours à des modes de gestion privée de leurs cellules.

Un récent rapport du Center for economic and policy research intitulé "The high budgetary cost of incarceration" propose de diminuer par deux la population carcérale emprisonnée pour des délits mineurs du type possession de drogue. En effet, l’augmentation rapide du nombre de détenus aux Etats-Unis s’explique essentiellement par des changements de législation, le nombre de crimes violents ou de vols restant stables comme le montre le graphique suivant.



L’économie serait évaluée à 17 milliards de dollars, soit un centième du déficit budgétaire américain pour l’année en cours. En ces temps d’austérité budgétaire, il faut bien aller chercher l’argent là où on peut, quitte à faire une révision générale de nos valeurs morales.

Jérôme Kerviel : vérité générale ? par Halim Madi

mardi 8 juin 2010
Le 26 février 1995, la prestigieuse banque Barings de sa majesté la Reine est déclarée insolvable. Dans un hôtel à Kuala Lumpur en Malaisie, un des employés de la banque, Nick Leeson, lit le gros titre du Wall Street Journal : « Banque anglaise majeure coule ». Sa première réaction est : « quelqu’un a de plus gros problèmes que moi ». Il ne se rend pas compte que c’est la banque dans laquelle il travaille qui fait les gros titres et qu’il est seul responsable de sa faillite.

La mésaventure de Barings du fait des opérations de Leeson en Asie a été le début d’une réforme des salles de marché des banques : interdiction du trading sans supervision et du cumul des rôles opérationnels et de contrôle; renforcement des obligations de transparence. En janvier 2008, une perte de 4,9 milliards d’euros de la Société Générale due à un seul de ses opérateurs de marché prouve que la leçon Leeson n’a pas été saisie. Deux questions retentissent aujourd’hui dans cette affaire. L’une en faveur de l’ex-trader, l’autre en faveur de sa banque.

D’un côté, la défense de Kerviel - assurée par l’excellent Olivier Metzner - tient du bon sens. Si le débouclage des positions de M. Kerviel, pour 50 milliards de dollars, s’était soldé par des gains, la Société Générale aurait-elle jamais porté plainte ? D’ailleurs comment la Société Générale qui avait développé des contrôles très fins pouvait-elle ignorer qu’un trader ne respectait pas les plafonds en termes de sommes aussi bien qu’en nombre d’échanges ?

En face, la position de la banque, assurée par un autre ténor – Jean Veil - tient en trois volets. Si la banque était consciente des fraudes ou qu’elle y incitait, pourquoi tous les traders de la Société Générale ne font-ils pas ce qu’a fait Jérôme Kerviel? Pourquoi une banque aux profits records aurait-elle pris autant de risques? Enfin, comment ne pourrait-on pas se laisser berner par un délinquant mythomane qui produisait des faux ?

Le système a-t-il depuis changé pour empêcher ce genre de tricheries? Des changements récents ont eu lieu: les bonus des maestros des marchés ont été orientés dans le sens d’une incitation à la performance de long-terme au sein des banques; ils sont marginalement plus taxés par intervention du législateur (le cadeau d’adieu de Gordon Brown en Grande-Bretagne); leurs ordres sont contrôlés plus scrupuleusement désormais tandis que des lois sont mises en place pour mieux réguler le système. Il n’empêche que le système reste toujours orienté dans la même direction : l’appât du gain pour les uns, la redistribution des dividendes pour les autres. Pour ce faire, il faudra peut être encore plus prendre de risque pour les traders, tandis que les banques devront augmenter leurs profits par d’autres voies, en mettant en avant les activités financières les plus rémunératrices. Kerviel, c’est donc moins le procès d'un système que le combat courant d’un Rastignac contre l’ordre établi.

Nick Leeson avait été condamné à six ans et demi de prison et £ 70 000 d'amende. Kerviel risque cinq ans de prison et 400 000 euros d’amende. Mais ce que l’un des opérateurs cachait dans un compte ambigu en Asie, l’autre le faisait aux côtés de tous ses collègues et supérieurs. Il s’en vantait même d’après certains témoignages. Un délit à découvert est toujours un délit. Mais la couverture d’un délit par des supérieurs implique la prise en compte du principe de hiérarchie et de responsabilité, qui doit s'appliquer équitablement à tous les acteurs. Que justice soit faite.

Récession et extrémisme politique

lundi 7 juin 2010
Les générations qui grandissent pendant des récessions ont-elles des croyances socio-économiques différentes de celles qui grandissent pendant des périodes de croissance importante ? Une étude récente de Giuliano et Spilimbergo mesure l’impact des chocs macroéconomiques durant les années de jeunesse aux réponses données quelques années plus tard dans le General Social Survey. Les résultats sont frappants : les individus qui grandissent en période de récession ont tendance à penser que la réussite dépend plus de la chance que de l’effort, sont en faveur d’une redistribution forte et font moins confiance aux institutions publiques.

Dans un papier récent, Bruckner et Gruner (2010) s'intéressent au lien entre croissance du revenu par tête et extrémisme politique à partir de données sur 16 pays de l’OCDE. Lorsque l’incertitude sur les revenus futurs augmente, des votants averses au risque, deviennent moins « timides » et sont susceptibles d’être séduits par des slogans extrémistes. Dans les faits, un revenu par tête élevé est négativement corrélé à un vote extrême. A l’inverse, une chute de revenu de 1% entraîne une augmentation de 1% des votes en faveur de l’extrême droite. Les pays les plus inégalitaires sont les moins sensibles aux changements de vote qui suivent les variations de revenus. En revanche, les pays ayant une distribution des revenus plus égalitaire, comme les pays scandinaves, sont très sensibles à l’effet « revenu » sur le vote extrémiste : une chute de 1% du revenu entraîne une augmentation des votes de 2% en faveur de l’extrême droite.

Aucune des deux études ne concluent à un retour à l’extrémisme politique des années 1930 suite à la grande dépression. Deux raisons à cela : i) la récession économique des trois dernières années est moins violente que celle des années 1930 ; ii) la démocratie des pays de l’OCDE est plus stable que celle des années 1930. Conséquence : les partis traditionnels tentent d’absorber les thèses extrémistes pour satisfaire l’électorat. L’augmentation des votes concerne essentiellement l’extrême droite et les partis nationalistes, au détriment du parti communiste ou de l’extrême gauche. Explication : le votant moyen estime qu’il ne profitera pas d’un surplus de redistribution si l’extrême gauche avait plus de pouvoir.

Les deux articles convergent dans leur thèse principale selon laquelle la démocratie libérale est mise à mal par la volatilité économique. Mais ils ne prévoient pas les mêmes conséquences : volonté de redistribution forte pour les premiers contre nationalisme fort pour les seconds. La première étude s’intéresse aux conséquences sur le long-terme des années de récession vécues dans la jeunesse tandis que la deuxième s’intéresse aux changements politiques spontanés qui suivent une récession. Dans les deux cas, la gestion de la crise actuelle cache des enjeux politiques qui dépassent le cadre purement économique.