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Monnaie et vices sur Pandora

lundi 21 juin 2010
En dépit des prouesses techniques de James Cameron, Avatar souffre d’un scénario simpliste – un humain en infiltration chez des indigènes extra-terrestres finit par défendre leur cause, ici la défense de leurs ressources naturelles, et se révèle être «l’élu» de leur peuple.

Plus que l’histoire en elle-même, ce sont les hypothèses du scénario qui dérangent :
i)la nature est généreuse et les communautés vivent en harmonie, il n’y a pas d’échanges – la nature donne tout – et pas de système monétaire dans leur économie. Conséquence : les indigènes sont incorruptibles car leurs ressources naturelles n’ont pas de valeur d’échange ;
ii)le mélange et la confrontation avec l’être humain ne les a pas corrompus, c'est-à-dire qu’ils n’envient pas le mode de vie humain, et n’adoptent pas ses usages et ses coutumes. Conséquence : les indigènes adhèrent tous à leur mode de vie, sans dissonances internes.

Dans les faits, les communautés indigènes humaines encore coupées de l’urbanisation et du mode de vie globalisant ont i) ont un mode de vie qui de fait a été modifié par l’urbanisation et le contact avec l’autre et ont été affectés par l’existence ; ii) un problème de rétention de leurs jeunes qui préfèrent souvent le mode de vie des villes.

La mise en place d’un système monétaire sur Pandora aurait plusieurs conséquences. D’abord la possibilité de trouver un arrangement monétaire avec les humains sur la valeur de leurs ressources, par la mise en place d’un système de prix. Ensuite, la fin de l’altruisme naturel des Na’vis : des services seraient facturés, du tourisme à la prostitution. Enfin, les échanges et une division du travail seraient renforcés à l’intérieur de chaque et entre les différentes communautés Na’vis. En bref, l’introduction d’une monnaie aurait totalement bouleversé la structure sociale de Pandora.

Un jeune chercheur de Yale, Keith Chan, a récemment tenté l’expérience de l’introduction d’une monnaie (ici des boules de différentes couleurs pour une valeur différente) chez les capucins, qui sont un peuple bien moins éduqué que les Na’vis. C’est avec surprise que les singes ont appris à utiliser la monnaie et à comprendre les coûts relatifs de différents types de biens alimentaires. L’équipe de chercheurs de Chen a même été témoin d’un acte de prostitution animale : un singe a formellement échangé un rapport sexuel avec un autre contre une « boule » de monnaie. Adam Smith avait tort quand il disait en 1776 que « personne ne verra jamais un chien échanger sur la base de l'accord et du volontariat son os contre l'os d'un autre chien ».

Mais la prostitution n’était peut-être pas le pire à venir. Le vol devint également fréquent dans la communauté de capucins. Un capucin a même tenté de voler le stock de monnaie de la communauté de chercheurs et de le cacher dans sa cage ; une forme de « hold-up » animal.

Cette expérience a été brusquement interrompue, les chercheurs ayant eu peur que la modification de la structure sociale de la communauté capucine ne soit irréversible. Il est à ce titre intéressant de relire les écrits de Shakespeare dans Timon d’Athènes (1607-1608) ou de Marx dans ses Manuscrits de 1844 sur la monnaie comme corruption de l’homme.

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3 commentaires:

Thomas a dit…

C'est fou !

Vous avez les références de l'article SVP ?

Thomas a dit…

Je viens de voir le lien qui répond à ma question (je pensais que c'était un lien vers l'article "capucin" de wikipedia).

L'image idéalisée du "bon sauvage" vivant en harmonie avec la nature me fatigue. A cete vision je préfère celle beaucoup plus amorale présentée dans le film Cannibal Holocaust.

Votre humble serviteur a dit…

Si vous souhaitez jeter un coup d'oeil à l'ensemble des travaux de Keith Chen:

http://www.som.yale.edu/faculty/keith.chen/

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