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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Une autre année pour Observatoire des idées

dimanche 18 décembre 2011
Observatoire des idées connaît sa deuxième fin d'année. Un bilan rapide de l'année 2011 s'impose. Les pages du blog ont été visionnées 55 000 fois, ce qui correspond à environ 38 000 visites. La page Observatoire des idées sur facebook a réuni plus de 1700 fans. Le compte twitter de l'éditeur du blog réunit 240 abonnés.

Les articles édités en 2011 les plus vus sont les suivants:

  1. Un indice pour prédire la prochaine révolution dans le monde arabe.
  2. Quelques propos "solidaires": réponse à Wauquiez, Copé et Daubresse.
  3. Combattre les contre-vérités en matière de dette publique.
  4. Comment faciliter l'accès à l'eau potable dans les pays en développement?
  5. La règle d'or des finances publiques: une idée trop simple pour être efficace.

Certains articles édités en 2010 ont connu un regain de succès:

  1. Discrimination positive pour les riches?
  2. Réforme des retraites: avantages et inconvénients.
  3. Être blonde, un avantage économique?

Si on regarde maintenant l'origine démographique de nos visiteurs, la France est massivement représentée mais suivent derrière les Etats-Unis, le Canada, la Belgique et le Royaume-Uni. La principale source directe de visites est essentiellement facebook mais twitter ramène de plus en plus de visiteurs. Google est à l'origine du quart des visites, ce qui prouve que nous sommes de mieux en mieux référencés.

Merci à nos lecteurs réguliers ou occasionnels et nous espérons convaincre de nombreux nouveaux lecteurs de nous suivre.

Protéger l'éducation des groupes de pression

vendredi 2 décembre 2011





L'enseignement de sciences économiques et sociales subit des attaques régulières de la part des milieux patronaux. Deux articles récents mettent en question cette discipline scolaire, et accusent plus particulièrement ceux qui l'enseignent de colporter une mauvaise image de l'entreprise auprès de la jeunesse.

Frédéric Lemaître,président d'une "société de gestion de base de données sensibles", dans une tribune publiée le 28 novembre 2011 sur le site d'actualité Atlantico, dénonce le fait que l'enseignement de l'économie au lycée ait une orientation dite "social" plutôt que "commercial" donnant ainsi une fausse image du monde de l'entreprise. Il propose ensuite rapidement d'initier les élèves et leurs professeurs à la Bourse.

Le deuxième article est encore plus problématique, car il montre la méconnaissance de certains députés des programmes scolaires. Cette note publiée sur une page internet des Echos, rédigée par Jean-Michel Fourgous (député des Yvelines) et Olivier Dassault (député de l'Oise) et co-signée par une dizaine de députés UMP (notamment les réacs Hervé Novelli, Lionnel Luca, Christian Vanneste...) développe l'idée que si les français ont un faible niveau en économie, c'est en partie à cause de l'école où l'économie serait abordée seulement en sciences économiques et sociales sous l'angle des problèmes de société (chômage, exclusion, mobilité sociale, etc.) donnant aux jeunes une vision pessimiste de l'entreprise et plus généralement du travail.

Les deux articles ont comme point commun d'être caricaturaux et reprennent un certain nombre de poncifs habituels contre l'enseignement de SES. Il s'agit clairement d'une attaque idéologique, du même niveau que les attaquent des organisations religieuses contre l'enseignement de la théorie des genres dans les programmes de science en première. Les deux textes sont pleins de représentation sur ce qu'est l'enseignement de sciences économiques et sociales en développant une argumentation assez éloignée de la réalité de notre discipline.

Petit rappel rapide sur l'enseignement de l'économie au lycée

Les sciences économiques et sociales correspondent à la discipline scolaire qui enseigne l'économie et la sociologie au lycée. Nous enseignons donc les savoirs produits par ces deux disciplines savantes.

Ainsi l'objectif de l'enseignement de SES dans une filière générale et surtout dans une école républicaine et laïque est de diffuser des savoirs dont la légitimité est assurée par leur validité dans leurs champs de référence.

Ces deux articles posent cependant différentes questions auxquelles je ne m'attarderai pas à répondre ici tant elles apparaissent absurdes:

- les contenus enseignés en économie doivent-ils chercher à donner une bonne image de telle ou telle organisation ou doivent-ils s'appuyer sur des faits avérés et des théories valides?
- les programmes scolaires doivent-ils être dictés par des organisations patronales, syndicales, ou religieuses ou bien doivent-ils être le fruit d'une transposition didactique, s'appuyant sur les savoirs issus des différentes disciplines de référence ?
- Est-il nécessaire d'avoir travailler en entreprise ou d'être détenteur d'actions pour enseigner l'économie au lycée? On pourrait alors se demander si le professeur d'histoire devrait avoir passé un mois dans les tranchées pour enseigner la Première Guerre mondiale?

Le niveau de ces deux articles ne méritent pas que l'on s'y attarde plus, ainsi pour ceux qui souhaiteraient avoir un point de vue plus objectif sur les contenus enseignés, je les invite à lire directement les programmes officiels ainsi qu'une note que nous avions rédigée avec Simon Porcher pour Terra Nova qui insistait déjà bien sur l'idée que les contenus enseignés doivent être préservés des groupes de pression quels qu'ils soient.

Qui a le mieux gouverné la France ces trente dernières années?

lundi 21 novembre 2011
Droite et gauche ont eu le pouvoir autant de temps ces trente dernières années. Alors que la majorité des Français pense que la droite est plus qualifiée pour réduire la dette publique, les faits montrent que si les deux partis ont une responsabilité partagée, la dette d'aujourd'hui est en grande partie héritée de la droite.

Un article à découvrir ici.

Une vidéo de 1994 dans laquelle Emmanuelli évoque l'augmentation de la dette publique entre 1993 et 1995:


    id="Visionneuse" width="525" height="400"     codebase="http://fpdownload.macromedia.com/get/flashplayer/current/swflash.cab">                                                        


Et une jolie gallerie photo à découvrir...









Grèce dans la zone euro: son maintien exige un changement de mentalités des politiques

vendredi 11 novembre 2011
Sans changement d'idéologie politique de la part des gouvernements européens, la Grèce est inéluctablement condamnée à sortir de la zone euro. Plus la sortie sera retardée, plus elle sera douloureuse.

Nul ne doute que la situation grecque est problématique : la dégradation de la santé financière de la Grèce ne peut trouver de solutions que par une diminution des dépenses publiques et une augmentation des exportations. En effet, la diminution de l’activité et les plans d’austérité ont complètement déprimé la demande interne, réduisant également les recettes fiscales.

Il y a trois solutions possibles au problème grec:
  • soit on diminue les prix et les salaires brutalement de 30%,
  • soit on efface ou on crée un consortium de remboursement de la dette grecque, ce qui permet d’éviter l’austérité,
  • soit on fait sortir la Grèce de la zone euro pour que celle-ci puisse dévaluer sa monnaie et réduire son déficit commercial, la Grèce exportant essentiellement vers d’autres pays de la zone euro.
Les dévaluations internes ont rarement été des succès puisqu’elles consistent souvent à défendre l’indéfendable : il s'agit de réduire les salaires et les prix de façon brutale. Depuis son entrée dans la zone euro, la Grèce a bénéficié d’une croissance soutenue par les nouvelles capacités d’emprunts que lui offrait la monnaie unique et a connu une augmentation rapide de ses coûts et de ses prix qui ont convergé vers les pays du centre de la zone euro. Une dévaluation interne consisterait donc à réaligner les coûts et les prix de la Grèce vers leurs niveaux réels c'est-à-dire leur niveau si la Grèce n’avait pas été dans la zone euro.

Deux pays de la périphérie de la zone euro y ont pourtant eu recours. La Lettonie a mené dès 2009 une diminution des salaires et des prix, contractant ainsi son PIB de 20% et connaissant une envolée du taux de chômage à 20%. L’Irlande a contracté sa demande intérieure de 15% par des réductions de salaire tout en refusant d’augmenter ses taux extrêmement bas d’impositions sur les sociétés. Sa compétitivité a été rétablie par la chute des importations. Ces pays ont toutefois un sens politique qui les pousse à accepter la dévaluation interne plutôt que toute autre solution. Côté letton, la volonté d’entrer dans la zone euro réside dans la nécessité d’une protection contre l’ennemi russe. Côté irlandais, la méfiance envers une ingérence de l’Europe les incite à s’automutiler pour maintenir des taux d’imposition bas.

La Grèce est en revanche dans une situation différente. La défiance envers les politiques est plus forte. Les syndicats du secteur public ont un grand pouvoir de nuisance et de blocage et ont combattu la réforme par des grèves et des manifestations qui ont retardé la levée de l’impôt. La sortie retardée et impromptue de la Grèce pourrait avoir des conséquences plus dramatiques que sa sortie programmée après le vote du référendum du 4 décembre 2011. Le risque actuel est tout simplement de voir le pays basculer dans la guerre civile. Si l’objectif est de satisfaire les marchés financiers, on se demande alors quelle pourrait être la réaction des agences de notation et l’évolution de l’euro…

La situation idéale, qui est laissée de côté par l'Europe, est d'effacer la totalité de la dette grecque. Il faut que les mesures d'austérité puissent être prises sans la contrainte du remboursement des intérêts de la dette et que la dépense publique soit assez forte pour financer la relance économique. L'autre solution est de monétiser les dettes de la Grèce : en finançant directement la dette par la Banque centrale européenne, on évite tout risque de défaut. Ces deux solutions sont, pour le moment, écartées : la lecture de la crise consiste toujours pour les pays européens à un conte moralisateur dans lequel les États non respectueux de règles budgétaires et de bon sens doivent payer... au risque de faire sombrer la zone euro dans son ensemble.

Les drôles de mesures du gouvernement

mardi 8 novembre 2011
Le deuxième plan d’austérité en deux mois annoncé par le gouvernement Fillon repose sur quatre mesures phares qui permettront d’économiser 8 milliards d’euros : le passage du taux bas de la TVA de 5,5% à 7% sauf pour les biens de nécessité, une accélération du passage de l’âge minimum de départ à la retraite à 62 ans pour les générations née entre 1952 et 1956 ; une taxe supplémentaire sur les entreprises ayant des profits supérieurs à 250 millions d’euros et une indexation de certaines prestations sociales sur la croissance et non sur l’inflation. Une cinquième mesure a bizarrement été évoquée par François Fillon hier invité du JT de TF1 : celle du gel des salaires des membres du gouvernement.


Les salaires des membres du gouvernement sont alignés sur ceux des fonctionnaires par décret. Or les salaires des fonctionnaires sont réévalués tous les ans en fonction du point d’indice, lui-même gelé depuis deux ans. Autrement dit, le Président, les ministres et les secrétaires d’Etat, ont normalement un salaire gelé en 2012 comme l’ensemble des fonctionnaires. L’annonce de M. Fillon est non seulement mensongère mais déplacée : de nombreux pays européens ont diminué le salaire de leurs ministres alors même que la France a augmenté de 140% le salaire du Président pour le faire converger vers celui du Premier Ministre. Drôle de stratégie de communication du gouvernement…

La stratégie du gouvernement a également épargné les retraités. Un simple alignement de la CSG des retraités sur celle des salariés comme le proposait Terra Nova aurait permis de dégager au moins 5 milliards d’euros par an. Le gouvernement a voulu ménager une des dernières parties de l’électorat qui lui est acquise. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) avait pourtant pointé dès 2009 la convergence du niveau de vie des retraités et des actifs, qui justifierait que les retraités participent un peu plus à l’effort national.

Crise de la zone euro: le suicide économique européen est reporté à plus tard

jeudi 27 octobre 2011
Cette semaine, les dirigeants européens auront encore une fois tout fait pour gagner du temps. A ce jeu, les pays européens ne sont pas les plus mauvais. En maintenant la Grèce artificiellement en vie, les dirigeants européens se sont protégés de la récession violente qui toucherait le continent et le monde en cas de faillite de l’Espagne ou de l’Italie. Les sommets européens et du G20 reposent essentiellement sur deux questions : quelles mesures nous permettront de repousser au plus loin le risque de désintégration ou de récession européenne ? Combien de temps peut-on gagner selon chaque mesure?
 
 
La priorité européenne : gagner du temps

Pour l’instant, les trois priorités du sommet européen sont les suivantes : la recapitalisation des banques nationales privées, l’élargissement du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et la restructuration de la dette grecque.
 
 
La recapitalisation des banques est acquise : les réserves des banques seront relevées à 9% de leurs fonds propres, ce qui les obligent soit à augmenter leur capital, soit à réduire les prêts accordés ou leur masse salariale. La première solution est évidemment la privilégiée. Toutefois, c’est la solution nationale qui est privilégiée : en clair, chaque Etat négocie directement avec ses banques pour trouver les moyens d’une recapitalisation publique ou privée. Il faudrait probablement recapitaliser les banques les plus importantes à l’échelle européenne et celles de pays qui risquent l’insolvabilité par une aide directe du FESF : toute extension du FESF serait alors mieux acceptée par les parlements nationaux qui pensent ne pas profiter directement de sa manne financière. L'augmentation de la puissance de feu du FESF a bien été garantie hier mais son financement n'est toujours pas garanti la Banque centrale européenne (BCE), aurait alors toute sa logique mais les pays européens sont soucieux de garder l’indépendance de la BCE.

Le dernier dossier est la restructuration d’une partie de la dette grecque: environ 50% de la dette détenue par le secteur privé (on laisse de côté la dette détenue par le FMI, le FESF ou la BCE) sera effacée. La coupe concernerait environ 100 milliards d’euros qui seraient partagés avec le secteur privé. Les modalités ont été négociées cette nuit: les banques effaceront 50% de la dette grecque de leurs actifs en échange de garanties de financement.

Combien de temps peut-on espérer gagner ?
Dans les couloirs européens, on estime que l’on gagnera avec ces mesures tout au plus douze mois. Il n’est donc pas impossible que la Grèce abandonne volontairement ou sous la contrainte la zone euro au premier semestre de l’année 2012.

L’effet pour la Grèce ne serait pas forcément négatif....Lire la suite sur le nouvelobs.com

Notation: piège à cons!

lundi 24 octobre 2011



Une agence de notation bien connue a indiqué lundi 17 octobre dernier qu'elle plaçait la France sous surveillance pour déterminer si la "perspective stable" qu'elle donne à la note financière de la France (AAA) n'allait pas être abaissée à "négative", première étape vers une possible dégradation de la note française. Alors que le Gouvernement se contente simplement de dire qu'il s'agit d'une mauvaise nouvelle, la consternante annonce de cette agence doit être dénoncée avec véhémence!

Raisons invoquées par l'agence: le niveau de la dette française évidemment, l'absence de crédibilité des mesures de redressement proposées par la France, mais surtout le possible soutien à d'autres pays de la zone euro comme la Grèce ou à ses propres banques. En d'autres termes, la France serait sanctionnée au moment même où elle s'apprête à résoudre, avec ses partenaires, la crise financière européenne que les agences de notation n'ont jamais vu venir!

Il est grand temps que le pouvoir de nuisance des agences de notation soit déjoué avant que que leurs dégâts pour l'économie ne soient irreversibles: de quel droit une agence de notation imposerait-elle leur conduite aux Etats dont les Gouvernements sont élus et responsables devant les citoyens? Quelle légitimité ont ces entitis irresponsables pour dicter aux Etats leurs politiques publiques? Aujourd'hui, la perspective de dégradation des notes financières des Etats conduit les Gouvernements de l'ensemble des pays de la zone euro à mener des politiques d'austérité!

Les agences de notation ne sont malheureusement pas à leur premier scandale: l'été dernier, une autre agence a dégradé la note financière des Etats-Unis au moment même où le congrès américain trouvait un compromis sur le plafond d'endettement du pays! Elle s'arrogerait donc le droit de légiférer à la place des représentants des nations? Il n'est pas acceptable que le destin de millions de citoyens soit déterminé par des agences de notation aussi inutiles qu'incompétentes: elles n'avaient pas prévu la crise des subprimes et ne le pouvaient pas parce qu'elles sont notoirement incompétentes!

Pourquoi taire ce que tout le monde dit tout bas: dans le domaine de la finance, les personnes les plus compétentes ne travaillent pas pour les agences de notation. Les meilleur étudiants, formés dans les prestigieuses écoles et universités, sont recrutés par les grandes banques, dont les activités sont elles aussi condamnables, alors que les agences de notation se contentent de recruter des seconds couteaux. Les agences chargées de noter les produits financiers sont donc peuplées d'incompétents dont personne n'a voulu ailleurs! Voilà la vérité! Et elles se permettent de noter les Etats et de les conduire à la ruine?! 

J'apprends que la Libye a proclamé hier sa libération. Attention! Nos célèbres agences de notation  sont bien capables de dégrader la note libyennes parce que la mort du colonel Khadafi fait peser un risque pour la stabilité de la dette de la Libye. Stakhanov plaisante quand il écrit cela: les agences de notation seront sérieuses lorsqu'elle le feront!

Nomination aux Golden Blog Awards

dimanche 23 octobre 2011
Depuis plusieurs semaines, un badge "Votez" aux Golden Blog Awards 2011 sur la droite de la page vous permet de voter directement pour Observatoire des idées.

Il ne reste plus que 24h pour voter ou revoter: donnez-nous toutes nos chances en cliquant ici si le coeur vous en dit ou en votant sur la droite de l'écran. Merci!


Famine à éradiquer

dimanche 16 octobre 2011
Il y a une semaine, nous fêtions tristement la journée mondiale de la faim. Alors que l'essentiel des enjeux liés à la famine mondiale avait été développé dans un article paru dans Le Monde en janvier dernier, il nous semble nécessaire de tirer encore une fois la sonnette d'alarme:

- certes, la famine est le plus souvent liée à l'absence d'Etat ou à la faillite de l'Etat comme en Somalie, et appelle les pays industrialisés à axer leurs programmes de développement sur la sécurité alimentaire;

- certes, les famines sont le fruit d'une mauvaise répartition des ressources alimentaires à l'échelle mondiale et aux aléas climatiques;

- mais les progrès sont faciles à réaliser: la mauvaise gestion des produits alimentaires dans les pays industrialisés nous amène à gâcher 30 à 40% de la nourriture en circulation (pour des raisons de péremption essentiellement) alors que les pays en développement gaspillent 40 à 45% de leurs ressources alimentaires par l'inexistence d'une industrie pouvant transformer et conserver les productions agricoles qui vont être ensuite vendues en supermarché.

Le développement actuel a été acquis à partir de la sécurité alimentaire qui a cantonné la famine au rang des raretés. Dans les pays en développement, il faut investir dans le maillon manquant de la chaîne de production. Dans les pays industrialisés, il faut renforcer la gestion des produits alimentaires. Deux sources d'innovations marginales qui peuvent changer le monde.

Prix Nobel d'économie: l'apport de Sargent et Sims

lundi 10 octobre 2011

Le prix Alfred Nobel de la Banque de Suède a été remis à Thomas Sargent et Christopher Sims pour leurs travaux sur la causalité en macroéconomie.

Sargent est connu pour ses travaux sur la politique monétaire qu'il a menés avec Neil Wallace dans les années 1970 et 1980. Les deux auteurs montrent l'importance d'une politique budgétaire soutenable comme préalable à la mise en place d'une politique monétaire crédible. En effet, la lutte contre l'inflation peut entraîner une contraction de la croissance économique et donc mener à une hausse des déficits publics pour soutenir l'activité et in fine un accroissement de l'endettement public. Face à l'augmentation de l'endettement, la Banque centrale va alors "monétiser" les dettes publiques, c'est-à-dire financer directement l'endettement public, au prix d'un regain d'inflation. C'est la "déplaisante arithmétique monétariste": la lutte contre l'inflation entraîne une augmentation de la dette publique si la politique budgétaire n'est pas saine et finalement à un regain d'inflation pour diminuer la dette en volume. Toute politique de lutte contre l'inflation n'est alors crédible que si la politique budgétaire est soutenable à long terme et que les banquiers centraux ont les mains liées, c'est-à-dire qu'ils s'imposent de résister aux sirènes du financement direct de la dette publique. L'analyse de Sargent et Wallace est donc définitive pour comprendre la gouvernance des banques centrales des pays industrialisés et les règlessur les déficits publics imposées par les traités, notamment les traités européens.

Sargent est également un de ceux qui a développé les anticipations rationnelles avec Robert Lucas, lauréat du Nobel d'économie en 1995, selon lesquelles les agents économiques utilisent l'information à leur disposition pour prendre en compte des décisions rationnelles. La modélisation de telles anticipations avait été utilisée pour évaluer la politique économique de la Fed sur le long terme.

De son côté Sims est connu pour avoir développé les modèles empiriques de type VAR qui sont des modèles auto-régressifs utilisés frequemment en macroéconomie ou dans l'analyse de séries temporelles. Ces modèles permettent de modéliser les liens dynamiques qui existent entre plusieurs variables du modèle. Il s'agit essentiellement de capturer les interdépendances qui existent entre les valeurs passée et présente d'une même variable et les interactions qui existent entre ces mêmes valeurs et les autres variables du modèle. On purge ainsi les effets purement conjoncturels et les tendances incertaines pour avoir une approximation du lien causal qui existe entre les variables du modèle.

Le prix Nobel a encore une fois cette année suivi l'actualité de la crise économique pour récompenser des économistes qui ont travaillé sur des modèles macroéconomiques faisant le lien entre politique monétaire et politique budgétaire. Comme les éconoclastes, je regrette que Robert Barro et Alberto Alesina dont l'apport pour la compréhension de la croissance (mais également pour les anticipations rationnelles et le lien entre politique monétaire et chômage pour Barro) ne soient toujours pas récompensés. Leur tour viendra peut-être au moment de la reprise mondiale. Le problème est que la macroéconomie dure à la Barro a déjà eu son lot de Nobel: de Sargent à Kydland et Prescott en passant par Lucas.

Pour beaucoup d'économistes, William Nordhaus est également un candidat qui devrait être nobélisé dans les prochaines années. Son manuel d'économie écrit avec Paul Samuelson est une référence et ses multiples articles sur le changement climatique et son impact sur la croissance économique de long-terme sont parmi les plus diffusés. Il a également été un des premiers économistes à pointer l'insuffisance du PIB comme indicateur du bien-être. Nul ne doute que l'urgence climatique remettra sur le devant de la scène la nécessité d'une croissance durable, ce qui pourrait assurer un Nobel à ce francophile qui a fait une partie de ses études à Sciences Po.

Dans un autre genre, Robert Shiller et Douglas Diamond méritent un Nobel pour leur compréhension du fonctionnement des marchés financiers: Shiller, via une explication psychologique des anticipations sur les marchés financiers; Diamond par la modélisation des crises de liquidité. Robert Shiller devrait être à coup sûr un des prochains Nobel.

Alvin Roth, un économiste que j'ai déjà mis à l'honneur, pourrait également recevoir le Nobel pour ses travaux sur le design et le fonctionnement des marchés. La John Bates Clark Medal attribuée plus tôt cette année à Jonathan Levin pour sa compréhension des marchés et des enchères a mis Roth au top des nobélisables: une prédiction qui n'aura pas eu lieu.

Du côté français, on attend avec impatience la réception du prix par Jean Tirole pour ses travaux sur l'organisation industrielle, les contrats et plus généralement l'asymétrie d'information, les incitations mais également la formation des bulles financières et l'économie du changement climatique. Emmanuel Saez, pour ses travaux sur les systèmes de taxation et les inégalités, et Esther Duflo, pour ses travaux sur les politiques de développement et son apport à la science économique par l'expansion des expériences naturelles, feront également d'ici une quinzaine d'années de bons nobélisables.

La TVA sociale : des vertus incertaines pour des risques certains

jeudi 29 septembre 2011




Le deuxième débat des primaires citoyennes du 28 septembre 2011 a été l’occasion pour les candidats de s’exprimer sur des questions d’économie. Parmi elles, la TVA sociale. Il s’agirait de financer la protection sociale par l’augmentation de la TVA d’un ou deux points en diminuant les cotisations sociales employeurs. Dans les nombreux rapports publiés entre 2006 et 2009, il s’agissait précisément de diminuer les cotisations sociales employeurs de deux points soit 9 milliards d’euros et d’augmenter en parallèle la TVA de 1,5 points, portant le taux normal de la TVA française de 19,6 % à 21,1 %.

Les vertus attendues de la TVA sociale

La TVA sociale est présentée par de nombreux économistes, notamment mon camarade blogueur Simon Porcher, comme une taxe vertueuse : le financement de la protection sociale par la TVA aurait pour effet de réduire le coût du travail en France, plus élevé que la moyenne de l’OCDE surtout pour les plus bas salaires, et d’accroître ainsi la compétitivité des produits français. Elle aurait également l’avantage de faire financer la protection sociale par les produits importés alors qu’assise uniquement sur les cotisations sociales, la protection sociale n’est aujourd’hui financée que par les biens et services produits en France. LA TVA sociale peut ainsi s’analyser comme une forme de dévaluation compétitive par rapport aux partenaires extérieurs puisque elle réduirait le prix hors taxe des produits fabriqués sur le territoire national et renchérirait le prix TTC des produits importés.
 

Il me semble toutefois que le raisonnement est insuffisant et que la TVA sociale comporte de nombreux effets pervers.

La fiscalisation de la protection sociale est un processus ancien

Les plaidoyers en faveur de la TVA sociale insistent pour dire que la protection sociale est aujourd’hui essentiellement assise sur le travail, contribuant à accroître son coût en France par rapport aux autres pays de l’OCDE. En fait, si la protection sociale était essentiellement financée par le travail lors de la création de la sécurité sociale en 1945, la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale est passée de 90 % à 60 % entre 1987 et 2006. Cette évolution s’explique principalement par la création et l’augmentation continue de la CSG donc par une fiscalisation croissante de la protection sociale. On ne peut donc plus avancer aujourd’hui que la protection sociale est financée par le seul travail et renchérit son coût. Des modes de financement alternatifs ont été imaginés depuis longtemps pour répondre aux besoins de financement de la protection sociale sans augmenter le coût du travail.

Les charges sociales sur les très bas salaires ont déjà presque totalement disparu rendant inutiles leur substitution par la TVA sociale

Depuis 1993, des politiques de réduction des charges sociales sur les bas salaires ont été entreprises pour réduire le coût du travail le moins qualifié particulièrement touché par les crises économiques et la compétition internationale. Aujourd’hui, les salaires au niveau du SMIC sont quasiment exonérés de cotisations de sécurité sociale (4,38 % a lieu de 30,38 % soit une réduction de 26 points). Cette exonération est ensuite dégressive jusqu’à 1,6 SMIC à hauteur de 5 % environ par tranche de salaire de 0,1 SMIC (cotisations de 27,48 % au lieu de 30,38 % à 1,5 SMIC soit une réduction de 2,90 %).

Dire que l’on réduira le coût du travail par la création d’une TVA sociale qui se substituerait aux charges sociales patronales perd donc tout son sens puisque les cotisations sociales ont déjà été massivement réduites. La TVA sociale ne pourra donc pas améliorer la compétitivité de la France sur les produits fabriqués par les salariés les moins bien payés.

Le risque d’effet d’aubaine est important

En théorie, le remplacement des cotisations sociales patronales par la TVA sociale est neutre pour le prix des produits puisque l’augmentation de la TVA est calculée pour compenser exactement la réduction des charges sociales. Si toutefois les entreprises profitent de la baisse des cotisations sociales pour accroître leurs marges, les prix hors taxes des biens et services resteront inchangés et les prix TTC augmenteront du fait de l’augmentation de la TVA. La TVA sociale comporte donc des risques inflationnistes pénalisant le pouvoir d’achat qu’il ne serait pas honnête d’éluder.

Si l’on prend pour exemple la diminution de 19,6 % à 5,5 % de la TVA dans la restauration, les prix à la consommation n’ont pas diminué parce que les entreprises du secteur ont profité de la diminution de la TVA pour augmenter leurs marges. Le raisonnement serait le même avec la TVA sociale : la réduction de deux points de cotisations sociales serait compensée par une hausse des marges dans les mêmes proportions. Au final, le consommateur paierait davantage avec le renchérissement de la TVA.

La TVA sociale réduira le pouvoir d’achat des salariés, notamment les moins bien payés

Puisque la TVA sociale a un effet inflationniste avec l’augmentation des prix qu’elle induit, le pouvoir d’achat des salariés diminuera. Cette diminution est d’autant plus forte que la propension à consommer est élevée, ce qui est le cas pour les salariés disposant d’un faible revenu. En effet, pour les salariés les moins bien rémunérés, le revenu est entièrement consommé alors qu’un salarié à plus haut revenu, s’il paiera aussi plus cher les biens qu’il achète, consomme moins en proportion de son revenu et épargne davantage.

En outre, si l’instauration d’une TVA sociale n’augmente pas le niveau des prélèvements obligatoires (il s’agit d’une substitution aux cotisations sociales), elle pose cependant un problème de justice fiscale : certes, le montant global des prélèvements obligatoires est inchangé mais la répartition de la charge fiscale est différente : dans les scénarios envisagés, 9 milliards d’euros sont transférés des entreprises vers les consommateurs c’est-à-dire principalement les salariés. Alors que la question de la justice fiscale est posée dans le cadre des primaires citoyennes, on peut se demander si un tel transfert de charges est juste et opportun en période de faible croissance des salaires.

La substitution entre cotisations sociales patronales et TVA sociale n’aura pas lieu

Pour conclure, l’important déficit de la sécurité sociale (18,6 milliards d’euros attendus en 2011) invite au scepticisme quant à la substituabilité de la TVA sociale et des cotisations patronales. Aujourd’hui le déficit et la dette accumulée (190 milliards d’euros) sont tels qu’il est probable que la TVA sociale ne soit qu’un mode de financement complémentaire pour réduire le « trou » de la sécurité sociale. Si tel est le cas, l’augmentation de la TVA n’améliorera pas la compétitivité des biens produits en France et contribuera surtout à une nouvelle hausse des prélèvements obligatoires en France.