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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Keynes: grand gagnant?

lundi 27 septembre 2010







Dans un article sur son blog, Catherine Rampell, économiste et journaliste au New York Times montre un graphique intéressant qui reprend les réponses des PME à la question « quel est votre plus grand problème pour le moment ? » posée par le N.F.I.B. (National Federation of Independent Business).



Il est clair sur le graphique que les « poor sales » ou la faible demande qui apparaît en jaune ressort comme le facteur le plus problématique pour les petites entreprises au sein du ralentissement que connaissent les États-Unis pour le moment. Suivent les impôts mais loin derrière. Ce graphique semble valider l'idée keynesienne - appuyée par Krugman - selon laquelle la sortie de crise ne se fera que par un investissement public fort dans l'économie et par un soutien aux revenus.

Qu'en est-il de l'Europe? La Commission européenne mène le même type d'enquête pour chaque pays européen. Prenons l'exemple de la France qui attaque un plan de rigueur de trois ans.



De la même couleur jaune, la demande semble être le principal goulot d'étranglement à la relance économique en France. Ne risque-t-on pas de s'auto-sanctionner en commençant la rigueur?

Une marée noire oubliée depuis trop longtemps

mercredi 15 septembre 2010

A 9 000 km au sud-est du golfe du Mexique, une marée noire permanente détruit la vie des 30 millions d’habitants du delta du Niger. Depuis 1958, plus de 13 millions de barils de pétrole, soit 2 milliards de litres, ont été déversés dans cette zone géographique. En ordre de grandeur, cela représente 10 fois la marée noire du golfe du Mexique et 40 fois l’Exxon-Valdez. C’est donc grosso modo la catastrophe de l’Exxon-Valdez qui se déroule chaque année depuis 50 ans dans le delta du Niger sans que l’opinion publique mondiale ne s’en émeuve.

Si le delta du Niger est la zone qui a connu la plus forte augmentation du nombre de barils produits en haute mer lors des vingt dernières années, les fuites en cause proviennent pour l’essentiel d’oléoducs terrestres. Le niveau de contamination n’est pas pour autant moins important que dans le golfe du Mexique : toute l’économie locale a été ruinée. Dans un rapport publié il y a tout juste un an, Amnesty International, une organisation non-gouvernementale, insiste sur les conséquences humaines de la catastrophe : l’eau et les terres étant complètement souillées, l’agriculture et la pêche – principales ressources économiques hors pétrole - sont désormais impossibles. Au final, plus d’une dizaine de droits de l’homme (droit à l’eau, à l’information, etc.) sont bafoués.

La principale compagnie en cause, Shell, se défend en évoquant l’importance du vandalisme dont elle est victime. Selon la compagnie pétrolière, 98% des fuites seraient dues à des actes de sabotage et de vol consistant à percer les oléoducs. Il est vrai que la situation du delta du Niger est exceptionnelle puisque Shell - présente dans une centaine de pays - totalise 40% de ses fuites dans cette zone. Mais compte tenu de l’âge de son réseau d’oléoducs dans la zone contaminée (40 ans en moyenne quand la durée de vie est de 25 ans), l’explication la plus vraisemblable pourrait être que le remplacement du réseau coûte plus cher que de laisser fuir un pétrole plutôt bon marché.

Pourquoi devrions-nous nous sentir responsables de la tragédie du delta du Niger ? Tout simplement parce que l’Afrique consomme 10 à 15 fois moins de pétrole par habitant que les pays du Nord. Les populations africaines payent en quelques sortes notre dépendance à l’or noir. La marée noire du delta du Niger semble par ailleurs être la plus inquiétante pour l’avenir: si les fuites de la plateforme Deepwater Horizon sont désormais réparées, les fuites du delta du Niger ont quadruplé entre 2007 et 2009. La pression médiatique pourra peut-être enfin donner l’impulsion nécessaire à la mise aux normes du réseau d’oléoducs et à l’indemnisation des populations. A l’image de la nouvelle régulation sur la sécurité des plateformes pétrolières, c’est une réflexion en profondeur qui doit être menée au niveau des institutions internationales sur les industries extractives et leur impact sur les populations locales.

Convergence nominale sur les retraites en Europe

mardi 14 septembre 2010
L'Europe s'est construite sur des critères de convergence nominale en termes d'inflation, de déficits, de dette, de taux d'intérêts, de niveau de R&D, d'emplois des séniors, et bientôt d'âge de départ à la retraite?


A votre avis, ou se situent les français en termes d'âge de départ à la retraite et de coût du système des retraites?

Réforme des retraites: avantages et inconvénients

jeudi 9 septembre 2010

Par pudeur, votre humble serviteur ne s’était jamais exprimé sur la réforme des retraites. Je pense qu’il est temps de vous donner mon point de vue sur les avantages et les inconvénients de la réforme du gouvernement.

Opportunité de la réforme

Du point de vue des équilibres démographiques, la réforme est nécessaire. Il y a actuellement 1,8 actif pour 1 retraité mais ce ratio sera de 1,2 pour 1 à l’horizon 2030. Le système par répartition à la française avait été mis en place dans un contexte où il y avait plus de 4 actifs pour 1 retraité. Par ailleurs, depuis 1960, l’espérance de vie des français a augmenté de 16 ans. Ces 16 années ont été entièrement recyclées en années de retraites. Nous travaillons de moins en moins, ce qui ne serait pas un problème si nous étions plus à travailler. Or, ça n’est pas le cas : les plus de 60 ans représentent aujourd’hui 22% de la population française et même 32% à l'horizon 2050.

Du point de vue financier, le régime général connaît un déficit de 32 milliards d’euros par an. C’est la somme qui devait être atteinte en 2020. En 2030, sans réforme, ce déficit atteindrait 70 milliards d’euros. D’un point de vue financier, la réforme du gouvernement est efficace car elle permet d’atteindre l’équilibre dès 2011 et jusqu’en 2020, au prix du pillage du Fonds de réserve des retraites qui devait assurer le financement des retraites dès 2020. La réforme de Woerth n’est qu’un toilettage car dès 2020, la question de l’équilibre financier se reposera. Il n’y aura donc pas d’autres solutions que de raboter le système par une augmentation des durées de cotisations ou des cotisations elles-mêmes au début des années 2020.

Du point de vue économique, la réforme s’inscrit dans le cadre du plan de rigueur européen. Nous avons un contrat avec l’Europe : être le plus austère possible pour éviter toute attaque "à la grecque" sur un autre pays européen. Tous les pays européens se sont d'ailleurs engagés dans une réforme des retraites. C’est un moyen facile de combler les déficits. C’est surtout plus facile que de maintenir les séniors dans l’emploi ou d’assurer la transition études-emploi pour les jeunes.

Du point de vue politique, les retraites sont un problème récurrents, qui se pose tous les dix ans (1993, 2003, 2010), souvent en situation de crise économique (1993, 2010) ou de déficits élevés (2003, 2010). La réforme des retraites pourrait être un argument de campagne du Président Sarkozy: le candidat sait d'ailleurs ne rien céder et a un avantage puisque la majorité des français reconnaît qu'une réforme est nécessaire bien qu'ils ne souhaitent pas le passage de cette réforme.

Quelles sont les autres propositions?

Le projet UMP pose l’équilibre suivant entre générations : nous vivons plus longtemps que nos aînés donc nous devons travailler plus longtemps ; nous rackettons au passage – mais dans la limite de deux années de cotisations - ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans. Le projet du PS considère la question des retraites comme étant de solidarité nationale et propose donc des taxes supplémentaires sur les plus hauts revenus et le capital, ainsi qu’une augmentation des cotisations supportées par les entreprises pour financer la réforme des retraites. Les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat insistent pour une hausse de la TVA tandis que Terra Nova propose de casser les avantages fiscaux des retraités pour lever 11 milliards d’euros par an.

La dernière proposition est très rentable mais non envisageable, en tout cas dans sa totalité : le retraité moyen gagne 1315 euros et le salarié moyen 1750 euros ; cet écart devrait augmenter car i) sauf modération salariale, les salariés français vont continuer de gagner plus en moyenne que le niveau moyen des pensions de retraites (les salaires augmentent plus vite que l’inflation, or les retraites sont indexées sur l’inflation) ; ii) le recul de l’âge de la retraite va automatiquement augmenter le nombre de retraites non complètes, donc faiblement rémunérées.

L’augmentation de la TVA serait probablement à envisager quand la sortie de crise sera confirmée : il serait inéquitable de taxer les français à un moment où la reprise n’est pas assurée.

Prendre la question des retraites comme une question de solidarité nationale comme le propose le PS impose effectivement de mettre en place des taxes équitables, donc payées par chaque contribuable (une hausse de la CSG par exemple) mais en prenant en compte les moyens de chacun (la création d’une nouvelle tranche d’imposition par exemple). L’avantage d’une réforme par l’impôt est qu’elle assure le financement du régime des retraites à moyen terme et sans toucher au Fonds de réserve des retraites. L’inconvénient, c’est qu’elle modifie la philosophie du système par répartition : tout le monde paye les retraites et non plus seulement les actifs.

Ces réformes laissent trop souvent de côté les vraies questions :
- Celles de l’équité intergénérationnelle ;
- Celles de l’équité entre salariés riches et pauvres qui seront plus tard des retraités riches et pauvres.

La réforme idéale

Le système actuel des 25 meilleures années est injuste : un ouvrier commence à travailler plus tôt qu’un cadre et va donc cotiser plus longtemps ; en dépit d’une durée de cotisation plus longue, il n’aura pas ou peu avec le mécanisme de surcote un meilleur niveau de vie à la retraite ; il mourra par ailleurs plus jeune. Un cadre et un ouvrier ont 7 ans d’espérance de vie mais dans le système actuel, mais de 10 ans si l’on considère l’espérance de vie en bonne santé. Pire encore, selon l’INED, un ouvrier vit en moyenne sans incapacité jusqu’à 59 ans : comment fera-t-il pour travailler plus ?

Par ailleurs, du fait des qualifications requises pour certains métiers, un ouvrier a plus de chances d’entrer sur le marché de l’emploi avant 20 ans et a donc une grande probabilité de cotiser plus longtemps qu’un cadre.

La réforme idéale serait de déconstruire le système de répartition. Les économistes Antoine Bozio et Thomas Piketty ont proposé un système des retraites qui repose sur un âge plancher de 60 ans pour prendre sa retraite, et la suppression de l’âge auquel on peut bénéficier d’une retraite à taux plein sans avoir pleinement cotisé. Chacun cotiserait pour lui-même : pour se faire, les cotisations retraites devraient être relevées à 25% du salaire brut. En quelques sortes, chacun cotiserait plus en échange de la garantie de toucher l’argent de ses cotisations. Il n’y a plus de retraites complètes ou non, le système est lisible : si je commence à travailler à 20 ans et que je cotise 46 ans, j’ai le droit à une pension égale à l’ensemble de mes cotisations divisé par la durée de ma retraite (calculée en fonction de l'espérance de vie, par exemple par Catégories socio-professionnelles). Chacun a ainsi le droit de définir selon ses propres goûts son temps de travail et le niveau de pensions qu’il considère justes pour vivre.

Pourquoi faut-il apprendre l'économie?

lundi 6 septembre 2010






C'est la rentrée et votre humble serviteur a la chance d’enseigner l’économie uniquement à des non-initiés. Voici un extrait de l'inception que je vais faire à mes étudiants pour qu’ils intègrent les raisonnements économiques dans leurs décisions futures.

Comprendre l’économie, c’est être un bon gestionnaire. « La politique c’est le goût de l’avenir » disait Max Weber. La politique économique c’est donc la gestion de la rareté des ressources. Nous n’avons qu’une Terre et des ressources limitées. Mais nous avons également un savoir-faire et un instinct de survie qui nous poussent à trouver les moyens de dépasser la rareté. Ce moyen, c’est le progrès technique.

Pour autant nous ne savons pas tout. Les marchés sont caractérisés par un déficit d’information. Nous ne savons pas par exemple combien il faudrait investir pour nous protéger du réchauffement climatique. Nous ne connaissons pas non plus avec précision l’état des ressources pétrolières mondiales ou les investissements nécessaires pour éradiquer la famine. Être bon gestionnaire, c'est analyser les différentes forces en suspens pour prendre la décision la plus juste.

Comprendre l’économie, c’est être un meilleur citoyen. En ces temps de crises économique et sociale, l’économie reprend toute son importance. Il faut se méfier des discours politiciens et du mauvais jargon des économistes.

Il n’est jamais trop tard pour se mettre à l’économie : le tiers de mes élèves est en formation professionnelle et j’ai le sentiment que le raisonnement économique peut transformer leur manière de voir les choses.

Comprendre l’économie, c’est analyser les comportements humains. L’homme n’est pas une machine ni un être purement rationnel. Il est imprévisible et sujet à la colère, à la jalousie ou au laisser-aller. Mais il est prédictible dans un grand nombre de ses actions et répond à des incitations.

L’économie est une science humaine : elle étudie les décisions prises par un individu ou un groupe par une analyse statistique. Les statistiques sont plus importantes que jamais car nous assistons à une montée sans précédente du stock de données accumulées. La gestion des données impose une éthique. Chaque citoyen doit pouvoir contrôler ses données personnelles et estimer les risques qu’il court en les partageants. Dans le monde de l’entreprise, celui qui sait analyser les données a un avantage comparatif : il peut comprendre le passé, prévoir l’avenir et proposer des solutions concrètes.

Comprendre l’économie, c’est être un stratège. Si vous connaissez les principes de base, vous comprendrez qu’il ne faut pas mettre vos œufs dans le même panier. Pourtant, la plupart des agents économiques continue de le faire : la faillite de Lehman Brothers est entièrement liée à un manque de diversification de son portefeuille tandis que les particuliers continuent de détenir l’ensemble de leurs économies dans la même banque ou les placer dans le même type de produits financiers.

Comprendre l'économie, c'est comprendre le monde dans lequel nous vivons. Je ne cesserai de plaider pour un cursus d'économie - au même titre qu'un cursus de droit et de psychologie - commun à toutes les filières universitaires.