logo

"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


blog médias Tribunes Donation etc.

Pourquoi faut-il apprendre l'économie?

lundi 6 septembre 2010






C'est la rentrée et votre humble serviteur a la chance d’enseigner l’économie uniquement à des non-initiés. Voici un extrait de l'inception que je vais faire à mes étudiants pour qu’ils intègrent les raisonnements économiques dans leurs décisions futures.

Comprendre l’économie, c’est être un bon gestionnaire. « La politique c’est le goût de l’avenir » disait Max Weber. La politique économique c’est donc la gestion de la rareté des ressources. Nous n’avons qu’une Terre et des ressources limitées. Mais nous avons également un savoir-faire et un instinct de survie qui nous poussent à trouver les moyens de dépasser la rareté. Ce moyen, c’est le progrès technique.

Pour autant nous ne savons pas tout. Les marchés sont caractérisés par un déficit d’information. Nous ne savons pas par exemple combien il faudrait investir pour nous protéger du réchauffement climatique. Nous ne connaissons pas non plus avec précision l’état des ressources pétrolières mondiales ou les investissements nécessaires pour éradiquer la famine. Être bon gestionnaire, c'est analyser les différentes forces en suspens pour prendre la décision la plus juste.

Comprendre l’économie, c’est être un meilleur citoyen. En ces temps de crises économique et sociale, l’économie reprend toute son importance. Il faut se méfier des discours politiciens et du mauvais jargon des économistes.

Il n’est jamais trop tard pour se mettre à l’économie : le tiers de mes élèves est en formation professionnelle et j’ai le sentiment que le raisonnement économique peut transformer leur manière de voir les choses.

Comprendre l’économie, c’est analyser les comportements humains. L’homme n’est pas une machine ni un être purement rationnel. Il est imprévisible et sujet à la colère, à la jalousie ou au laisser-aller. Mais il est prédictible dans un grand nombre de ses actions et répond à des incitations.

L’économie est une science humaine : elle étudie les décisions prises par un individu ou un groupe par une analyse statistique. Les statistiques sont plus importantes que jamais car nous assistons à une montée sans précédente du stock de données accumulées. La gestion des données impose une éthique. Chaque citoyen doit pouvoir contrôler ses données personnelles et estimer les risques qu’il court en les partageants. Dans le monde de l’entreprise, celui qui sait analyser les données a un avantage comparatif : il peut comprendre le passé, prévoir l’avenir et proposer des solutions concrètes.

Comprendre l’économie, c’est être un stratège. Si vous connaissez les principes de base, vous comprendrez qu’il ne faut pas mettre vos œufs dans le même panier. Pourtant, la plupart des agents économiques continue de le faire : la faillite de Lehman Brothers est entièrement liée à un manque de diversification de son portefeuille tandis que les particuliers continuent de détenir l’ensemble de leurs économies dans la même banque ou les placer dans le même type de produits financiers.

Comprendre l'économie, c'est comprendre le monde dans lequel nous vivons. Je ne cesserai de plaider pour un cursus d'économie - au même titre qu'un cursus de droit et de psychologie - commun à toutes les filières universitaires.

6 commentaires:

Yannick Bourquin a dit…

Entièrement d'accord avec toi.

Pourtant, dans beaucoup de formations en L1 et L2 en économie, on ne retrouve aucun de ces objectifs. A la place, on apprend aux étudiants à calculer des équilibres. C'est bien triste.

Simon a dit…

Merci Yannick.

Je suis d'accord avec toi. Malgré tout l'amour que je porte à mes cours d'économie de L1 et L2, je dois avouer que j'ai plus appris la politique économique dans un manuel...

Anonyme a dit…

Vous êtes un bon économiste car vous savez vendre votre profession.
cependant, je pense que les économistes font bien trop souvent confiance à des statistiques incertaines. Et ça peut donner des taux d'inflation qui ne sont pas toujours en adéquation avec les réalités du terrain.
Le mieux, à mon sens, est de faire un bidiplôme ingé/commerce. Histoire d'avoir un bagage technologique et le jargon des ingé afin de parler le même langage, et ainsi, de pouvoir tirer l'information directement sans passer par une vulgarisation approximative.
Sinon, très bon article.
Au plaisir de vous relire.
Un lecteur du monde sur lequel vous avez mis le lien.

Simon PORCHER a dit…

Merci beaucoup. Dans mes cours j'aborde le biais statistique et l'écart entre le ressenti et les statistiques officielles, notamment en ce qui concerne le pouvoir d'achat et l'inflation. S'il peut y avoir un biais méthodologique, l'écart s'explique essentiellement par le fait que les prix auxquels nous accordons le plus d'importance sont ceux qui augmentent le plus vite.

J'enseigne dans un Master dans lequel les élèves ont pour la majorité un background d'ingénieur. J'encourage les ingénieurs et les juristes à prendre dans leurs options un maximum de matières liées à l'économie.

En espérant vous revoir sur le blog.

Unknown a dit…

Bonjour,

Vous affirmez qu'il faut apprendre l'économie. Et sur ce point je suis d'accord avec vous : comment comprendre les enjeux politiques sans s'approprier les concepts économiques ?
Cependant, il y a une autre question qui me semble fondamentale : quelle économie enseigner ?
L'économie se targue souvent du statut de science. Et pourtant, nous sommes témoins en permanence de situations économiques absurdes (à l'exemple de la crise des subprimes ou de Lehman Brothers).

J'ai eu un parcours universitaire (Administation économique et sociale + sciences politiques) dans lequel l'économie était très présente.

Toutefois, toutes les théories enseignées étaient issues du libéralisme (Smith, Ricardo, Schumpeter et, à l’extrême limite Keynes...vous voyez le topo).
Tout l'enseignement de l'économie reste centré autour de présupposés très discutables. Ainsi, je cherche toujours des preuves de l'existence de l'existence de quelque chose comme "une concurrence pure et parfaite".
La vision du monde envisagé comme un ensemble de marchés reste très restreinte.

L'exemple de Lehman Brothers que vous citez pour appuyer votre raisonnement me semble d'ailleurs très intéressant : pouvez-vous vraiment affirmer que cette banque a pris de mauvaise décisions PARCE QUE ses décisionnaires ne connaissaient pas l'économie ?


D'où la question que je repose : quelle économie enseigner ?
Et aussi : peut-il y avoir un enseignement de l’économie sans parti pris, sans propagande ?

simon a dit…

Merci Emilie pour ce commentaire. L'enseignement d'économie nécessite évidemment une mise en relation des théories et du contexte dans lequel elles ont été développées. Le fait que les théories soient issues du libéralisme n'est pas mal en soi, les théories de sciences politiques sont souvent également tirées d'aspirations libérales.

Il faut expliquer clairement les limites de la théorisation: la théorie ne doit pas représenter la réalité mais la simplifier ou permettre une réflexion sur des états de nature. La théorie ne peut pas égaler la réalité mais elle permet de donner un cadre aux décisions réelles.

Les décisionnaires de Lehman Brothers n'ont pas respecté un principe de base, celui de la diversification. Cela ne veut rien dire de plus.

L'économie qu'il faut enseigner est celle de la politique économique et des stratégies en se concentrant sur les preuves apportées par l'analyse des phénomènes.

Enregistrer un commentaire