logo

"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


blog médias Tribunes Donation etc.

Crise de la zone euro: le suicide économique européen est reporté à plus tard

jeudi 27 octobre 2011
Cette semaine, les dirigeants européens auront encore une fois tout fait pour gagner du temps. A ce jeu, les pays européens ne sont pas les plus mauvais. En maintenant la Grèce artificiellement en vie, les dirigeants européens se sont protégés de la récession violente qui toucherait le continent et le monde en cas de faillite de l’Espagne ou de l’Italie. Les sommets européens et du G20 reposent essentiellement sur deux questions : quelles mesures nous permettront de repousser au plus loin le risque de désintégration ou de récession européenne ? Combien de temps peut-on gagner selon chaque mesure?
 
 
La priorité européenne : gagner du temps

Pour l’instant, les trois priorités du sommet européen sont les suivantes : la recapitalisation des banques nationales privées, l’élargissement du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et la restructuration de la dette grecque.
 
 
La recapitalisation des banques est acquise : les réserves des banques seront relevées à 9% de leurs fonds propres, ce qui les obligent soit à augmenter leur capital, soit à réduire les prêts accordés ou leur masse salariale. La première solution est évidemment la privilégiée. Toutefois, c’est la solution nationale qui est privilégiée : en clair, chaque Etat négocie directement avec ses banques pour trouver les moyens d’une recapitalisation publique ou privée. Il faudrait probablement recapitaliser les banques les plus importantes à l’échelle européenne et celles de pays qui risquent l’insolvabilité par une aide directe du FESF : toute extension du FESF serait alors mieux acceptée par les parlements nationaux qui pensent ne pas profiter directement de sa manne financière. L'augmentation de la puissance de feu du FESF a bien été garantie hier mais son financement n'est toujours pas garanti la Banque centrale européenne (BCE), aurait alors toute sa logique mais les pays européens sont soucieux de garder l’indépendance de la BCE.

Le dernier dossier est la restructuration d’une partie de la dette grecque: environ 50% de la dette détenue par le secteur privé (on laisse de côté la dette détenue par le FMI, le FESF ou la BCE) sera effacée. La coupe concernerait environ 100 milliards d’euros qui seraient partagés avec le secteur privé. Les modalités ont été négociées cette nuit: les banques effaceront 50% de la dette grecque de leurs actifs en échange de garanties de financement.

Combien de temps peut-on espérer gagner ?
Dans les couloirs européens, on estime que l’on gagnera avec ces mesures tout au plus douze mois. Il n’est donc pas impossible que la Grèce abandonne volontairement ou sous la contrainte la zone euro au premier semestre de l’année 2012.

L’effet pour la Grèce ne serait pas forcément négatif....Lire la suite sur le nouvelobs.com

Notation: piège à cons!

lundi 24 octobre 2011



Une agence de notation bien connue a indiqué lundi 17 octobre dernier qu'elle plaçait la France sous surveillance pour déterminer si la "perspective stable" qu'elle donne à la note financière de la France (AAA) n'allait pas être abaissée à "négative", première étape vers une possible dégradation de la note française. Alors que le Gouvernement se contente simplement de dire qu'il s'agit d'une mauvaise nouvelle, la consternante annonce de cette agence doit être dénoncée avec véhémence!

Raisons invoquées par l'agence: le niveau de la dette française évidemment, l'absence de crédibilité des mesures de redressement proposées par la France, mais surtout le possible soutien à d'autres pays de la zone euro comme la Grèce ou à ses propres banques. En d'autres termes, la France serait sanctionnée au moment même où elle s'apprête à résoudre, avec ses partenaires, la crise financière européenne que les agences de notation n'ont jamais vu venir!

Il est grand temps que le pouvoir de nuisance des agences de notation soit déjoué avant que que leurs dégâts pour l'économie ne soient irreversibles: de quel droit une agence de notation imposerait-elle leur conduite aux Etats dont les Gouvernements sont élus et responsables devant les citoyens? Quelle légitimité ont ces entitis irresponsables pour dicter aux Etats leurs politiques publiques? Aujourd'hui, la perspective de dégradation des notes financières des Etats conduit les Gouvernements de l'ensemble des pays de la zone euro à mener des politiques d'austérité!

Les agences de notation ne sont malheureusement pas à leur premier scandale: l'été dernier, une autre agence a dégradé la note financière des Etats-Unis au moment même où le congrès américain trouvait un compromis sur le plafond d'endettement du pays! Elle s'arrogerait donc le droit de légiférer à la place des représentants des nations? Il n'est pas acceptable que le destin de millions de citoyens soit déterminé par des agences de notation aussi inutiles qu'incompétentes: elles n'avaient pas prévu la crise des subprimes et ne le pouvaient pas parce qu'elles sont notoirement incompétentes!

Pourquoi taire ce que tout le monde dit tout bas: dans le domaine de la finance, les personnes les plus compétentes ne travaillent pas pour les agences de notation. Les meilleur étudiants, formés dans les prestigieuses écoles et universités, sont recrutés par les grandes banques, dont les activités sont elles aussi condamnables, alors que les agences de notation se contentent de recruter des seconds couteaux. Les agences chargées de noter les produits financiers sont donc peuplées d'incompétents dont personne n'a voulu ailleurs! Voilà la vérité! Et elles se permettent de noter les Etats et de les conduire à la ruine?! 

J'apprends que la Libye a proclamé hier sa libération. Attention! Nos célèbres agences de notation  sont bien capables de dégrader la note libyennes parce que la mort du colonel Khadafi fait peser un risque pour la stabilité de la dette de la Libye. Stakhanov plaisante quand il écrit cela: les agences de notation seront sérieuses lorsqu'elle le feront!

Nomination aux Golden Blog Awards

dimanche 23 octobre 2011
Depuis plusieurs semaines, un badge "Votez" aux Golden Blog Awards 2011 sur la droite de la page vous permet de voter directement pour Observatoire des idées.

Il ne reste plus que 24h pour voter ou revoter: donnez-nous toutes nos chances en cliquant ici si le coeur vous en dit ou en votant sur la droite de l'écran. Merci!


Famine à éradiquer

dimanche 16 octobre 2011
Il y a une semaine, nous fêtions tristement la journée mondiale de la faim. Alors que l'essentiel des enjeux liés à la famine mondiale avait été développé dans un article paru dans Le Monde en janvier dernier, il nous semble nécessaire de tirer encore une fois la sonnette d'alarme:

- certes, la famine est le plus souvent liée à l'absence d'Etat ou à la faillite de l'Etat comme en Somalie, et appelle les pays industrialisés à axer leurs programmes de développement sur la sécurité alimentaire;

- certes, les famines sont le fruit d'une mauvaise répartition des ressources alimentaires à l'échelle mondiale et aux aléas climatiques;

- mais les progrès sont faciles à réaliser: la mauvaise gestion des produits alimentaires dans les pays industrialisés nous amène à gâcher 30 à 40% de la nourriture en circulation (pour des raisons de péremption essentiellement) alors que les pays en développement gaspillent 40 à 45% de leurs ressources alimentaires par l'inexistence d'une industrie pouvant transformer et conserver les productions agricoles qui vont être ensuite vendues en supermarché.

Le développement actuel a été acquis à partir de la sécurité alimentaire qui a cantonné la famine au rang des raretés. Dans les pays en développement, il faut investir dans le maillon manquant de la chaîne de production. Dans les pays industrialisés, il faut renforcer la gestion des produits alimentaires. Deux sources d'innovations marginales qui peuvent changer le monde.

Prix Nobel d'économie: l'apport de Sargent et Sims

lundi 10 octobre 2011

Le prix Alfred Nobel de la Banque de Suède a été remis à Thomas Sargent et Christopher Sims pour leurs travaux sur la causalité en macroéconomie.

Sargent est connu pour ses travaux sur la politique monétaire qu'il a menés avec Neil Wallace dans les années 1970 et 1980. Les deux auteurs montrent l'importance d'une politique budgétaire soutenable comme préalable à la mise en place d'une politique monétaire crédible. En effet, la lutte contre l'inflation peut entraîner une contraction de la croissance économique et donc mener à une hausse des déficits publics pour soutenir l'activité et in fine un accroissement de l'endettement public. Face à l'augmentation de l'endettement, la Banque centrale va alors "monétiser" les dettes publiques, c'est-à-dire financer directement l'endettement public, au prix d'un regain d'inflation. C'est la "déplaisante arithmétique monétariste": la lutte contre l'inflation entraîne une augmentation de la dette publique si la politique budgétaire n'est pas saine et finalement à un regain d'inflation pour diminuer la dette en volume. Toute politique de lutte contre l'inflation n'est alors crédible que si la politique budgétaire est soutenable à long terme et que les banquiers centraux ont les mains liées, c'est-à-dire qu'ils s'imposent de résister aux sirènes du financement direct de la dette publique. L'analyse de Sargent et Wallace est donc définitive pour comprendre la gouvernance des banques centrales des pays industrialisés et les règlessur les déficits publics imposées par les traités, notamment les traités européens.

Sargent est également un de ceux qui a développé les anticipations rationnelles avec Robert Lucas, lauréat du Nobel d'économie en 1995, selon lesquelles les agents économiques utilisent l'information à leur disposition pour prendre en compte des décisions rationnelles. La modélisation de telles anticipations avait été utilisée pour évaluer la politique économique de la Fed sur le long terme.

De son côté Sims est connu pour avoir développé les modèles empiriques de type VAR qui sont des modèles auto-régressifs utilisés frequemment en macroéconomie ou dans l'analyse de séries temporelles. Ces modèles permettent de modéliser les liens dynamiques qui existent entre plusieurs variables du modèle. Il s'agit essentiellement de capturer les interdépendances qui existent entre les valeurs passée et présente d'une même variable et les interactions qui existent entre ces mêmes valeurs et les autres variables du modèle. On purge ainsi les effets purement conjoncturels et les tendances incertaines pour avoir une approximation du lien causal qui existe entre les variables du modèle.

Le prix Nobel a encore une fois cette année suivi l'actualité de la crise économique pour récompenser des économistes qui ont travaillé sur des modèles macroéconomiques faisant le lien entre politique monétaire et politique budgétaire. Comme les éconoclastes, je regrette que Robert Barro et Alberto Alesina dont l'apport pour la compréhension de la croissance (mais également pour les anticipations rationnelles et le lien entre politique monétaire et chômage pour Barro) ne soient toujours pas récompensés. Leur tour viendra peut-être au moment de la reprise mondiale. Le problème est que la macroéconomie dure à la Barro a déjà eu son lot de Nobel: de Sargent à Kydland et Prescott en passant par Lucas.

Pour beaucoup d'économistes, William Nordhaus est également un candidat qui devrait être nobélisé dans les prochaines années. Son manuel d'économie écrit avec Paul Samuelson est une référence et ses multiples articles sur le changement climatique et son impact sur la croissance économique de long-terme sont parmi les plus diffusés. Il a également été un des premiers économistes à pointer l'insuffisance du PIB comme indicateur du bien-être. Nul ne doute que l'urgence climatique remettra sur le devant de la scène la nécessité d'une croissance durable, ce qui pourrait assurer un Nobel à ce francophile qui a fait une partie de ses études à Sciences Po.

Dans un autre genre, Robert Shiller et Douglas Diamond méritent un Nobel pour leur compréhension du fonctionnement des marchés financiers: Shiller, via une explication psychologique des anticipations sur les marchés financiers; Diamond par la modélisation des crises de liquidité. Robert Shiller devrait être à coup sûr un des prochains Nobel.

Alvin Roth, un économiste que j'ai déjà mis à l'honneur, pourrait également recevoir le Nobel pour ses travaux sur le design et le fonctionnement des marchés. La John Bates Clark Medal attribuée plus tôt cette année à Jonathan Levin pour sa compréhension des marchés et des enchères a mis Roth au top des nobélisables: une prédiction qui n'aura pas eu lieu.

Du côté français, on attend avec impatience la réception du prix par Jean Tirole pour ses travaux sur l'organisation industrielle, les contrats et plus généralement l'asymétrie d'information, les incitations mais également la formation des bulles financières et l'économie du changement climatique. Emmanuel Saez, pour ses travaux sur les systèmes de taxation et les inégalités, et Esther Duflo, pour ses travaux sur les politiques de développement et son apport à la science économique par l'expansion des expériences naturelles, feront également d'ici une quinzaine d'années de bons nobélisables.