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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Votre profil facebook n'est a priori pas un lieu public

vendredi 12 avril 2013


Votre nouveau statut Facebook ou votre dernier tweet pourrait-il constituer un délit d’injure ou de diffamation et par conséquent engager votre responsabilité ?

A cette question, la première chambre civile de la Cour de cassation vient d’apporter une réponse éclairante dans son arrêt du 10 avril 2013 (n°11.19-530).

En l’occurrence, une société et sa gérante avaient assigné leur ancienne salariée principalement en paiement de dommages et intérêts à la suite de propos que cette dernière avait tenus sur divers réseaux sociaux. La salariée avait notamment pu déclarer sur son profil Facebook : « éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (mal baisées) qui nous pourissent la vie » ce que la société et sa gérante estimaient être de l’injure.

Par définition, un des éléments constitutifs du délit d’injure (comme celui de la diffamation) est son caractère public d’où la question de savoir si les propos tenus par la salariée sur les réseaux sociaux présentaient ou non ce caractère.

Les demanderesses faisaient notamment valoir que les informations publiées par la salariée étaient accessibles à ses « amis », or ceux-ci ne formaient pas légalement une « communauté d’intérêts » (définie comme étant un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations et des objectifs partagés). Les propos devaient par conséquent être qualifiés de publics.

La Cour de cassation confirme opportunément l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et juge que les comptes Facebook et MSN en cause n’étaient accessibles « qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint », et que par conséquent celles-ci formaient une communauté d’intérêts confinant ainsi les propos litigieux à la sphère privée.

On constatera avec attention que le « nombre très restreint » d’amis a été un élément pris en compte par la Haute juridiction pour qualifier les propos de la salariée de privés…




Adam Smith, la main invisible et l'Etat

lundi 8 avril 2013



Les idées passées ne sont pas pour autant des idées dépassées. C'est ce que pensent C. Chavagneux et I. Martinache qui publient un petit ouvrage intitulé « Vive l'Etat!» à partir d'extraits de textes d'Adam Smith éditées par Alternatives économiques dans la collection « les petits matins », dont la vocation est de rééditer des textes « classiques » de la pensée originale.

Adam Smith, auteur écossais du XVIIIème siècle, a sa statue non loin de celle de David Hume dans le Old Edinburg et apparaît sur les billets de 20 livres de la Banque d'Angleterre. Si son œuvre n'est pas particulièrement connue des barmen et des touristes des pubs de Rose Street, elle l'est en revanche des étudiants en économie notamment pour sa théorie de la « main invisible ».

Selon cette dernière, c'est en recherchant leurs intérêts particuliers que les individus contribuent à l'intérêt général. Il s'agit là de l'un des principes fondateurs des sociétés contemporaines particulièrement marquées par l'individualisme. Pour illustrer ce concept les enseignants d'économie utilisent souvent cette citation tirée de l'ouvrage « Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations » publié en 1776:

« It is not from the benevolence of the butcher, the brewer, or the baker, that we expect our dinner, but from regard to their own interest. We address ourselves, not to their humanity but to their self-love. »

Adam Smith est ainsi souvent présenté comme le père fondateur de l'économie classique et de la pensée libérale en économie. Son œuvre est le plus souvent utilisé comme argumentaire contre l'intervention de l'Etat dans l'économie. En effet, Adam Smith explique que l'Etat est à l'origine de nombreuses distorsions en réduisant la concurrence et la libre circulation des facteurs de production.

« But the policy of Europe, by not leaving things at perfect liberty, occasions other inequalities of much greater importance. It does this chiefly in the three following ways. First, by restraining the competition in some employments to a smaller number than would otherwise be disposed to enter into them; secondly, by increasing it in others beyond what it naturally would be; and, thirdly, by obstructing the free circulation of labour and stock, both from employment to employment and from place to place. »

Ces passages de l'œuvre de Smith sont en effet les plus connus. Cependant, Chavagneux et Martinache nous proposent à travers des passages choisis de la Richesse des nations de découvrir une autre facette moins connue de cet auteur. Smith ne serait pas aussi libéral qu'on veut le faire croire.
Si réhabiliter le rôle de l'Etat dans la pensée smithienne semble tout à fait louable, en revanche le choix du titre de cet ouvrage « Vive l'Etat! » galvaude très largement la pensée d'Adam Smith. En effet, Smith accorde une place à l'Etat, mais nous sommes pour autant très loin d'un Etat-providence  ou d'un Etat soucieux des intérêts de tous. La place qu'accorde Smith à l'Etat se retrouve principalement dans les fonctions régaliennes (armée, police, justice). L'Etat dit le droit, reconnaît les droits de propriété, essentiels à l'émergence d'un marché, il surveille le respect des règles de concurrence, il protège les propriétaires, il sécurise leurs biens et garantit ainsi les droits de propriété. L'Etat dans la pensée d'Adam Smith reste une administration au service des propriétaires du capital. C'est d'ailleurs parce qu'ils y ont intérêt que Smith les appelle à payer des impôts pour financer l'éducation de la population par exemple. Vive l'Etat smithien!