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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Sarkozy se trompe de TVA sociale

lundi 30 janvier 2012
Le Président de la République s'est exprimé hier sur plusieurs points de sa politique économique. Je n'ai pas les capacités pour analyser la gestuelle et le ton de son discours mais il m'a semblé qu'il jouait parfois le vieux Président, calme et posé, responsable et donneur de leçons. Pour ceux qui ne l'ont pas vu, vous pourrez regarder la vidéo au bas de ce post. Je ne veux pas lister ses erreurs comme d'autres l'ont très bien fait. Malgré les critiques, l'exercice auquel s'est donné le Président est toutefois louable: je me réjouis que les politiques, à l'image de Pierre Moscovici et Xavier Bertrand ce matin sur BFM TV, jouent le jeu de la transparence et de la pédagogie.

De mon côté, je veux revenir sur un point: le lien entre TVA sociale et coût du travail en France. Il faut d'abord rappeler le mécanisme de la TVA sociale. Il s'agit d'augmenter de quelques points - le gouvernement a choisi 1,6 point - la TVA afin de financer une partie des cotisations patronnales qui entrent dans le coût du travail. Le financement de la protection sociale par la TVA aurait pour effet de réduire le coût du travail en France, plus élevé que la moyenne de l’OCDE surtout pour les plus bas salaires, et d’accroître ainsi la compétitivité des produits français. Elle aurait également l’avantage de faire financer la protection sociale par les produits importés et les achats des 90 millions de touristes qui viennent chaque année en France alors qu’assise uniquement sur les cotisations sociales, la protection sociale n’est aujourd’hui financée que par les biens et services produits en France.

La TVA sociale comporte essentiellement deux problèmes. Elle pèse sur le pouvoir d'achat des moins aisés si les entreprises ne répercutent pas à la baisse les prix. Certains économistes proposent donc une CSG sociale qui viserait à financer directement la protection sociale et qui serait proportionnelle au revenu et non à la consommation. L'utilité de la TVA sociale est constestée dans la mesure où les salaires au niveau du SMIC sont quasiment exonérés de cotisations de sécurité sociale (4,38 % a lieu de 30,38 % soit une réduction de 26 points) et que l'exonération est ensuite dégressive jusqu'à 1,6 SMIC. Il ne faudrait donc tout simplement pas la mettre en oeuvre.

Je pense néanmoins que la TVA est un instrument de politique économique fort. Une véritable TVA sociale pourrait être mise en oeuvre mais elle devrait reposer sur deux principes: l'équité et l'efficacité économiques. L'équité doit amener nos dirigeants à revoir en profondeur les taux réduits de TVA car ceux-ci concernent en bon nombre les ménages ayant des revenus supérieurs à la moyenne. Il faut comme le dit Michel Aujean dans "80 propositions qui ne coûtent pas 80 milliards" concentrer le taux réduit de TVA sur les besoins de première nécessité, à l'origine son "coeur de métier", aujourd'hui ronger par des cadeaux fiscaux. Le réaménagement des taux de la TVA serait alors l'occasion de dégager des marges pour financer en partie l'assurance maladie et les prestations familiales qui relèvent de la solidarité nationale et non du travail.





Les Français, l'entreprise et le travail

jeudi 26 janvier 2012






Pourquoi les français ont-ils une image négative des multinationales et de leurs dirigeants? Notre ami Thomas Roulet apporte quelques éléments d'explications sur le site de la revue « Regards croisés sur l'économie » en rendant compte, de l'image des managers et des entreprises en France.

Un article de novembre 2011 publié dans « The Economist » explique cela par le recrutement des patrons dans un cercle restreint de Grandes écoles. Cette explication apparaît limitée. L'auteur de cet article, s'appuie sur les travaux J.L. Barsoux et P. Lawrence, pour défendre l'idée qu'il s'agit d'un problème de perception de ce qu'est un bon manageur. Les Français ne basent pas leur jugement sur les mêmes critères que les américains: intelligence, analyse et rigueur pour les premiers contre initiative et communication pour les américains.

La France doit-elle pour autant rougir de ses entreprises? Elle place 10 entreprises dans les 100 premières mondiales alors que la France ne représente que 4,4% du PNB mondial. Souvent décriée, l'entreprise est toutefois plébiscitée par les Français: 80% des français ont une bonne image des petites et moyennes entreprises (PME). Ce chiffre est d'autant plus important à considérer que près de 2/3 des actifs occupés sont employés dans des PME.

L'image de l'entreprise française et de son management doit également être appréciée par rapport au ressenti des français sur leurs conditions de travail. Une large enquête de Radio France sur le sujet a été publiée récemment. Cette enquête apporte des éléments de réflexions sur la question malgré l'existence de certains biais de construction que l'on ne développe pas ici. Les principaux résultats de cette enquête sont les suivants.

Seulement 29,9% des enquêtés se sentent bien au travail. L'image des managers n'est pas très flatteuse: 65% des enquêtés pensent que la préoccupation principale des dirigeants de leur entreprise est « la course à la rentabilité et à la productivité » alors que seulement 1,4% considère que les dirigeants d'entreprise sont préoccupés par le « bien-être au travail ». Paradoxalement, 67,5% déclarent travailler dans une bonne ambiance relationnelle avec leurs collègues et plus de la moitié trouvent que les conditions de travail se sont améliorées ces dernières années. Pour poursuivre ces améliorations 24% des sondés considèrent qu'il faut « arrêter la course à la rentabilité ».

La question la plus bête du monde

mardi 24 janvier 2012
Alors que je lisais un dossier sur l'ISF dans le journal Le Monde je suis tombé sur une jolie carte de la répartition des contribuables de l'ISF en région parisienne.

















On constate une concentration des plus gros redevables de l'ISF dans certains arrondissements de Paris et dans certaines communes de la banlieue parisienne. L'article précise le constat mais tente aussi de répondre à la question la plus bête du monde: pourquoi retrouve-t-on une telle répartition géographique des riches?

La réponse à la question la plus bête du monde est simple et s'explique en deux points.

  • Alors que chaque individu riche peut être content de vivre dans un quartier moins riche, l'accumulation de décisions individuelles peut entraîner une ségrégation spatiale. C'est le théorème de Schelling: une préférence pour ne pas avoir trop de personnes différentes de vous dans votre quartier ou une préférence pour avoir quelques personnes identiques à vous dans votre quartier peut renverser l'équilibre spatial d'un quartier. Ainsi, les riches ou les pauvres (et les super-riches et les super-pauvres) tendent à se regrouper dans des quartiers suite à une série de décisions individuelles.

  • Les gros redevables de l'ISF vivent dans des quartiers dont la couronne est composée de quartiers qui tout en étant moins riches sont tout de même relativement aisés. Le bonheur est relatif: je ne suis bien que si je suis mieux que mon voisin. Pour des raisons de sécurité physique mais aussi de compréhension mutuelle, il est cependant mieux que mon voisin me soit tout de même relativement semblable.

Crise de la dette: la faute à Sarkozy mais pas seulement!

mardi 17 janvier 2012
Alors que le livre "Un quinquennat à 500 milliards" critique la gestion des comptes publics par le président actuel Nicolas Sarkozy et que la droite accuse de manière récurrente la gauche d'avoir été irresponsable en matière de gestion des affaires publiques, il semble nécessaire de faire le point sur la gestion de la dette publique par les divers gouvernements français.

Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse à Berlin, le 09/01/2012. (JOHANNES EISELE / AFP)
Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse à Berlin, le 09/01/2012. (JOHANNES EISELE / AFP)

La dette a explosé entre 2002 et 2011

De 1981 à 2011, la dette publique est passée de moins de 25% du PIB à plus de 80%. Contrairement à l'idée reçue selon laquelle la droite gèrerait plus sérieusement les deniers publics, l'analyse des données montre qu'aucun des deux partis ne s'est avéré plus rigoureux que l'autre. Ainsi, nous n'avons jamais eu d'excédents budgétaires sur les trente dernières années. A titre d'exemple, l'Allemagne a elle eu des excédents budgétaires à deux reprises ces quinze dernières années...

Pire encore, les déficits publics n'ont été maintenus en-dessous du seuil de 3% des critères fixés par le Traité de Maastricht que lors de la période 1998-2001 et 2005-2007. Peut-on se féliciter de ne respecter les règles que l'on s'impose qu'une fois sur trois ? Et l'instauration d'une règle d'or n'y aurait rien changé.

Si l'on regarde dans le détail des gouvernements de droite et de gauche, on constate que la gauche a même été bien meilleure gestionnaire de la dette publique. Lorsque le Premier ministre est socialiste - de 1981 à 1986, de 1988 à 1993 et de 1997 à 2002 -, la dette publique augmente respectivement de 12 points et de 8 points et diminue de 0,5 points de PIB. A l'inverse, lorsque le Premier ministre est de droite - de 1986 à 1988, de 1993 à 1997 et de 2002 à 2011 -, la dette augmente respectivement de 5 points, 14 points et enfin de 24 points de PIB.

Le président Nicolas Sarkozy a dit à plusieurs reprises qu'il avait hérité essentiellement de l'endettement des gouvernements passés. Il devrait préciser qu'il hérite en grande partie de la dette des gouvernements de droite, qui même en dehors des périodes de crise (1993-1994 et 2008-2011) ont eu fortement recours à l'endettement public.

Il convient cependant de relativiser la responsabilité réelle de Nicolas Sarkozy dans l'explosion de la dette. Le chiffre de 500 milliards d'euros retenu par les auteurs du livre "Un quinquennat à 500 milliards" fait référence à la dégradation de la dette publique nette des mesures anti-crise et de la dégradation des recettes publiques.

Si l'on s'en tient au solde public structurel, le déficit corrigé de la conjoncture, à supposer que Nicolas Sarkozy aurait maintenu un déficit structurel nul, la présidence actuelle aurait coûté plus sûrement 320 milliards d'euros d'augmentation de la dette publique et non 500 milliards. Si l'on regarde l'écart du déficit public constaté entre 2008 et 2011 et la cible de 3%, on trouve exactement le même chiffre, soit un surcoût de 320 milliards d'euros.

Un chiffre proche de celui donné par la Cour des comptes qui estime toutefois que l'augmentation de la dette publique aurait pu être de 33% moins élevée avec une meilleure gestion des deniers publics...

Contre le "mur de dettes", la croissance!

jeudi 5 janvier 2012


Pour fêter la nouvelle année, j'ai pensé qu'il serait plaisant de réfléchir à nouveau à la question de la dette sur laquelle nous avions déjà publié un précédent commentaire. Dans l'édition du 4 janvier 2012 du journal des Echos en effet, Jacques Delpla, membre du Conseil d'analyse économique et ancien membre de la commission Attali, propose d'opposer un "mur d'actifs" au mur d'endettement pour garantir le remboursement de la dette française qui, rappelons-le, atteint aujourd'hui environ 1 600 milliards d'euros soit 84 % du PIB français.

Soucieux de ne pas faire porter le poids de la dette sur les générations futures, l'éminent économiste propose de taxer à 15 %, de façon exceptionnelle, l'ensemble des actifs nationaux (immobiliers, fonciers, financiers), estimés à 12 500 milliards d'euros, afin d'alimenter un fonds d'Etat chargé de garantir la dette et de la rembourser progressivement. Il précise que cette taxe pourait être aussi bien payée en cash qu'en titres de propriété, permettant ainsi aux "pauvres"détenteurs d'actifs (les propriétaires d'un bien immobilier qui ne possèdent pas de  liquidités comme les fameux "retraités de l'île de Ré") de payer la nouvelle taxe sans avoir à céder leurs biens.

Si l'idée de M. Delpla apparaît cohérente, il semble que la taxation proposée par l'économiste ne soit pas souhaitable. Porquoi? Parce qu'elle n'est pas juste et qu'elle ne remet pas en question l'analyse traditionnelle de la dette.

Pourquoi faudrait-il rassurer les prêteurs?

Tout d'abord, pourquoi faudrait-il créer un fonds de garantie de la dette française financé par une taxation à 15 % des actifs français alors que ceux-ci sont déjà valorisés à 12 500 milliards d'euros? La constitution d'un tel fonds servirait en fait uniquement à rassurer les investisseurs en leur rappelant -une nouvelle fois?- que derrière le passif français existe bien un actif dont le montant reste, aujourd'hui encore, bien supérieur à la dette française. A quoi bon mobiliser dans une structure spécifique ces 1 600 à 1 800 millliards d'euros? Les prêteurs de la France sont-ils aveugles au point que l'on doive leur mettre sous les yeux, dans une structure particulière, une partie des actifs français et ce uniquement pour leur redonner confiance et les tranquiliser? Il serait temps que les prêteurs apprennent la notion d'actifs et comprennent que l'endettement de la France a servi à investir et à enrichir le patrimoine national.


Une proposition qui ne modifie pas l'analyse traditionelle de la dette

La limite de la solution proposée par M. Delpla réside essentiellement dans son absence de remise  en cause de l'analyse traditionnelle de la dette: celle-ci reste toujours comparée au PIB c'est-à-dire à un flux annuel (1 800 milliards d'euros en 2010), alors que la dette constitue un stock (1 600 milliards d'euros). Il serait plus logique de comparer deux stocks entre eux, donc la dette totale à la somme des actifs français, ou encore des flux entre eux c'est-à-dire  la charge annuelle de la dette rapporté et le PIB. Dans cette logique, le ratio d'endettement (dette/actifs) atteint  13 % environ, ce qui apparaît tout de suite beaucoup moins préoccupant que les 85 % de taux d'endettement  dont la presse se fait sans cesse l'écho.

Quand bien même continuerait-on à comparer le stock de dette à un flux de revenu, rappelons que les Etats restent bien moins endettés que les particuliers, alors qu'on ne cesse de répéter qu'il conviendrait de gérer les finances de l'Etat "en bon père de famille". Or un particiculier qui achète un bien immobilier -sa résidence principale par exemple- s'endette à hauteur de six, dix voire quinze fois son revenu annuel (ratio d'endettement de 500 à 1 400 %) si l'on compare le montant de  l'emprunt (la dette) au revenu annuel (le salaire). En comparaision, la dette de la France ne repésente même pas deux fois son revenu annnuel! Pas de quoi s'inquiéter donc.

Une proposition qui ne règle en rien l'injustice fiscale

Une critique supplémentaire à la proposition de l'économiste reste son injustice. En taxant à 15 % tous les actifs, le principe de progressivité de l'impôt est nié et le simple détenteur d'une résidence principale paie le même taux d'imposition qu'un multimillonnaire: n'est-ce pas remettre en cause l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, laquelle a valeur constitutionnelle, qui dispose que la contribution des citoyens doit être "également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés". Il ne s'agit pas seulement de réduire la dette mais encore de savoir  qui va la payer et selon quelles régles.

La proposition de M. Delpla fait fi d'une plus grande justice fiscale alors que c'est cette injustice qui explique en grande partie l'actuelle dette française: les plus riches ne paient pas les impôts nécessaires au bon fonctionnement de l'Etat. Une révolution fiscale apparaît aujourd'hui tout à fait indispensable et les élections prévues en 2012 seront, espérons-le, l'occasion d'un débat de fonds sur le thème de la justice fiscale. Cela ne dispense évidemment pas de maîtriser les dépenses publiques, mais il faut admettre que la France préfère, depuis 35 ans, financer ses dépenses par l'emprunt davantage que par l'impôt.

La croissance: une solution efficace contre la crise

Pour conclure, il convient également de contester l'idée que la dette ne doit pas être remboursée par les générations futures. En effet, grâce à la croissance économique, les générations futures seront beaucoup plus riches que les générations actuelles et passées et seront donc beaucoup plus à même de rembourser les dettes que nous ne le pouvons. Ils bénéficieront  d'un stock d'actifs plus important, ce qui réduit d'autant le niveau réel de l'endettement.

Pourquoi donc taire le fait que la croissance reste le plus sûr moyen de rédure le déficit et l'endettement? C'est pourtant le chemin inverse que prennent la France et ses partenaires européens, tous engagés dans des politiques d'austérité qui rendront encore plus long et difficile le désendettement de l'Etat.

Meilleurs voeux pour cette année 2012!

aleks.stakhanov@gmail.com