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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Nobel d'économie 2012: jeu, set et match

mercredi 31 octobre 2012

L'attribution récente du "Nobel" d'économie à deux microéconomistes, spécialisés en théorie des jeux et dans le design des marchés, a entraîné plusieurs réactions des commentateurs, qui en pleine crise économique mondiale, voyaient le prestigieux prix être remis à un macroéconomiste. 

Les récents lauréats du prix Nobel d'économie, Alvin Roth et Lloyd Shapley, ont été récompensés pour leurs travaux sur la théorie des jeux coopératifs, c'est-à-dire des jeux dans lesquels les acteurs peuvent se concerter et s'engager à coopérer avant de définir une stratégie permettant d'augmenter leur bien-être. Les théoriciens des jeux estiment pouvoir identifier des combinaisons de stratégies permettant aux individus d'atteindre une situation optimale. Trop théorique nous dira-t-on. Quasiment inutile diront d'autres, le marché permettant la rencontre de l'offre et de la demande, la théorie des jeux n'est intéressante à étudier que quand les acteurs ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Et pourtant, une telle réflexion est capable de changer profondément le monde dans lequel nous vivons.

Les travaux d'Alvin Roth et Lloyd Shapley ont été en partie consacrés à la possibilité de maximiser les stratégies des agents sur des marchés où il n'y a pas de prix apparent. Le "marché" du mariage est un exemple souvent cité mais il est existe également des coûts apparents à plusieurs marchés, basés sur les listes d'attente comme les dons d'organes ou les affectations en université. Tous ces marchés n'ont pas de système de prix et leur fonctionnement est largement instable. Alvin Roth a par exemple participé à la création de systèmes de gestion des dons d'organe permettant de diminuer les listes d'attente. Par exemple, un mari prêt à offrir un rein à sa compagne peut ne pas être compatible avec son épouse mais l'être pour sauver la femme d'un autre donneur ayant potentiellement le groupe sanguin requis. Il est alors simple de comprendre que la réduction rapide des temps d'attente est possible pour les deux couples en croisant les donneurs et les receveurs. Des algorithmes simples permettraient d'améliorer le marché de l'adoption, les affectations des fonctionnaires et des étudiants également. Certaines entreprises sont en train de développer ce type de stratégies: Starbucks pense à mettre en place un plan permettant à un salarié d'échanger son travail avec un autre salarié de manière à ce que chacun d'eux travaille plus près de son domicile. 

A plusieurs reprises, ces réflexions ont été considérées inutiles. Les politiques, les spectateurs, les commentateurs sont généralement plus concernés par la conjoncture économique et les salariés d'entreprises traitent en majorité de transactions tarifées, d'équilibre des budgets, de stratégie-prix que d'amélioration du fonctionnement de marchés, qui par ailleurs n'ont souvent pas de prix. Toutefois, le développement des nouvelles technologies a changé la donne. Avec la généralisation des enchères en ligne et des produits basés sur la gratuité de l'usage mais vivant de la publicité et étant donc terriblement dépendants de leur audience, les microéconomistes ont retrouvé un succès certain dans la "vraie" vie. Hal Varian (Berkeley) est le chef économiste de Google, R. Preston McAfee est au centre de recherche de Google après avoir passé plusieurs années chez Yahoo!, Susan Athey (Harvard) est conseillère de Microsoft, Patrick Bajari (Minnesota) a récemment rejoint Amazon pour être vice-président et chef économiste, et Steven Tadelis (Berkeley) est économiste chez eBay. 

Bravo à l'Union européenne pour son prix Nobel de la Paix

dimanche 14 octobre 2012


Vendredi 12 octobre, le comité Nobel réuni à Oslo a remis le prix Nobel de la Paix à l'Union Européenne. Alors que l'Union européenne semble en panne depuis de nombreuses années et que  s'éloigne le rêve d'une Union sans cesse plus étroite des peuples européens, ce prix vient rappeler que, malgré les difficultés économiques persistantes et les reproches légitimes qui peuvent être adressées envers l'institution européenne, celle-ci n'est pas exempte de réussite.

En honorant l'UE de son prix Nobel, le Comité a voulu récompenser l'Union pour sa promotion de la paix, de la réconciliation, de la démocratie et des droits de l'homme en Europe. Sur ce plan, le succès est incontestable puisqu'aucun membre de l'UE n'a été en situation de guerre avec ses partenaires. Après deux guerres mondiales sanglantes, l'objectif de la construction européenne a donc été atteint: nul n'envisage plus désormais de recourir à la force, la guerre est devenue inimaginable et la situation de paix entre membres est devenue la norme alors qu'elle était l'exception avant la Seconde guerre mondiale.

N'en déplaise aux eurosceptiques, en raison même de la paix, les bénéfices de l'UE seront toujours bien supérieures aux déceptions que ses politiques peuvent susciter. Rappelons d'une part que toutes les politiques de l'UE sont toujours approuvées par les Etats au sein du Conseil, si bien que les critiques devraient plutôt concerner les Etats que l'Union elle-même. D'autre part, l'importance de l'économie apparaît somme toute très relative au regard du bien commun que constitue la paix entre les peuples. Ainsi l'opposition aux dernières mesures économiques prises par l'Union, notamment le TSCG, ne suffit pas à discréditer l'Union et son bilan. L'économie est bien peu de choses si on la compare aux sujets d'importance tels que la guerre et la paix.

Reste que l'on pourrait aussi regretter la timidité du Comité Nobel, qui récompense l'action de l'UE sur le plan interne, en faveur de ses états-membres, mais occulte ses efforts en tant qu'acteur international de promotion de la paix. Il est vrai que les pays européens se sont déconsidérés lors de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie avec les conséquences dramatiques que l'on connaît. Mais l'objectif d'une politique étrangère et de sécurité commune n'avait pas encore été adopté en 1991 (Traité de Maastricht en 1992) et l'impuissance de l'UE s'explique encore une fois par les divisions des Etats et la persistance de vieux réflexes diplomatiques fondés sur des intérêts nationaux. Surtout, des actions ont été conduites dans l'ensemble du monde, tant sur le plan civil que militaire, en Afrique, dans les Balkans, au Moyen-Orient ou dans le Caucase et elles contribuent aux efforts de l'Union en faveur de la paix: le comité aurait dû le rappeler.

D'aucuns parmi les eurosceptiques ont exprimé leur stupéfaction à l'annonce du verdict du comité Nobel. L'UE ne serait pas un producteur de paix mais au contraire le principal facteur de "guerre sociale" en Europe en raison des plans d'austérité qui se succèdent dans les pays d'Europe, de l'augmentation du chômage et des tensions sociales qu'ils provoquent. Le fait qu'une telle prise de position vienne de personnalités politiques aussi contestables que Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan suffit je crois à la déconsidérer. Rapprocher les politiques de l'UE à des actions de guerre constitue une manipulation intellectuelle. La contestation sociale des politiques européennes est légitime mais une telle analogie me rappelle la référence abusive à l'image de la prise d'otage à la moindre grève ou manifestation: elle est absurde. Enfin, s'il existe bien une entité qu'il faut dénoncer dans la crise actuelle, c'est moins l'Union européenne, dont l'action est publique et qui est à ce titre l'objet de critiques dans nos démocraties, que les marchés financiers, lesquels n'ont pour le compte toujours pas de numéro de téléphone.

aleks.stakhanov@gmail.com



Montebourg et la politique industrielle (bis)

lundi 8 octobre 2012
On parle beaucoup de la similarité des interventions de Nicolas Sarkozy à la cité des "4000" en 2005 et celle de François Hollande à Echirolles la semaine dernière. On parle moins de la similarité de l'intervention de Montebourg la semaine dernière avec celle de Batman en août dernier. 


Montebourg à Florange.


Batman à la mairie de Gotham.


We are Pigeons

mardi 2 octobre 2012
Je ne suis pas - pour le moment - entrepreneur. Toutefois, j'ai défendu dans mes recherches antérieures à l'ESCP, mes tribunes et les différentes commissions auxquelles j'ai participé la nécessité de créer un environnement favorable à l'innovation en France. Je me permets à ce titre d'avoir un avis tranché sur les pigeons et de partager des éléments de réflexion d'Henri Verdier, un véritable entrepreneur.
 
 
 
Beaucoup de chroniqueurs télés et des entrepreneurs ont critiqué le projet de loi de finances 2013 qui prévoit d'aligner la fiscalité du patrimoine sur celle du travail. Les entrepreneurs mettent en avant les risques pris et la probable démotivation des investisseurs face à un tel arsenal financier.
 
Henri Verdier adresse trois critiques au mouvement "je ne suis pas un pigeon". D'abord, le mouvement fait croire que le gouvernement n'aime pas les entrepreneurs, ce qui est faux si l'on prend en compte la pérénisation d'un certain nombre d'instruments maintenus, à commencer par le Crédit Impôt Recherche (CIR), étendu aux petites et moyennes entreprises. Ensuite, le mouvement semble plus un mouvement contre le gouvernement ou la majorité au pouvoir plus qu'un véritable instrument de lobbying pour améliorer la fiscalité des entreprises françaises. Enfin, il existe en ces temps des personnes encore plus mal loties que les entrepreneurs.
 
 

Montebourg et la politique industrielle


« A chaque fois qu'on a nationalisé, l'Etat n'a pas été un très bon gestionnaire », a fait remarquer Arnaud Montebourg, dimanche soir sur le plateau du journal de 20 heures France 2. 

C'est faux, l’intervention de l’Etat dans l’organisation industrielle a été un succès dans l’après guerre, elle a connu plusieurs échecs dans les années 1980 avant d’être vidée de son sens par l’Acte Unique européen qui interdit toute aide d’Etat. A plusieurs reprises dans les années 1990, on s’est demandé si l’Etat ne devait pas avoir un rôle de prêteur en dernier ressort pour sauver les industries en faillite. L’industrie automobile américaine a quasiment nationalisée en 2008 et est aujourd’hui redevenue compétitive (jusqu’à quand ?).

En fait, l’Etat n’est pas mauvais gestionnaire, ni mauvais actionnaire. Il ne prend pas plus de temps que le « marché » à recouvrir ses pertes. Il prend juste plus de temps à se retirer des activités déficitaires.