Les générations qui grandissent pendant des récessions ont-elles des croyances socio-économiques différentes de celles qui grandissent pendant des périodes de croissance importante ? Une étude récente de Giuliano et Spilimbergo mesure l’impact des chocs macroéconomiques durant les années de jeunesse aux réponses données quelques années plus tard dans le General Social Survey. Les résultats sont frappants : les individus qui grandissent en période de récession ont tendance à penser que la réussite dépend plus de la chance que de l’effort, sont en faveur d’une redistribution forte et font moins confiance aux institutions publiques.
Dans un papier récent, Bruckner et Gruner (2010) s'intéressent au lien entre croissance du revenu par tête et extrémisme politique à partir de données sur 16 pays de l’OCDE. Lorsque l’incertitude sur les revenus futurs augmente, des votants averses au risque, deviennent moins « timides » et sont susceptibles d’être séduits par des slogans extrémistes. Dans les faits, un revenu par tête élevé est négativement corrélé à un vote extrême. A l’inverse, une chute de revenu de 1% entraîne une augmentation de 1% des votes en faveur de l’extrême droite. Les pays les plus inégalitaires sont les moins sensibles aux changements de vote qui suivent les variations de revenus. En revanche, les pays ayant une distribution des revenus plus égalitaire, comme les pays scandinaves, sont très sensibles à l’effet « revenu » sur le vote extrémiste : une chute de 1% du revenu entraîne une augmentation des votes de 2% en faveur de l’extrême droite.
Aucune des deux études ne concluent à un retour à l’extrémisme politique des années 1930 suite à la grande dépression. Deux raisons à cela : i) la récession économique des trois dernières années est moins violente que celle des années 1930 ; ii) la démocratie des pays de l’OCDE est plus stable que celle des années 1930. Conséquence : les partis traditionnels tentent d’absorber les thèses extrémistes pour satisfaire l’électorat. L’augmentation des votes concerne essentiellement l’extrême droite et les partis nationalistes, au détriment du parti communiste ou de l’extrême gauche. Explication : le votant moyen estime qu’il ne profitera pas d’un surplus de redistribution si l’extrême gauche avait plus de pouvoir.
Les deux articles convergent dans leur thèse principale selon laquelle la démocratie libérale est mise à mal par la volatilité économique. Mais ils ne prévoient pas les mêmes conséquences : volonté de redistribution forte pour les premiers contre nationalisme fort pour les seconds. La première étude s’intéresse aux conséquences sur le long-terme des années de récession vécues dans la jeunesse tandis que la deuxième s’intéresse aux changements politiques spontanés qui suivent une récession. Dans les deux cas, la gestion de la crise actuelle cache des enjeux politiques qui dépassent le cadre purement économique.
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