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Quand faut-il naître ?

mardi 23 février 2010
Y-a-t-il une bonne époque pour naître ? Les démographes le savent : un fait historique – guerre, catastrophe naturelle, pandémie – a des conséquences sur une population à long terme. Le déversement de 70 millions de litres de défoliants dans le Sud du Vietnam entre 1961 et 1971 a causé des malformations chez plus de 200 000 enfants vietnamiens nés pourtant des années après la fin de la guerre du Vietnam (1975). Certains facteurs sont exogènes ; d’autres sont liés aux comportements humains : les démographes le savent bien aussi.

Almond et Mazumder (2009) s’intéressent par exemple au lien entre le jeûne du Ramadan chez les femmes enceintes et la santé de l’enfant in utero. A partir d’un panel de données sur les naissances dans les communautés musulmanes du Michigan et du Sud de l’Ouganda, ils montrent que les enfants nés de femmes qui ont jeûné pendant leur grossesse ont une probabilité plus grande d’avoir un handicap physique tel qu’une incapacité mentale, visuelle ou auditive aussi bien à la naissance qu'au cours de la vie, et, avec une probabilité plus forte, un faible poids à la naissance. Les tendances sont les mêmes pour le Michigan et l’Ouganda : les enfants nés 9 mois après le début du Ramadan sont les plus touchés par les différentes formes de handicaps. En Ouganda, les enfants nés 9 mois après le Ramadan ont un risque 22% plus élevée que la moyenne d’avoir un handicap en grandissant. En fonction du calendrier lunaire qui détermine chaque année le début du mois de Ramadan, les auteurs pensent qu’il est possible de prédire le mois pendant lequel le taux d’enfants naissant avec un handicap sera le plus élevé et ainsi vérifier la pertinence de leur étude statistique.

Plusieurs études ont également été réalisées sur l’écart optimal qu’il faut observer entre deux naissances. Du point de vue sanitaire, des naissances rapprochées peuvent entraîner des conditions de vie difficile pour l’enfant qui naît et pour la mère. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne que des grossesses trop rapprochées augmentent les risques de complications lors de l’accouchement. L’OMS recommande d’espacer les naissances d’au moins deux ans. Statistiquement, les risques de naissances prématurées, de faible taille ou de faible pondération pour l’enfant, sont également plus importants lorsque les naissances sont espacées de plus de cinq ans. Toutefois, l’OMS se garde de faire une recommandation sur la partie supérieure de l’intervalle.

Plus récemment, les études sur l’espacement des naissances dans les pays de l’OCDE se sont concentrées sur la « qualité » des enfants. Dans les pays de l’OCDE, la norme est d’avoir deux enfants et les profils d’espacement des naissances convergent ou divergent selon les politiques familiales qui y sont menées. Le gap entre deux naissances dans une même famille peut-il influencer les résultats scolaires des enfants?

Dans une étude sur la Suède, Per-Petterson et Skogman Thoursie (2006) s’intéressent aux effets de la réforme du congé parental en Suède (1980) qui permet de bénéficier de revenus de remplacement élevés sans retourner sur le marché du travail entre deux naissances à condition que la période entre les deux naissances n’excèdent pas 24 mois. Autrement dit, la politique familiale suédoise donne une prime au faible espacement des naissances pour éviter les sorties multiples du marché du travail. Conséquences : l’écart entre les naissances a beaucoup diminué et les résultats scolaires des enfants aussi. En contrôlant par le niveau d’études et le salaire des mères, le nombre d’enfants, le genre des enfants, on retrouve cet effet négatif du faible écart entre deux grossesses.

Comment expliquer de tels résultats alors que l’école est gratuite et que les inégalités de revenus en Suède sont parmi les plus faibles ? Les auteurs avancent deux explications à ce phénomène : d’abord, la dilution de l’attention des parents entre les enfants ; ensuite, le manque de moyens des services publics pour l’enfance (crèches, etc.) dans les années qui ont suivi la réforme.

Quelle leçon doit-on en tirer pour la politique familiale en France ? Le congé parental français est assez différent : à chaque enfant, un congé d’un an peut être renouvelé deux fois. Faute d’assistance suffisante, beaucoup de femmes déclarent vouloir mais renoncer à un enfant supplémentaire. Afin de maintenir une fécondité élevée – nous sommes champions d’Europe - et d’améliorer la transition entre grossesses et marché du travail, les pouvoirs publics devraient privilégier les investissements dans les services de l’enfance et non une prime à la réduction des écarts de naissance entre les enfants…pour l’amour de nos petits !

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