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Le prénom et le nom déterminent-ils une existence ?

mercredi 24 février 2010
Le nom est il un facteur de réussite ? Dans un article connu, Fryer et Levitt (2004) analysent l’impact du prénom sur les parcours scolaires et professionnels. A partir d’un échantillon de registres de naissances en Californie, ils montrent qu’il existe une corrélation forte entre le prénom et la qualité d’existence des individus. Les auteurs ne considèrent cependant pas le prénom comme un facteur pouvant influencer la réussite future d’un enfant mais comme un indicateur d’un background culturel et socio-économique. Autrement dit, une famille à faibles revenus et avec peu de diplômes a plus de chances de choisir un prénom associé à une moindre réussite scolaire ou sociale, et ainsi de perpétuer l’association d’un prénom à un destin social. Les auteurs estiment par exemple à partir des registres californiens que les mères noires isolées et avec des revenus faibles ont tendance à donner à leurs enfants des prénoms que l’on ne retrouve chez aucune famille blanche. L’analyse de l’évolution du stock de prénoms est toutefois rassurante : un prénom de « perdant », ou un prénom ringard, peut devenir un prénom de « gagnant » ou un prénom à la mode.

Aux Etats-Unis, mon prénom – Simon - est associé, selon un sondage en ligne, à l’intelligence et à la vieillesse. Pourtant, Simon n’est pas un prénom de vieux : il y a quatre fois plus de bébés prénommés Simon en 2008 qu’en 1960 ! Mais le prénom reste relativement peu distribué aux Etats-Unis : il n’est dans le Top 100 des prénoms masculins d’aucun Etat américain. A priori, Simon n’est donc pas un prénom discriminant pour réussir mais peut paraître vieillot. Heureusement, un prénom peut se changer en surnom.

Qu’en est-il des enfants nés en France de parents étrangers ? On pourrait s’attendre à ce que les parents, soucieux de leur intégration dans la société française, donnent un prénom sonnant « français » à leurs enfants, c'est-à-dire un prénom avec une racine latine et biblique.

Dans une étude récente, Arai et al. (2008), à partir d’une base de l’INSEE d’enfants nés après 2002, s’intéressent aux prénoms donnés aux enfants nés en France, en distinguant cinq groupes d’enfants : les enfants français nés de parents français, de parents originaires d’un autre pays d’Europe ou de parents originaires du Maghreb ou du Moyen-Orient ; et les enfants étrangers, nés de parents étrangers européens ou originaires du Maghreb ou du Moyen-Orient. A partir des noms attribués par les différents groupes, ils calculent un indice de distance par rapport au groupe de noms le plus attribués aux enfants français nés de parents français.

Les prénoms attribués sont très différents d’un groupe à l’autre, particulièrement pour les enfants étrangers nés en France de parents originaires du Maghreb ou du Moyen-Orient. La raison n’est pas religieuse mais culturelle, les pratiques religieuses n’étant pas corrélées au fait d’attribuer un nom se rapprochant d’un nom français. En revanche, les prénoms des enfants français nés de parents étrangers ont tendance à être similaires à ceux donnés à des enfants français nés de parents français. La tendance à donner un prénom similaire à ceux des enfants français nés en France est renforcée par le niveau d’éducation des parents, le nombre d’années qu’ils ont vécu en France, et l’âge auquel ils sont arrivés. Les auteurs concluent à une forte assimilation des immigrés dans la société française.

Si un individu peut cacher son prénom, il aura plus de mal à falsifier son patronyme. Le dernier rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) révèle un fort taux de réclamations sur le critère de l’origine et du nom, notamment dans le cadre de l’obtention d’un logement, où la mise en cause des origines atteint 50% du total (il est de 37% dans l’éducation et de 25% pour l’emploi). Le patronyme est un signal pour les forces discriminantes.

Dans une étude sur le marché du travail suédois, Arai et Skogman Thoursie (2006) montrent que les immigrés qui changent de patronymes – le cas le plus courant étant les personnes nommées Mohammad sous une de ses différentes formes d’orthographe - pour un nom sonnant suédois (Andersson, Bergman, Olofsson, etc.) ont i) plus de chances de trouver un travail et ii) deviennent plus productifs à cause du sentiment d’insertion qu’ils éprouvent. Ils évaluent à 26% le surplus de salaire résultant d’un changement de nom et concluent à un degré élevé de discriminations sur le marché du travail suédois. Doit-on alors inciter les migrants à changer de patronymes pour une meilleure insertion ?

En France, la francisation du nom des personnes naturalisées est une procédure courante, sur la base du volontariat afin de faciliter leur intégration. Le changement de prénom est également possible, y compris pour les enfants. Les études de Patrick Weil sur l’immigration montrent bien une évolution dans l’acception et l’insertion des immigrés. Les Espagnols, les Italiens et les Portugais ont des noms dont les origines culturelles et religieuses sont les mêmes que les Français. Leur intégration a pourtant été longue et difficile. Elle est aujourd’hui néanmoins considérée comme acquise. Que l’on se rassure, les discriminations ne sont ni générales, ni absolues.

2 commentaires:

dedeor a dit…

L’intégration c'est donner à son enfant un prénom latin ou hébreux ? Vous ne confondez pas avec assimilation ?
Des citoyens égaux en droit ? Ou est la justice ?

Simon PORCHER a dit…

Ne retirez pas le mot "intégration" du contexte dans lequel il est mentionné dans le post. Bien évidemment, dire comme Zemmour qu'un français doit porter un nom français, c'est chercher l'assimilation plus que l'intégration.

Par contre, vous ne pouvez pas nier que le choix de certains immigrés de donner un prénom assimilé à un nom français ou que les services de migration vous laissent le choix d'ajouter un prénom sonnant devant votre prénom étranger lors de votre naturalisation visent l'intégration et non françaisl'assimilation.

Quant à votre question sur la justice, je ne la comprends pas mais vous savez comme moi que ni la pénalisation des discriminations, ni l'égalité de fait n'empêchent les discriminations. Seule l'évolution des mentalités peut les étouffer et celle-ci est longue.

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