Le hasard de la naissance peut être un fardeau à supporter toute sa vie ou une chance dont il faut jouir au maximum. La réflexion du philosophe Epictète (v. 50-125 après JC) dans son Manuel est aussi juste que violente : « souviens-toi que tu es acteur dans un drame que l’auteur a fait à sa volonté ». L’acte de naissance est en lui-même la première inégalité : un individu né aux Etats-Unis a trois fois plus de chances d’être pauvre qu’un individu né en France ; un enfant né en Afrique sub-saharienne aura une vie deux fois plus courte qu’un enfant né au Japon. Trois types d’inégalités à la naissance vont être rapidement analysés dans ce post qui sera scindé en trois parties - l’inégalité liée au genre (Partie I), les inégalités conséquentes à la temporalité de la naissance (Partie II) et l’inégalité qui peut résulter du nom ou du prénom (Partie III) – pour répondre à la question suivante : peut-on diminuer les inégalités liées à la naissance en modifiant des choix individuels ?
Être une femme a un coût économique. Une étude de l’INSEE (2006) sur le système éducatif français (1984-2004) confirme la tendance des filles à mieux réussir leurs études que les garçons. 68% d’une génération de filles possède le baccalauréat contre seulement 56% pour les garçons. Elles obtiennent également avec une probabilité plus grande un diplôme du supérieur. Les inégalités de salaire entre hommes et femmes sont pourtant de 19% - 350 euros nets par mois - en France et le coût implicite d’être une femme au cours de la vie professionnelle, sans prendre en compte les inégalités de pensions de retraite, est donc de 160 000 euros (350 euros par mois pendant 40 ans). Comment expliquer un tel coût lié au genre ?
Une partie des inégalités salariales est justifiée par les différences de durée de paie entre les genres - les femmes connaissent des ruptures de leur activité salariale plus régulières que les hommes, notamment du fait de la maternité – mais également par des choix de scolarité moins rémunérateurs. Malgré une modification des incitations possibles en réformant le congé parental et en incitant les filles à choisir une filière plutôt qu’une autre, il y a une réalité sociologique évidente : les femmes prennent plus de congés que les hommes pour assurer des tâches familiales quotidiennes (s’occuper des enfants malades par exemple) et les écarts de salaires sont persistants en contrôlant pour les diplômes et les spécialisations (Goldin et Katz, 2009).
Dans un article original, Ichino et Moretti (2009) démontrent à partir d’une étude sur les salariés d’une entreprise que l’absentéisme résultant des désagréments liés aux cycles menstruels explique 14% des différences salariales entre hommes et femmes. L’absentéisme régulier lié aux règles - il est nettement fréquent par période de 28 jours dans la base de données - des femmes de moins de 45 ans constitue un « signal » négatif qui les pénaliserait dans l’ensemble de leur carrière. Elles ont effectivement un moindre accès aux promotions managériales internes du fait même de cet absentéisme régulier alors qu’il n’affecte pas pour autant leur productivité globale. Le débat sur l’égalité salariale devrait donc aborder les questions suivantes : doit-on subventionner les femmes de moins de 45 ans ou avantager les femmes de plus de 45 ans dans les nominations et les promotions professionnelles?
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