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Sarkozy et l’art de la stratégie politique

mardi 16 novembre 2010





Je viens de relire les pages centrales de l’Art de la stratégie par Avinash K. Dixit et Barry J. Nalebuff. Sans être un insider de l’Elysée, j’avais pronostiqué la stratégie suivante:

- Sarkozy veut préparer l’élection de 2012 et décide de se recentrer sur son électorat traditionnel en se séparant des ministres de l’opposition ;
- il veut se poser en candidat naturel et décide de nommer un Premier ministre qui ne fait pas de vagues : Michelle Alliot-Marie ;
- conscient que le centre-droit va présenter un candidat en 2012 et soucieux de ne leur laisser que les non-présidentiables, il décide de garder des centristes au gouvernement, dont un des chefs de file, Jean-Louis Borloo, prend le ministère des finances et la gestion de l’ensemble de la politique sociale (puisque Morin n’est pas une véritable menace) ;
- son plus grand opposant à sa propre succession étant Fillon, il fait comprendre à ce dernier que s’il ne se représente pas, il lui passera le flambeau pour 2012.

Comme je considère Sarkozy comme un stratège politique rationnel, le remaniement actuel me semble révélateur de la réalité des faits du château :

- Sarkozy prépare 2012 et se recentre donc sur l’électorat UMP traditionnel, moins bling-bling et plus conservateur ;
- conscient de l’hostilité des Français, il préfère se cacher derrière un Premier ministre apprécié : François Fillon ;
- conscient que le centre-droit va présenter un candidat en 2012, il les laisse se diviser et pense à réintégrer un Borloo décrédibilisé par un Morin qui a gardé la main sur le parti en lui promettant d’être Premier Ministre en 2012 ;
- son plus grand opposant étant Fillon, et Sarkozy ayant définitivement décidé de durer, il préfère utiliser Matignon comme bouclier. Sarkozy sait que Fillon est un vilain manipulateur – rancunier de surcroît - tantôt séguiniste, balladurien, chiraquien qui n'hésitera pas à se positionner en candidat de centre-droit.

Sarkozy a donc respecté les commandements de la stratégie :

- anticiper les réactions de ses adversaires ;
- faire passer le remaniement pour un simple toilettage : perdre un peu de crédibilité auprès des commentateurs politiques ou de l’opinion publique ne retire rien à la satisfaction des militants UMP qui voient Fillon et des ministres de droite au gouvernement ;
- volontairement libérer les centristes pour connaître assez tôt le paysage de la course à la présidentielle de 2012 et évaluer les risques d’un 21 avril à l’envers ;
- s’échauffer à l’exercice de campagne en faisant appel aux idéologues de droite non sarkozystes ;
- faire la paix avec d'autres leaders d’opinion de l’UMP ( Baroin – Jacob – Juppé) ;
- dégraisser stratégiquement : Dati, Devedjian, Estrosi et Woerth attendront sagement qu’on les rappelle ;
- soigner la communication gouvernementale : Baroin a le ton et le discours parfaits pour dire aux français que l’on va légèrement augmenter les impôts…

Pour le PS, la meilleure stratégie serait :

- de faire des propositions populaires, réalistes et simples sur tous les sujets institutionnels, économiques et sociétaux ;
- d’avoir un « shadow cabinet » qui ne parle que d’une seule voix, sans qu’il n’y ait forcément de candidat désigné avant septembre 2011 ;
- de miser sur l’antisarkozysme primaire, un discours mou ou consensuel ne marchera pas ;
- de combiner « l’égalité pour tous » qui n’est rien d’autre que l’égalité des possibles, qui constitue un véritable programme politique, et le discours démocratique et libéral d’une « gauche moderne » ;
- d'éviter les références à Mitterrand ou à Jospin ou d’une manière générale à « la gauche qui gagne » dont l’impopularité est aujourd’hui plus qu’avérée : Mitterrand traîne derrière lui tellement de boulets et Jospin est si peu sympathique que leur simple évocation fait fuir l’électeur médian ;
- assumer les 35 heures: elles ont créé des emplois, la France n’a pas perdu en compétitivité, personne ne voudrait travailler 5 heures de plus gratuitement ou sous la pression du licenciement. C’est par ailleurs un problème organisationnel inexistant dans la plupart des filières ;
- …mais renforcer le droit au travail et la possibilité de réellement travailler plus et de réellement gagner plus.

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