logo

"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


blog médias Tribunes Donation etc.

L’argent fait-il le bonheur?

mercredi 12 mai 2010
«Le bonheur est un état trop constant, et l’homme est un être trop muable pour que l’un convienne à l’autre» Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire (1776-1778)

Pour les économistes, la recherche sur le bonheur a longtemps été problématique pour une simple raison : le bonheur ne se quantifie pas. On peut trouver des proxys comme la qualité de vie, mais on ne peut mesurer la sensation de bonheur ni en intensité, ni en durée comme s’y emploie la recherche médicale (à travers notamment la fréquence de troubles mentaux). La récente commission Fitoussi – Sen – Stiglitz (2009) pour la création de mesures alternatives à la "richesse économique" dépasse la mesure des richesses en prenant en compte l’idée de bonheur en quantifiant le stress au travail, le travail domestique, la dégradation du capital environnemental, etc. Le PIB ne fait pas le bonheur.

Au niveau microéconomique, les études de Wolfers et Stevenson, soutiennent l'idée que le revenu en valeur absolue compte plus que le revenu relatif. A partir de sondages réalisés aux Etats-Unis, ils montrent que les hauts revenus se déclarent deux fois plus « très contents » que les revenus les plus bas. Rien de surprenant. Mais en comparant ces résultats à ceux des enquêtes internationales, il apparaît que les plus pauvres ne seraient pas plus heureux s’ils vivaient dans une société moins inégalitaire, c'est-à-dire s’ils étaient relativement plus riches. L’argent pour ce qu’il est fait le bonheur.

Ce résultat contredit le paradoxe d’Easterlin, selon lequel bien que les riches soient toujours plus heureux que les pauvres, les riches des pays riches ne sont pas plus heureux que les riches des pays pauvres. Pour les tenants de la psychologie hédonique, comme le prix Nobel d’économie Kahneman, nous nous adaptons aux évènements heureux: plus d’argent ne rend pas plus heureux celui qui en a déjà beaucoup. L’argent fait moins le bonheur que la position que nous avons dans la société.

Qu’en est-il des évolutions dans l’espace et dans le temps ?

Géographiquement, on observe une forte corrélation entre bonheur, mesuré par les conditions de santé et le nombre de personnes à risques, et qualité de la vie, mesurée par 25 variables aussi bien météorologiques que sociales (Oswald and Wu, 2009). De son côté Clark (2009), s’intéresse aux phénomènes de ghettoïsation des riches et des pauvres. Si la plupart des gens se complaisent d’être plus riches que leurs voisins (Luttmer, 2005), pourquoi les plus riches et les plus pauvres habitent-ils dans des quartiers différents? La réponse est simple : un quartier aisé permet d’avoir accès à plus de « biens publics », en premier lieu la sécurité, tandis que le fait d’avoir une situation économique similaire à la majorité de ses voisins accroît la sensation de bonheur. Pour les plus aisés, le bonheur provient essentiellement de la quantité de biens publics à leur disposition; pour les moins aisés, le bonheur provient de l’appartenance à la même classe sociale que la majorité des habitants.

Dans le temps, Stevenson s’intéresse en particulier au cas des femmes. En dépit de l’obtention de droits identiques, de la possibilité de choisir librement leur choix de vie et de la convergence des salaires, les femmes sont moins heureuses aujourd’hui qu’il y a trente ans. Et cette tendance générale est vraie pour toutes les femmes, qu’elles soient éduquées ou non, au foyer ou sur le marché du travail, avec ou sans enfants. Peut-être cela s’explique-t-il par le fait que les femmes gagnent toujours 30% de moins que les hommes en dépit de toutes les avancées sociales et économiques des trente dernières années. Cet effet est d’autant plus plausible que selon les psychologues, les sociétés occidentales surévaluent l’impact de l’argent sur le bonheur.

Partager sur facebook

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire