« Il n’y a de sympathies réelles qu’entre gens semblables », Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1840.
Le nom est-il un déterminant de nos choix de vie ? J’avais déjà abordé les inégalités et les discriminations liées au prénom ou au patronyme. Inégalités parce que le prénom est souvent la conséquence d’une condition familiale ; discriminations parce que le nom patronymique mais également le prénom révèlent une origine sociale ou ethnique. En dépit des discriminations patronymiques révélées par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), le prénom et le nom ne suffisent pas à déterminer une existence. Mais le prénom et le nom permettent-ils d’expliquer les préférences et les choix des individus en termes d’amitié, de mariage ou choix de location géographique ?
Un article du très sérieux Wall Street Journal, écrit par le « Numbers guy » et publié en toute première page fait le point sur les différentes études sur le sujet. Jusqu’à maintenant, les différentes études statistiques mettaient en avant le fait que les individus ont une plus grande tendance i) à se marier avec des personnes qui ont le même prénom ; ii) avec des personnes qui ont le même nom de famille et iii) à vivre dans des villes dont le nom est similaire à leur patronyme. La raison avancée par les psychologues était le narcissisme.
Un jeune professeur de l’université de Pennsylvanie, Uri Simonsohn, a trouvé des résultats contredisant les anciennes théories. Ainsi, la tendance à vivre dans une ville dont le nom est similaire à son propre nom de famille a une explication des plus simples : les ¾ des villes dans lesquelles cet effet est très important ont été fondées par des gens du même nom ; par exemple Jacksonville par Jackson ou Williamsburg par Williams. Ces petites villes sont par ailleurs composées de descendants du fondateur de la ville, ce qui biaise le lien de causalité statistique.
Concernant le mariage, la plupart des études qui soulignent une tendance plus importante à se marier avec des personnes du même nom mettent de côté deux effets. D’abord l’effet ethnique. La plus grande fréquence de mariage entre personnes ayant le même nom de famille concerne les latino-américains. Or, Simonsohn souligne que dans cette communauté, il y a une plus grande tendance à divorcer puis à se remarier avec la même personne. Autrement dit, un époux se remarie avec son ex-femme qui n’a entre temps pas repris son nom de jeune fille. Cette tendance est confirmée par un contrôle tout simple : Vasquez et Vasquez ont une tendance presque deux fois plus importante que la moyenne à se marier entre eux mais Vasquez et Vazquez ont une tendance seulement 5% supérieure à la moyenne à se marier entre eux.
Le deuxième effet souligné par votre humble serviteur est qu’il y a probablement un effet géographique lié à l’immigration et à la ville dans laquelle on se trouve. Les personnes immigrées ont tendance à se regrouper dans des quartiers ou dans des villes où il y a déjà un « stock » important d’immigrés de leur région d’origine. Autrement dit, ils exportent des noms relativement similaires d’une région à une autre. Lorsqu’ils se marient dans le pays récipient, ils ont tendance à épouser une personne qui vient de la même région dans le pays d’origine et qui a donc un nom probablement similaire. Cela vaut également pour les personnes d’origine française. S’il y a une forte concentration de « Porcher » en Bretagne alors ma probabilité en tant que breton d’épouser un autre « Porcher » est plus grande. Comme le souligne l’Insee, nous avons tendance à nous marier avec des personnes qui vivent près de chez nous et qui ont les mêmes origines sociales.
Reste le mystère du prénom qui n’est pas directement élucidé. Votre humble serviteur vous propose une piste : les modes générationnelles dans l’attribution des prénoms (typiquement Léo/Léa). Mais rassurons-nous, dans le choix du conjoint, le narcissisme reste la base de tout ; la rencontre amoureuse entre deux personnes ayant le même nom ou le même prénom reste rare. Infiniment plus que le nom en lui-même, les origines sociales, le niveau d’étude, le patrimoine, la géographie et même les addictions sont des critères de mise en relation.
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