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Faut-il ratifier le dernier traité européen par référendum?

jeudi 20 septembre 2012



La récente fête de l'Humanité a été l'occasion pour le Gouvernement de mesurer l'écart grandissant entre les attentes des militants et sympathisants du Front de gauche et du Parti Communiste et les premières mesures qu'il a annoncées. Critiqué pour la forte participation des ministres à l'université d"été du Medef afin de rassurer le patronat sur ses objectifs économiques, fiscaux et sociaux (imposition à 75 % des revenus supérieurs à 1 M€, soutien à la filière nucléaire, lancement d'une consultation entre syndicats et patronat sur la flexibilité du travail), le Gouvernement n'était représenté que par sa sympathique -mais peu expérimentée- porte-parole. Le principal grief du Front de Gauche concernait principalement le Traité sur la stabilité, la coordination et la Gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG) qui devrait être adopté par voie parlementaire dans quelques semaines grâce à la majorité dont dispose le Parti socialiste à l'Assemblée nationale et au Sénat. A cette ratification parlementaire, les militants et sympathisants du Front de Gauche opposent la ratification par voie référendaire comme pour le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, convaincus qu'il s'agit de l'unique procédure susceptible d'exprimer réellement la volonté du peuple et qu'elle conduirait à son rejet comme en 2005. Une manifestation est prévue le 30 septembre 2012 prochain pour exiger un tel référendum conformément à l'article 53 de la Constitution.

L'austérité généralisée contribue à aggraver la crise économique

La principale critique adressée à l'encontre du TSCG est qu'il contraindrait les Gouvernements des pays européens signataires à mener des politiques d'austérité parce qu'il impose des limitations strictes de déficit et de dette publique. Si une stratégie économique de désendettement peut, à certaines conditions, contribuer au redressement économique d'un Etat, lequel retrouverait des marges de manoeuvre budgétaire et lui éviterait d'être soumis au diktat des marchés financiers qui exigent des taux d'intérêt toujours plus élevés comme pour l'Italie ou l'Espagne, une telle généralisation des politiques d'austérité en Europe conduit paradoxalement  à réduire la croissance de tous les Etats d'Europe et donc à rendre encore plus difficile le désendettement des Etats et le retour à l'équilibre des finances publiques. C'est cette stratégie générale de désendettement, en situation de crise économique, qui doit être combattue pour ses effets pro-cycliques: elle aggrave en fait la dette des Etats et amplifie la crise économique. Reste qu'il ne semble pas que l'objectif du TSCG soit l'austérité généralisée.

Le TSCG peut avoir des effets contra-cycliques et ne conduit pas mécaniquement à l'austérité

Si le TSCG prévoit bien une limitation du déficit structurel à 0,5 % du PIB et de la dette à 60 % du PIB, cela ne signifie pas en réalité que le TSCG contraigne les Etats à une politique d'austérité pro-cyclique amplifiant les difficultés économiques actuelles. En effet, alors que le précédent pacte de stabilité et de croissance (PSC) limitait les déficits à 3 % du PIB, la nouvelle référence à une norme structurelle -et non plus conjoncturelle- du déficit laisse penser qu'il sera possible de dépasser les 3 % de déficit en situation de crise. En effet, il se peut très bien qu'un pays connaisse un déficit structurel de 0,5 % et un déficit conjoncturel bien supérieur à ce seuil et bien au-delà des anciens 3 % du PSC, et ce en raison de la vigueur de la crise. Le TSCG n'impose donc pas par lui-même une politique d'austérité en temps de crise. Alors que l'objectif du Gouvernement Ayrault de réduction du déficit public -conjoncturel- à 3 % du PIB en 2013 est critiquée en cette période de ralentissement de l'activité économique (prévision de croissance de 0,5 % à 0,8 % en 2013), l'adoption de la nouvelle norme de 0,5 % de déficit structurel que prévoit le TSCG pourraît même paraître plus laxiste que l'objectif défini de 3 % puisqu'un pays pourra très bien respecter la norme structurelle  (0,5 % du PIB) en dépassant les 3 % conjoncturel, ce seuil issu du PSC devenant caduc après ratification du TSCG. Ainsi le Gouvernement Ayrault propose-t-il un objectif qui semble plus strict que ce qu'imposerait le TSCG si celui-ci était ratifié.

La nouveauté du TSCG concerne principalement les périodes de croissance

C'est surtout en période de croissance que le TSCG impose des efforts nouveaux aux Etats: en effet, dans une telle situation, le déficit structurel devra aussi être contenu à 0,5 % du PIB, ce qui implique mécaniquement un excédent conjoncturel. Le principal effet du TSCG sera donc surtout d'imposer un excédent budgétaire en période de croissance, ce que n jamais réalisé la France, y compris pendant la période 1997- 2002, dernière période de croissance forte. Mais il ne s'agit pas  d'empêcher tout déficit et toute politique de relance en situation de crise puisque la référence à une norme de déficit structurel (0,5 %) autorise des déficits conjoncturels beaucoup plus importants. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au TSCG son caractère pro-cyclique: il semblerait plutôt qu'il s'agisse cette fois d'un mécanisme véritablement contra-cyclique et donc économiquement pertinent, prévoyant la réduction des déficits en période de croissance mais aussi la possibilité de relances  en situation de crise. Auparavant, le PSC limitait trop drastiquement le déficit conjoncturel en situation de crise (3 %) sans prévoir de retour  à l'équilibre ou à l'excédent en période de croissance et semblait donc réellement pro-cyclique.

Si l'on ajoute que les déficits structurels peuvent atteindre 1 % du PIB si la dette de l'Etat est durablement inférieure à 60 % du PIB,  le TSCG semble moins rigide que le précédent pacte. Par ailleurs, des mesures temporaires et des circonstances exceptionnelles pourront être prises en compte pour ne pas respecter la lettre du TSCG décidément plus souple qu'il n'y paraît.

Le TSCG ne changera pas la construction européenne

Nous avions indiqué dans un précédent article que le TSCG ne changerait pas la donne en matière européenne, ce qui pouvait expliquer qu'on ne s'y oppose pas.

En effet, la gouvernance européenne n'en ressort pas fondamentalement renforcée, pas plus que la construction européenne, et le citoyen européen n'apparaît toujours pas en mesure d'influer directement sur le processus décisionnel européen. Toutefois, le TSCG aura pour effet d'accroître la supervision de la Commission européenne , gardienne des Traités, dans le respect des normes définies et obligera un Etat à retourner à l'équilibre -voire à l'excédent- en période de croissance économique. En période de crise, il semble que le TSCG soit moins contraignant que ne l'était le PSC.

Le TSCG doit-il être une cause de rupture à gauche?

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur l'opposition acharnée du Front de Gauche devant un tel Traité. Certes, la ratification par référendum d'un traité est une possibilité offerte par la Constitution et il est dommage que les citoyens européens ne soient que très rarement appelés à s'exprimer directement sur un projet européen. Toutefois, on ne peut pas considérer que la ratification parlementaire constitue un déni de démocratie puisque la France reste une démocratie représentative, dans laquelle la quasi-totalité des lois et des traités sont approuvés par voie parlementaire. L'offensive du Front de Gauche pour un référendum a donc une visée symbolique: il s'agit d'appeler à davantage de démocratie directe (pourquoi ne pas alors appeler à une mise en oeuvre effective et simplifiée du droit d'initiative populaire prévue à l'article 11 de la Constitution depuis le 23 juillet 2008) et surtout à se différencier d'un Gouvernement qu'il juge trop modéré et conserver des marges de manœuvre électorales. Cependant, la contestation du TSCG peut produire l'effet inverse de celui recherché: en effet, plus souple que son prédécesseur, son rejet par référendum -lequel n'a rien d'acquis- nous replacerait dans le cadre stricte du PSC dont les effets sont plus strictes et pro-cycliques et donc économiquement moins pertinents; Quant à appeler à la mise en oeuvre du référendum d'initiative populaire, un tel mot d'ordre paraît trop technique pour être mobilisateur alors que la critique permanente de l'Europe reste beaucoup plus simple et politiquement plus rentable.

                                                                                                                                 Stakhanov
                                                                                                          aleks.stakhanov@gmail.com

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