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La réforme de la couverture santé aux Etats-Unis : un choix économique rationnel ?

mercredi 24 mars 2010

C’est le deuxième moment historique du Président Obama : en réformant la couverture santé américaine, il réussit là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Les 35 à 60 millions d’américains qui ne bénéficiaient pas d’une couverture maladie bénéficieront d’une aide financière (un bonus) pour acquérir une assurance privée. Les compagnies d’assurance et les employeurs qui n’assureront pas leurs employés seront pénalisés d’une amende (un malus). On retrouve en fait un vieux mécanisme économique incitatif: taxer les comportements néfastes à la croissance économique et subventionner les attitudes qui permettent de l’augmenter.

La santé n’est pas un bien comme les autres. Elle est un bien public qui appelle une régulation internationale, via l’Organisation Mondiale de la Santé, les risques étant désormais des « passagers clandestins » de la mondialisation (U. Beck, 1986). Elle est également source de croissance endogène : améliorer la santé permet d’améliorer le capital humain et donc la croissance économique. Ce dernier raisonnement s’applique très bien aux fléaux épidémiques dans les pays en développement : des maladies comme le palu et le HIV entraînent la mort de populations jeunes à fort potentiel économique. Surtout, la santé est un bien binaire renvoyant à la fois au bien-être et à la couverture médicale. Les américains ont toujours eu un penchant pour la « santé » au sens du bien-être : les dépenses de santé y sont de 16% du PIB contre 10% en Europe. Mais ils sont peu demandeurs de « couverture santé » : ils privilégient la liberté de tirer les gains de sa propre réussite plutôt que la mise en place de filets de sécurité communs. Mais peut-on formaliser ces préférences ?

Grossman (1972) expliquait le choix américain par le prix relatif entre l’« autoproduction » de santé, c'est-à-dire un recours aux assurances santé sur la base du volontariat, et le recours à la couverture santé. Pour un jeune en bonne santé par exemple, le recours à une assurance personnalisée est moins coûteux qu’une taxe généralisée sur le salaire alimentant une couverture santé universelle. Ainsi, Grossman (1972) prédisait que le vieillissement de la population ou la dégradation généralisée de l’état de santé rendrait la couverture universelle économiquement plus avantageuse et inciterait les Etats-Unis à mettre en place une forme de « sécurité sociale ».

Au regard des faits, la réforme Obama n’aurait pas dû passer : selon le Wall Street Journal, seulement 35% d’américains sont effectivement favorables à la réforme de la couverture santé – l’aversion au risque est donc toujours aussi faible; le taux de pauvreté est quasiment inchangé (environ 15%) depuis une vingtaine d’années ; la population rajeunit et la démographie est dynamique. Autrement dit, le recours à une assurance individuelle est actuellement, en moyenne, plus rentable que la couverture universelle. Comment expliquer la réforme ? Le taux de dépréciation perçu du stock de capital-santé est actuellement moins important que son taux effectif : trop d’américains doivent choisir entre se loger ou se soigner ; les risques économiques et sociaux liés à une mauvaise santé sont actuellement trop importants. En résumé, le maintien du système de santé actuel entraînerait probablement des coûts économiques et sociaux plus importants que les gains à tirer de la réforme.

C'est justement là le soucis: la réforme d'Obama coûtera 900 milliards de dollars, près de la moitié du PIB français, pour des gains incertains. En effet, la réforme ne donne pas accès à une couverture santé mais à une assurance santé. Or, les assureurs sont libres de déterminer l'assiette et le taux de remboursement des soins de santé. Le risque est donc que le capital-santé ne s'améliore pas tout en payant l'addition. La santé n'a-t-elle vraiment pas de prix? Un bilan qu’il faudra tirer dans une dizaine d’années.

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