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Quand les geeks font mieux que les traders : le cas Wikipédia par Halim Madi

mercredi 17 mars 2010

Avec environ 500 millions de visiteurs par mois, Wikipédia fait partie du top 10 des sites les plus visités. Le principe de l’encyclopédie libre en ligne est connu : un particulier peut créer une nouvelle entrée ou modifier des entrées déjà existantes. Ce qui est moins connu en revanche est la manière dont les informations postées sur le site sont contrôlées : chaque modification est vérifiée avant d’être publiée, non pas par des professionnels, mais par des contributeurs actifs du site. Ceux-ci font d’ailleurs l’objet de railleries récurrentes. Ainsi, J. Zittrain, professeur de droit à Harvard, pouvait évoquer les nuisances qui résulteraient de l’absence de contrôle du site si les geeks qui veillent dessus assistaient tous en même temps à une conférence sur Star Trek.

Pourquoi des geeks ? Il suffit de jeter un coup d’œil à la page des contributeurs les plus actifs d’Europe pour découvrir le nom de vos protecteurs : Sceptre, Phantomsteve, Islander et consorts sont là pour voler à votre secours en cas de vandalisme. Mais ne poussons pas la raillerie trop loin : c’est grâce à ces héros silencieux qui scrutent les informations que certains articles – ceux sur Racine ou Duke Ellington par exemple – sont des sources fiables d’information. Vous auriez espéré des techniciens ou des experts dans leur domaine. Il n’en est rien. Wikipédia est une forme de marché autorégulé.

D’ailleurs, en regardant de plus près, on ne peut qu’être surpris pas le nombre de points communs que partagent les marchés financiers et Wikipedia:
a) ils sont producteurs et diffuseurs d’information accessible à faible coût ;
b) ils font se rencontrer une offre – actifs, articles – et une demande – porteurs, lecteurs. Chaque entreprise cotée peut être assimilée à un article de Wikipedia dont la cote est mesurée par le nombre de visiteurs ;
c) ils sont d’une profondeur et d’une étendue quasi-incontrôlable, « le tout l’emporte sur la somme des parties » ;
d) ils permettent l’accès à des biens publics : le financement de l’économie, la connaissance.

En dépit de ces caractéristiques communes, leurs aboutissements sont différents car leurs agents respectifs n’ont pas les mêmes motivations : l’encyclopédie libre est la manifestation de la sagesse des foules quand les marchés financiers incarnent leur aveuglement. Ce qui pousse un individu à corriger une référence dans l’article « Carla Bruni » est un sentiment différent de ce qui le pousse à spéculer sur un marché financier : dans le premier cas, il s’agit de partager son savoir pour augmenter le stock public de connaissances, de façon altruiste ; dans le second cas, il s’agit d’une recherche de rente privée, au détriment de l’autre. Les marchés financiers sont un jeu à somme nulle – ce que je gagne, un autre le perd – tandis que Wikipédia est un jeu à somme positive – l’information que je produis est consommée à l’infini par une multitude de demandeurs.

En clair, les marchés financiers ont besoin d’une régulation externalisée, Wikipédia peut se contenter d’une régulation par ses propres contributeurs. Economiquement, Wikipédia est une irrationalité : le partage et la passion ne peuvent être mesurés comme un gain économique. Mais Wikipédia a un avantage sur les marchés financiers : les motivations – de nuisance ou de bienfaisance – sont indépendantes tandis qu’elles sont interdépendantes sur les marchés financiers. Si la passion est suffisante, il vaut mieux parfois faire sans les experts.

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2 commentaires:

thomas d (bfa) a dit…

je partage l'opinion de chatron sur "les marchés financiers : un jeu à somme nulle". si on considère la partie spéculation c'est sûr, mais ils servent surtout à une chose, tu l'as dit : le financement de l'économie et en cela ils sont cruciaux.

wikipedia, marché autorégulé? Tu parles toi même de modérateurs qui sont cruciaux pour son fonctionnement.

de même que Sceptre, Phantomsteve, Islander et consorts sont cruciaux au bon fonctionnement de wikipedia, les marchés ont besoin de "régulateurs" pour encadrer leur fonctionnement.

De là à dire que les régulateurs sont des geeks... perso je choisis le côté trader pour des raisons purement matérielles et assumées..

la comparaison est très intéressante en tous cas: mais je crois que tu "oublies" le plus important : ce sont deux espaces de liberté qui ont besoin d'être régulés : ni trop ni pas assez.

Anonyme a dit…

Je crois qu'il parle d'autorégulation car ce sont ceux qui contribuent qui contrôlent le marché.

Les traders ne travaillent pas pour les agences de régulation et surtout, ils ne remplacent pas les agences de régulation, en tirant les règles de contrôle des marchés.

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