logo

"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


blog médias Tribunes Donation etc.

Emmanuel Todd et la question européenne

vendredi 17 février 2012




J'écoutais mardi dernier (14 février 2012) sur France 3 un débat sur la crise grecque dans l'émission de Frédéric Taddéi « Ce soir (ou jamais!) ». Parmi les invités s'exprimait entre autres Emmanuel Todd, célèbre anthropologue et démographe français. Autant j'apprécie les raisonnements de l'essayiste sur la politique internationale et l'avenir géopolitique du monde, autant je reste sceptique sur sa vision de l'Union européenne.

L'Europe constituerait un système d'exploitation

D'après Emmanuel Todd, on assisterait actuellement à un asservissement des contribuables européens pour rembourser la dette des Etats. La Banque Centrale Européenne (BCE) prête aujourd'hui aux banques à des taux très faibles (1%), lesquelles prêtent ensuite aux Etats qui augmentent les impôts prélevés sur les contribuables pour les rembourser. En plus d'un dysfonctionnement de gouvernance de la zone euro, celle-ci serait désormais entrée dans un cercle vicieux qui voit la BCE  ponctionner la richesse produite par les citoyens. Le système mis en place par l'euro conduirait à une véritable exploitation des Européens par la BCE. Par ailleurs, les politiques d'austérité mises en œuvre progressivement en Europe contribueraient à aggraver la crise en cassant la croissance économique.

L'Europe serait devenue une construction non-démocratique

On ne peut qu'approuver cette lecture de la crise proposée par Emmanuel Todd.  Il est toutefois plus difficile de lui accorder que le système de l'UE conduit à détruire la démocratie européenne avec la définition d'un système hiérarchique dominé par l'Allemagne. Selon lui, alors que la Grèce et d'autres pays du Sud de l'Europe (Espagne, Portugal) avaient intégré l'UE pour solidifier leurs démocraties, l'UE réintroduirait aujourd'hui des formes de dictature en imposant dans ces pays des politiques d'austérité à l'instigation de l'Allemagne. La tradition libérale de celle-ci (au sens politique, par opposition à une tradition autoritaire) est même contestée, l'apport de la philosophie allemande (Kant) à la démocratie européenne, par l'émancipation des individus qu'elle implique, étant occultée.
Une Allemagne responsable de tous les maux?

Cette présentation paraît excessive et la méfiance vis-à-vis de l'Allemagne injuste. Cela ne veut pas dire qu'il faut s'inspirer en tout de l'Allemagne comme le souhaite l'actuel Président.  Mais attribuer à l'Allemagne comme nation la responsabilité des politiques d'austérité est contestable: il s'agit de politiques conservatrices, d'inspiration libérale (au sens économique) mais non de politiques allemandes. On  regrettera surtout dans les critiques perspicaces d'Emmanuel Todd l'absence totale de vision de l'Europe et tout idéal relatif à sa construction: il ne s'agirait que d'une succession d'échecs, le projet en lui-même n'étant jamais soutenu, alors que les actuelles insuffisances sont principalement la conséquence de choix politiques et d'une mauvaise gouvernance.  Est-ce au nom de la souveraineté des Etats qu'Emmanuel Todd ne défend jamais la construction européenne? Il a plusieurs fois rappelé son opposition à la monnaie unique, insistant sur ses insuffisances mais éludant toujours les avantages et  les perspectives qu'elle pouvait donner aux Etats qui l'ont adoptée.

Une monnaie unique rendant impossible tout ajustement économique? La question de la dévaluation

Pour expliquer son hostilité à l'égard de l'euro, Emmanuel Todd insiste sur l'impossibilité, pour les Etats périphériques de la zone euro, de dévaluer leurs monnaies et ce afin d'ajuster leurs coûts du travail et de regagner en compétitivité économique par rapport à l'Allemagne. Il convient pourtant de rappeler que des formes alternatives de dévaluation existent au -delà de la diminution de la valeur nominale de la monnaie. Ainsi, le transfert de charges sociales vers la TVA (TVA sociale) peut-il s'analyser comme une dévaluation puisqu'il conduit à augmenter le prix des biens importés et à diminuer celui des biens produits localement (et exportés).

La dévaluation monétaire ne constitue ni l'unique instrument d'ajustement économique ni une fin en soi. Si par exemple tous les Etats décidaient de dévaluer, de façon non-coordonnée, leurs monnaies, la dévaluation serait sans effet aucun. Celle-ci peut aussi avoir des conséquences négatives qu'Emmanuel Todd semble ignorer: principalement l'augmentation du prix des importations.

Il a été dit à plusieurs reprises sur ce blog que la compétitivité d'un pays ne reposait pas uniquement sur les prix. Des politiques structurelles de qualification des salariés ou d'investissement sont de nature à la restaurer. Dans le contexte européen, cela se traduit par des transferts financiers entre pays et la définition de politiques européennes que seul un budget européen conséquent -et non limité à 1 % du PIB – rend possible. Le renforcement de l'UE et la voie vers le fédéralisme constituent donc une issue à la crise mais Emmanuel Todd ne l'évoque jamais.

Il est dommage qu'un tel intellectuel fonde sa contestation de l'euro sur l'inefficacité d'un instrument économique, la dévaluation, qui est loin d'être systématiquement utile, efficient et adaptée au contexte économique. Il est aussi regrettable de constater qu'il souligne très bien les défauts et les limites de l'UE sans jamais proposer de perspectives d'évolution.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Emmanuel Todd se croit prophète, mais cache mal son Nationalisme étriqué.

Enregistrer un commentaire