Selon le Washington Post, le Ministre américain de la justice, Eric Holder, ainsi que le Pentagone auraient ouvert une enquête à l’encontre de Julian Assange, nouvelle bête noire de l’administration Obama.
Mais le Gouvernement des Etats-Unis peut-il juridiquement agir contre WikiLeaks ou son fondateur, Julian Assange ?
S’il est relativement aisé, selon le droit américain, de poursuivre une personne qui divulgue des informations protégées - le soldat Bradley Manning, corbeau présumé, risque 52 ans d’emprisonnement - il semble en revanche plus complexe de le faire pour une personne (ou une entité) qui ne fait que publier ces informations.
Le gouvernement américain se dirigerait vers un échec juridique certain s’il recherchait la culpabilité de WikiLeaks. Le site pourrait, en effet, se réfugier derrière la très large protection accordée aux éditeurs par le premier amendement de la Constitution américaine.
En revanche, une loi américaine contre l’espionnage, votée en 1917 durant la première guerre mondiale, pourrait mettre en cause Julian Assange personnellement. Selon cette loi (section 793e), est susceptible d’être poursuivie, toute personne qui a délibérément divulgué des informations en ayant conscience que cela puisse constituer une menace pour la sécurité des Etats-Unis.
Selon Scott Silliman, Professeur à l’Université de Duke (Caroline du Nord), le gouvernement américain devra, pour pouvoir invoquer cette loi, prouver que Julian Assange a joué un rôle actif dans l’obtention des documents et avait un mobile autre qu’informatif, c’est-à-dire une volonté de nuire. Ce serait cependant la première fois qu'un éditeur de contenus informatifs journalistiques bénéficierait d'un tel régime.
En outre, le gouvernement devra démontrer que les informations divulguées ont provoqué une réelle menace sur les intérêts américains, et pas simplement un embarras diplomatique, ce qui pour l’instant, ne semble pas être acquis.
Mais avant même ces considérations d’ordre probatoire, deux autres interrogations rendent encore plus complexe l’éventuelle incrimination de Julian Assange aux Etats-Unis.
Les Etats-Unis - dont la soif d’impérialisme juridique est notoire - ont-ils juridiction pour appliquer leur loi sur l’espionnage de 1917 alors même que les faits reprochés ont été commis à l’étranger par un citoyen australien ?
Et surtout, les Etats-Unis ont-ils la possibilité d’appréhender physiquement Julian Assange qui a pour l’instant trouvé refuge au Royaume-Uni ?
Les traités d’extradition -dans leur grande majorité - prévoient des refus d’extradition lorsque la personne en cause est accusée de crimes politiques, un argument qui pourrait être avancé par le Royaume-Uni à l’appui d’un refus d’extrader Julian Assange. Reste une dernière solution: le vote d'une loi visant précisément les provocateurs et à renégocier les accords d'extradition pour prendre en compte ce nouveau délit. Un nouvel espace de tensions entre ordre public et liberté d'expression dans lequel les Etats-Unis choisiront probablement l'etouffement financier et la décrédibilisation des méthodes employées par WikiLeaks.
2 commentaires:
Le problème dans votre analyse est, je pense, que vous partez du principe qu'il y a respect par les États-Unis des lois dans leur pays ou en dehors.
Mais je pense qu'ils nous ont prouvés qu'ils pouvaient violer les lois internationales sans sourciller et même celles de leur propre pays en ne permettant pas à des accusés d'avoir une défense avec la justice militaire rendue sur Guantanamo (peut-on définir des "terroristes" de soldats/militaires ? Pour les USA, c'est oui...). Ces personnes ont été enlevées, gardées au secret et jugées dans des circonstances qui sont tout sauf claires.
Les conventions des droits de l'Homme et de Genève ne sont mêmes par respectés par les États-Unis qui refusent que ses citoyens puissent être jugés à la Haye. Pourquoi cela devrait-il changer ?
Quand à la Grande-Bretagne, allié certain des USA, j'attends de voir ce qu'elle fera d'un homme qui n'est pas un de ses ressortissants et qui n'est pas citoyen Européen...
Des pistes sont ouvertes à la fin de l'article mais la volonté américaine d'extrader Assange se heurte à quelque chose de beaucoup plus sensible que le droit d'ingérence ou le droit de la guerre: la liberté d'expression; liberté à laquelle les américains sont particulièrement attachés!
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