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Discrimination positive pour les riches ?

mardi 13 avril 2010

«Il ne fait pas bon d’être riche en France», plaidons pour une discrimination positive envers les riches. C’est, en forçant un peu, le résumé de la chronique d’Yves de Kerdrel dans le Figaro daté du 13 avril 2010. A en croire Kerdrel, dans notre cher pays, et contrairement aux Etats-Unis, l’incitation à devenir riche est presque nulle et décroissante, ce qui pénalise la croissance française et nuit aux plus pauvres.

Drôle de théorie alors que les hauts revenus ont récemment explosé en France et que le nombre de « riches » a augmenté. Entre 2004 et 2007, les revenus des neufs premiers déciles augmentent 4 fois moins vite que ceux du décile le plus riche; le nombre de personnes dépassant les 500 000 euros constants de revenu par unité de consommation augmente de 70% tandis que celui de ceux qui gagnent plus de 100 000 euros augmente de 28% (Insee, 2010).

Les riches sont par ailleurs moins imposés qu’on ne le croit: le taux d’imposition moyen sur leurs revenus est de 20% alors qu'"en appliquant le barème progressif de l'impôt sur le revenu" et les abattements, ils devraient l'être à 36 %. Ils profitent des niches fiscales. Contrairement à une idée reçue, les français les plus aisés ne paient pas plus d’impôts ou de cotisations sociales que dans les autres pays de l’OCDE. On ne peut qu’être surpris par la conclusion de l’auteur:

« Je rêve que tous nos compatriotes partis pour de tristes raisons fiscales reviennent en France développer leur savoir-faire, créer un esprit d’entreprise et dépenser leur argent, sans être inquiétés par une incertitude fiscale permanente».

D’autant plus que la fuite fiscale ne concerne que deux redevables de l’ISF par jour (environ 1 par jour décide par ailleurs de rentrer) alors qu’ils sont plus de 500 000. Autrement dit, 1 redevable de l’ISF sur 1000 menace de quitter la France quand leur nombre augmente de 10% par an depuis 2002. Le modèle social français semble donc propice à l’enrichissement…au moins pour les plus aisés. Il fait bon d’être riche en France.

Deuxième idée reçue : « Permettre aux riches de l’être, et d’être plus riches encore, c’est être sûr qu’il y aura moins de pauvres ».

Dans les faits, la part d’individus dits « pauvres » – ceux qui touchent moins de la moitié du salaire médian – a augmenté entre 2004 et 2007, période qui, rappelons-le, précède la crise financière de 2008. On compte aujourd’hui 8 millions de pauvres en France, soit 13,5% de la population. La conjoncture dégradée de 2009, la croissance atone de 2010 et l’arrivée en fin de droits d’un million de chômeurs ne devraient pas arranger les chiffres de la pauvreté. Il n’y a pas de lien économique certain entre augmentation des revenus des plus riches et diminution de la pauvreté.

Selon l’auteur, la discrimination positive envers les riches, qui leur permettrait d’être « plus riches encore », est un remède plus efficace que le Revenu de solidarité active (RSA): « A-t-on entendu dire qu’il y a moins de misère dans ce pays depuis que Martin Hirsch a établi son RSA prenant 1,1% des revenus financiers ? Bien sûr que non ! ».

Notification importante : le RSA est mis en place en 2009, en pleine crise économique, lorsque la croissance française est de -2,2% et ses effets n’ont pas encore été évalués. En période de crise économique, les inégalités sont susceptibles d’augmenter car les risques économiques et sociaux se concentrent encore plus sur les personnes fragiles. Il semble par ailleurs paradoxal de fustiger une politique qui prône la sortie de la pauvreté par le travail et d’avantager les politiques passives de redistribution comparables à de l’assistanat comme le fait plus loin Kerdrel :

« Il n’y a pas besoin d’avoir fait polytechnique pour comprendre que dans le cadre d’une société de perpétuelle redistribution (…), plus il y a création de richesses, plus les organismes sociaux disposent de moyens pour mener leurs politiques d’aides diverses et variées, mais aussi inefficaces que dispendieuses ».

La dernière affirmation est triplement fausse. D’abord parce que, contrairement à une idée reçue, le système de protection sociale français est peu redistributif. A titre d’exemple, le système de protection sociale américain permet de gommer 42% des inégalités de revenus entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres, alors que le système français ne gomme que 37% des inégalités de revenus entre les plus aisés et les moins avantagés. La France n’est donc pas une «société de redistribution».

Ensuite, parce que la création de richesses ne peut financer de façon optimale la redistribution que si les taxes marginales sont plus fortes sur les hauts revenus que sur les bas revenus. Ceci permet de rendre le travail plus attractif que les revenus de remplacement tout en diminuant les inégalités. Des effets démontrés depuis plusieurs années dans les travaux d’Emmanuel Saez et de Thomas Piketty.

Enfin, parce que la redistribution n’est pas inefficace. Elle permet la réduction des inégalités et la division par deux du taux de pauvreté. Aucune société ne peut se passer de la cohésion sociale et de la mise en place de filets de sécurité qui rendent justement plus attractive la prise de risque.

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6 commentaires:

Yannick Bourquin a dit…

Autant j'accepte volontiers les critiques constructives sur la façon inefficace dont sont conçues certaines politiques de redistribution (et comme vous le mettez bien en avant, rien qu'en observant le taux marginal d'imposition, on voit des aberrations), autant M. de Kerdrel, qui n'a visiblement aucune formation en économie d'après son CV, dit des conneries monstrueuses qui mériteraient qu'on le ligote et qu'on embauche deux salariés à temps plein pour lui mettre des claques à longueur de journée.

"Il semble par ailleurs paradoxal de fustiger une politique qui prône la sortie de la pauvreté par le travail et d’avantager les politiques passives de redistribution comparables à de l’assistanat comme le fait plus loin Kerdrel"

Ce mec n'a même pas un discours cohérent.

Anonyme a dit…

Pas vraiment surprenant de la part du Figaro.
A suivre:
La proposition de loi sur le voile (inapplicable et donc inutile) promet de véritables perles.

@Simon: super ton blog, continue !!!!

dd

superecon a dit…

Pourquoi donnez vous tant de crédit a Kerdrel qui est un type qui ne raconte que des bêtises? Il vous dirait la clinique privée est plus efficace que l'hôpital public sans prendre en compte le fait que leur périmètre d'activité est différent. Ce type est toujours a l'ouest!

Anonyme a dit…

Il est prof à Dauphine le mec...
Pauvres élèves.

Anonyme a dit…

Kerdrel est un journaliste qui ecrit ce que ses lecteurs veulent lire. Pourquoi pas.
Pourriez vous citer vos sources et leurs methodes de calcul pour la comparaison de l'efficacite du gommage des inegalites en france et aux US, je suis un peu etonne.
Enfin sur l'imposition moyenne a 20% pour les "riches" ca doit etre dans le cas d'un mec qui a la possibilite de pouvoir faire jouer plein gaz toutes les multiples niches fiscales, ce qui est un metier a temps plein !
Plutot que de monter les impots qui sont deja tres hauts (largement au dessus des 20%, je m'estime sans fanfaronnade ni honte dans les hauts revenus et j'etais bien au dela de ce niveau quand j'etais en France) il faut nettoyer le code fiscal de ses trous.

Enfin dire que dans un pays il faut des riches pour payer des impots ca me parait une bonne idee, il faut taxer les rentes pas le travail!

Je vous trouve un peu simpliste et aveuglement partisan dans votre article.

Simon a dit…

Ok pour Kerdrel.
Oui c'est étonnant: les inégalités aux Etats-Unis viennent d'écarts monstrueux du revenu marchand et non d'une inefficacité acquise des politiques de redistribution. Mes chiffres viennent de l'OCDE (plus exactement d'une conférence à laquelle j'avais assisté) mais vous trouvez des idées similaires ici http://www.insee.fr/fr/insee-statistique-publique/colloques/inegalites/pdf/inegalites-marical_texte-2.pdf et ici
http://www.oecd.org/dataoecd/48/59/41934087.pdf

L'imposition moyenne: http://info.france2.fr/economie/le-petit-livre-rouge-des-impots-67241069.html

Ok pour nettoyer les niches fiscales abusives. Ok pour un impôt plus redistributif et réellement progressif.

Quant à mon simplisme (très complexe au regard de Kerdrel), il y a des gens qui aiment le lire. Peut-être avez-vous vous aussi apprécié cet article?

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