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Génération 2000 : génération perdue ?

jeudi 1 avril 2010

Deux articles récents apportent des éléments de réponse à la question la génération « 2000 » - ou « millenials », ceux qui ont eu 18 ans au début des années 2000 - est-elle gâchée ? Le premier est de Jean-Pierre Robin du Figaro, le deuxième d’Anne Michel dans le Monde.

Robin revient sur une étude du Pew Research Center dont les conclusions sont connues : « last in, first out ». Autrement dit, les moins de trente ans ont un taux de chômage trois fois plus élevé que leurs aînés, un emploi généralement moins stable et un taux d’inactivité important. Robin cite à juste titre la théorie du « choc des générations » défendue par Louis Chauvel dans « Le destin des générations » (1998) : les écarts salariaux ont plus que doublé entre quinquagénaires et trentenaires entre 1975 et 2000 ; les risques de déclassement ont augmenté et l’accès au politique est bloqué…à cause de la « génération 68 ». Il y a là un véritable paradoxe d’Anderson : l’inflation des titres scolaires diminue leur valeur. Christian Baudelot & Roger Establet dans « Avoir trente ans en 1968 et 1998 » (2000) montre que les trentenaires de 1998 sont plus diplômés – ils ont cinq fois plus de chances d’avoir le Bac que leurs parents – mais un moindre accès au marché du travail et donc ni une mobilité, ni des revenus plus importants que leurs parents. En plus, ils devront payer la dette publique et la fracture écologique. Qu’attend la génération « 2000 » pour se révolter ?

Du côté du monde, on insiste sur la dernière note de l’INSEE : le patrimoine des français baisse pour la première fois depuis trente ans. Mais bonne nouvelle, il reste élevé : il représente 7,5 années de leur revenu disponible brut en 2007 contre 4,4 années sur la période 1978-1997. Les ménages sont majoritairement (58%) propriétaires de leur logement alors qu’ils étaient seulement 47% à être propriétaire en 1978. La génération « 2000 » est donc paradoxalement une génération « fille/fils à papa ». Jamais le patrimoine des français n’a été aussi élevé : le désavantage de l’insertion sur le marché du travail est compensé par l’aide familiale. Dans un dossier un peu plus ancien « Epargne et patrimoine des ménages » (2006), l’INSEE insistait sur le niveau trop élevé de l’épargne de précaution – une épargne pour faire face aux aléas de revenus – pour le motif du chômage. Cette épargne s’explique dans la majorité des cas par le fait que des parents épargnent au cas où un de leurs enfants serait au chômage. Même en situation de crise, les français bénéficient d’une bonne sécurité de l’emploi : plus de 80% d’une cohorte ne connaîtra jamais le chômage. Mais ce chiffre révèle également le défi de demain : les 20% restant concentrent sur eux l’ensemble des inégalités, qu’elles soient salariales, patrimoniales, ou scolaires.

La massification de l’école a changé la donne. C’est du côté de l’école qu’il faudra agir : les enfants d’ouvriers ont 23 fois moins de chances d’intégrer une des quatre grandes écoles (HEC, ENA, X, ENS). Transformons l'école pour déconcentrer les inégalités et ainsi donner tort à Bourdieu et Passeron: « Si l’école aime à proclamer sa fonction d’instrument démocratique de la mobilité sociale, elle a aussi pour fonction de légitimer- et donc, dans une certaine mesure, de perpétuer- les inégalités de chances devant la culture en transmuant par les critères de jugement qu’elle emploie, les privilèges socialement conditionnés en mérites ou en dons personnels» in « La reproduction. Eléments pour une théorie du système d’enseignement » (1970).

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